Remise en liberté d’un mise en examen pour crime : et si ce n’était que l’application de la loi...

par vuparmwa
samedi 4 septembre 2010

Comme d’autres dans le passé, l’affaire du braquage du casino d’Uriage qui s’était soldée par une fusillade à l’encontre des forces de l’ordre a beau avoir été surmédiatisée et provoquée certaines propositions et le désormais fameux "discours de Grenoble", les textes sont encore là pour garantir un minimum de garanties aux personnes mises en cause.

La remise en liberté de l’individu que de nombreux médias qualifient déjà de "second braqueur présumé" choquent et risquent de donner du grain à moudre aux adeptes de la théorie des juges laxistes qui ne font que casser le travail des services de police ;

Synergie (second syndicat d’officiers de police) a dénoncé cette libération comme un "acte de forfaiture". "Les policiers sont écœurés", a déclaré à l’AFP Patrice Ribeiro, secrétaire général du syndicat.
cette décision "prouve que certains magistrats trahissent la mission dont ils sont investis" et "sabotent systématiquement le travail des policiers". "Tout débat sécuritaire est stérile et vain dans ces conditions", a-t-il fait valoir "tant qu’ils n’auront pas intégré qu’ils font partie de la chaîne pénale". "Le travail de la police nationale est vain si la Justice ne fait pas le sien"

et juste comme cela :
qu’est ce donc que la mission que trahissent certains magistrats qui s’amusent à saboter le travail de la police et quel est le travail que ceux-ci ne font pas ?

Le ministre de l’Intérieur, Brice Hortefeux, a exprimé jeudi soir, dans un communiqué, sa "très vive indignation" :
"La gravité des faits rend totalement incompréhensible que le suspect ait pu être remis en liberté, avec tous les risques pour la sécurité que crée une telle situation".

Le parquet a immédiatement fait appel, sur instruction du ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie.

et si ce n’était, n’en déplaise à certains, que l’application de la loi.

Rappelons encore et toujours que l’ensemble de la procédure pénale française est en principe là pour que seules les personnes coupables soient condamnées, pour que le présumé innocent puisse jusqu’au bout avoir la possibilité d’être mis hors de cause.

Depuis une loi du 17 juillet 1970, la détention, pouvant être prononcée à titre exceptionnel à l’encontre d’une personne mise en examen, n’est plus préventive mais provisoire.

Une simple modification terminologique en apparence mais un véritable changement de cap au moins au plan symbolique : si le détention n’était que préventive, cela laissait penser que la liberté n’était que provisoire.

Seules les personnes mises en examen, celles à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission d’une ou plusieurs infractions, peuvent être placées en détention provisoire.

Mais la mise en oeuvre d’une telle mesure est dans les textes très loin d’être la règle : l’article 137 du code de procédure pénale est d’ailleurs très clair à ce sujet :

Toute personne mise en examen, présumée innocente, demeure libre.

Toutefois, en raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté, elle peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, si celles-ci se révèlent insuffisantes, être assignée à résidence avec surveillance électronique.

A titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettent pas d’atteindre ces objectifs, elle peut être placée en détention provisoire.

Le principe reste donc la liberté mais, exceptionnellement, uniquement en raison des nécessités de l’enquête ou à titre de mesure de sûreté, la personne peut être astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire et, seulement si celles-ci se révèlent insuffisantes, être assignée à résidence avec surveillance électronique.

Ce n’est que si toutes les mesures précédemment évoquées ne permettent pas d’atteindre les objectifs fixés (les nécessités de l’enquête ou à titre de mesure de sûreté) que la personne peut être placée en détention provisoire.

Et là encore, outre la règle de l’article 137 du code de procédure pénale, un cadre très strict est posé :


- la mesure ne peut être prononcée qu’à l’encontre d’un individu poursuivi pour des faits qualifiés par la loi de crime ou puni d’une peine correctionnelle égale ou supérieure à trois ans ;
en l’espèce, la mise en examen a été prononcée pour vol aggravé par l’usage ou la menace d’une arme ainsi que pour tentative d’homicide volontaire ; pas de doute sur la nature criminelle de ces actes

- le placement en détention provisoire doit également être justifié de manière précise par l’un des motifs prévus par l’article 144 du code

- la mesure ne peut, depuis la loi du 15 juin 2000, être prise que par le juge des libertés et de la détention (JLD) saisi par le juge d’instruction suite aux réquisitions du procureur de la République.
Le JLD est alors totalement libre de sa décision et peut soit refuser le placement ou y substituer une mesure de contrôle judiciaire soit donner une suite favorable à la demande en indiquant en quoi les conditions semblent réunies uniquement après la tenue d’un débat contradictoire en présence d’un avocat et avec un possible délai pour préparer sa défense.

En l’occurrence, les choses ne paraissent pas si simples :
selon l’AFP, une source proche du dossier aurait indiqué que des éléments matériels, notamment une expertise, incrimineraient le jeune homme, qui a constamment nié les faits mais que celui-ci bénéficierait par ailleurs d’auditions de témoins à décharge.

Mais pas de quoi justifier apparemment une détention provisoire pour le magistrat qui préfère remettre l’individu en liberté en exigeant qu’il établisse sa résidence chez son frère, pointe deux fois par semaine au commissariat, ne se rende pas dans le quartier de la Villeneuve et ne rencontre aucune des personnes citées dans la procédure.

L’avocat du mis en cause a salué une décision "exemplaire" du juge considérant que "le dossier" visant son client "est vide au niveau des éléments à charge" et n’est que "celui de la rumeur".

"Les effets d’annonce que nous avons eus dans cette affaire à l’égard de mon client étaient totalement injustifiés", a-t-il dit ajoutant "ce soir c’est la force de la justice dans l’indépendance, la mesure, la recherche de la vérité qui ont triomphé".

Au moment où dans d’autres affaires des voix s’élèvent pour demander de laisser la justice faire son travail au lieu de vouloir lui forcer la main ou, au minimum, tenter de lui indiquer le chemin à suivre, quelques personnes feraient bien de s’abstenir de certains commentaires ou au moins faire un peu plus attention aux mots employés.

Cet article est initialement publié là : http://0z.fr/RXx9J


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