Refus du vaccin H1N1 : un acte citoyen suscitant un débat public !
par Bernard Dugué
jeudi 12 novembre 2009
La campagne de vaccination débute officiellement ce jeudi 12 novembre. Pour les uns, c’est une sage mesure de prévention, pour les autres, cette vaccination n’a aucun intérêt. Les plus critiques dénoncent une médecine industrielle et bureaucratique, inspirée de la gestion soviétique. Un comble, au moment où on vient de fêter la chute du mur ! Une chose est sûre, la vaccination généralisée contre la grippe A de 2009 suscite controverses et autres polémiques et ça fait débat, alors, débattons-en, en citoyens raisonnés que nous sommes.
En vérité, l’affaire est assez étrange. Voilà une vraie question de société, ouvrant vers des débats d’ordre politique et éthique. Et qu’entend-on de la part des intellectuels et des partis, rien, silence radio ! Voilà bien la confirmation que les gens d’en haut n’ont cure des préoccupations citoyennes et ne semblent pas concernés par cette vaccination qui pourtant, suscite des questions, des polémiques, parmi les citoyens, les parents et surtout les professionnels de santé. Des infirmières libérales ont même été réquisitionnées, au risque de désorganiser complètement leur agenda. Qui va faire la piqûre quotidienne à la vieille pour qu’elle ne souffre pas ? Mais ce n’est pas dans ces petits détails qu’il faut aborder le sujet. Les ressorts fondamentaux de cette campagne anti-pandémie doivent être discutés après une analyse sérieuse de ce phénomène sociétal. Le 10 novembre, Frédéric Taddéi a interrogé deux figures intellectuelles sur cette vaccination. Jacques Attali a présenté notre époque sous l’égide des menaces pandémiques venant des pays sous-développés. Le propos n’a pas choqué outre mesure. C’est naturel, dans notre époque crépusculaire, les esprits animaux propagent les peurs, réelles ou imaginaires. Attali a poursuivi en louant la sagesse des autorités mettant en place une répétition générale pouvant être utile en cas d’apparition d’un virus hautement plus foudroyant. Les propos d’Attali ne surprennent pas. Un intellectuel conseiller des princes ne prendra jamais le risque de contredire les élites. François Héritier, qui hérita de la chaire de Lévi-Strauss, n’a pas brillé par une originalité critique, se contentant d’approuver bêtement la politique du ministère face à la grippe A. On aurait aimé de la part de ces grandes figures intellectuelles un peu plus d’arguments et de hauteur pour orienter la réflexion critique du citoyen. Aussi incongru que cela puisse paraître, la contestation est venue d’un humoriste, Christophe Alévêque, dont les propos ont épinglé Roselyne Bachelot. En gros, si les autorités insistent sur la vaccination, c’est pour faire plaisir à la ministre de la santé. Ce constat n’est pas exagéré. Il s’agit pour les services sanitaires étatiques de ne pas perdre la face et pour les citoyens d’obéir aux injonctions ministérielles sur fond de culpabilisation pour celui qui refuse de participer à la ligne Maginot anti-virale.
Le plan antipandémie de 2009 est sans précédent. C’est un événement crucial de notre société. Cette peur envers un virus somme toute banal, ces injonctions à se faire piquer au nom d’une protection contre un mal surévalué, cette bureaucratisation d’une médecine entrant dans l’engrenage d’une industrialisation. Et ce silence des intellectuels. A se demander si nos têtes pensantes ne pensent qu’à leur carrière, formatant leur sujet d’étude en fonction d’une coterie de notables naviguant de congrès en amphithéâtres et se légitimant les uns les autres sans s’occuper de la vie des citoyens. Je ne vais pas me plaindre, puisque ça me permet d’avoir quelque temps l’exclusivité éditoriale dans l’analyse socio-systémique et historico-philosophique *. J’espère néanmoins que d’autres études savantes suivront, histoire de peindre la société où l’on vit, avec ses travers bureaucratiques, économiques et politiques.
Il est nécessaire qu’un débat ait lieu, à la fois sur le volet éthique et sur l’aspect technique et politique. Deux questions à poser, d’abord le don de son corps à la médecine pour subir un traitement qui un jour, pourrait devenir obligatoire. Ce qui engage un débat éthique avec une question constitutionnelle essentielle pour notre époque. Faut-il inscrire dans la constitution française le principe d’une liberté de chaque citoyen à choisir ou refuser un traitement médical quel qu’il soit ? L’autre volet concerne la médecine industrielle et la nécessité d’avoir déployé un plan aussi coûteux alors que d’autres priorités se font jour. Gaspiller cet argent dans le contexte de la crise, des déficits publics, du trou de la Sécu, mérite un vrai débat, voire même une commission d’enquête parlementaire. Le rôle de l’OMS doit également mis en cause dans cette affaire de grande pandémie. Ainsi que les profits des laboratoires pharmaceutiques sur fond de connivence d’intérêts, supposés entre membres du corps médical, experts étatiques et hauts cadres de l’industrie. La médecine est une nécessité, surtout celle de proximité, mais il faut à un moment poser les questions sur le rapport entre les coûts et les bénéfices. Passé un seuil de dépense, on sait bien que l’efficacité ne suit plus. Doit-on imposer aux citoyens de payer et donc travailler de plus en plus pour financer un système de santé hypertrophié, au détriment des aspirations à vivre un peu plus libéralement, avec culture, émancipation et joie d’être ? Plus généralement, c’est de l’asservissement de l’homme face à la technique dont il est question.
La campagne de vaccination a commencé. Une grande majorité de Français n’ira pas dans les centres prévus à cet effet. C’est une décision qu’on peut parfaitement comprendre. Après tout, c’est la juste revanche du principe de précaution dont l’usage est polyvalent. C’est au nom de ce principe que les autorités veulent piquer tous les Français et que les citoyens refusent d’être vaccinés parce que les doses ont été produites rapidement et qu’un vaccin, aussi propre soit-il, est susceptible d’entraîner des effets indésirables. Il faudrait en effet réfléchir à la vaccination qui, si elle a permis d’éradiquer la variole et s’est révélée utile pour d’autres pathologies, ne s’impose pas forcément dans le cas d’une grippe dont on sait qu’elle persistera pendant des décennies. Le Français qui refuse le vaccin le fait au nom de sa raison éclairée, une raison qui veut s’opposer à la déraison des autorités gagnées par l’obstination technico-médicale et les peurs irraisonnées. Mieux encore, le refus de vaccination se révèle être un acte citoyen et politique. C’est le refus du gaspillage, de la médecine industrielle, de l’asservissement des gens par les machines sanitaires bureaucratiques. C’est aussi une invitation à utiliser autrement l’argent public, par exemple payer des verres de correction à ceux qui n’ont pas de mutuelle et des tas d’autres choses bien plus utiles que ces piqûres intempestives avec en plus la mobilisation générale des personnels pour cette campagne qu’on jugera inutile et qui engendre un désordre public.
N’oubliez pas, chers concitoyens, ou plutôt, si, oubliez d’aller au vaccin mais n’oubliez pas d’aller voter et entre-temps, essayez de consacrer quelques minutes pour débattre entre vous, avec vos proches, collègues, ou tout simplement dans les nombreux cafés citoyens à votre disposition !
* Bernard Dugué, H1N1, la pandémie de la peur, Editions Xénia
En librairie le 17 novembre. A lire, ce mini entretien avec l’auteur.