« Rendre grâce » au Rabbin, à l’Imam ?

par jlhuss
lundi 27 février 2012

OU ... A Brigitte Bardot !

Alors, parce que c’est Marine Le Pen qui soulève le beefsteak, il serait grossier, voir interdit d’évoquer la problématique de l’abattage des animaux. Comme d’habitude l'écrasante majorité de la presse se rue sur la « diablesse » pour l'écarire niant l’information pour ensuite être obligée de reconnaître que la question est réelle. Nous avons ainsi sous les yeux la meilleure manière de rendre crédible celle que l’on veut par ailleurs discréditer. Diantre que les journalistes fassent d’abord leur métier d’investigation avant de foncer sur tous les chiffons rouges sans réfléchir.

Sur le fond, il est évident que Marine Le Pen lance ce pavé dans la mare médiatique à un moment où pour elle les sondages s'effritent, où sa campagne commence à s’essouffler. C'est une raison supplémentaire pour ne pas balayer d’un revers de manche méprisant cette interrogation et ce débat, même s'il n'est pas fondamental.

En premier lieu, ou sont les chantres habituels de la laïcité ; ils sont sans voix. Pourtant le circuit de la viande, de sa distribution, de son abattage relève du domaine publique, même s'il est parfaitement normal, et du domaine privé, que le Juif veuille manger kasher et le Musulman halal.

Ensuite, regardons d’un peu plus près les choses en animal.

La "bête" ne pourrait pas être être étourdie et égorgée la tête tournée vers la Mecque, pour qu'elle se vide de son sang. Le sacrificateur doit être musulman et agréé par la mosquée de Paris, d'Evry ou Lyon. Enfin et c’est important pour comprendre la « généralisation », les produits halal ne doivent pas être en contact avec de la viande qui ne l'est pas au moment de l'abattage, du transport, du stockage et de la découpe. Ainsi, il est évident que les bouchers mettent dans le circuit « non ritualisé » de la viande ayant été abattu par cette méthode.

Pour le laïc, me direz-vous, quelle importance ? En première analyse pourquoi pas en effet ? Me foutant pas mal du Curé, du Rabbin et de l’Imam diront les moins bégueules, je peux bouffer la viande des uns et des autres.

Sauf Que !

Est-il possible de penser que la qualité de la viande dépend également de la manière dont elle est abattue ? Il serait étonnant qu'il en soit autrement, en dépit des déclarations des professionnels  : "Il peut se trouver que des pièces ou des morceaux de viande soient issus de carcasses abattues selon ce rite, mais ça ne change en rien la qualité de la viande" Une bête en souffrance, stressée, libère des toxines qui bien sûr s’incorporent aux muscles. Est-ce bon ? Moins bon ? 

Reconnaissons donc qu'au delà de l'idéologie "lepenniste" le débat peut logiquement être évoqué par les associations de défense animale, comme par celles des consommateurs. Les premières ont toujours alerté sur ces pratiques rituelles et réclament "l'étourdissement préalable" de l'animal. Pour être complet, il semblerait d'ailleurs que Dalil Boubaker, recteur de la Mosquée de Paris, ne s'oppose pas radicalement à cette pratique initiale.

Ainsi, tout en reconnaissant le subterfuge utilisé par Marine Le Pen essayant une fois de plus d'utiliser une réalité regrettable pour opposer et radicaliser, essayons d'apercevoir la vérité sous-jacente. La raison de cette dérive de l'abatage n'a rien à voir avec des questions "confessionnelles" ; elle est uniquement économique et s'inscrit dans une démarche de profits. Dans la filière viande, il y a les éleveurs, les abatteurs et les distributeurs. Aujourd'hui, le rapport de force est en faveur des grossistes et de la grande distribution. Ceux-ci exigent un bon rendement, des prix bas et de la qualité. Du coup, en amont, les abattoirs sont soumis à de fortes contraintes pour tenir les délais et les prix. Il est alors plus simple pour eux de faire du tout halal afin d'éviter les changements de chaîne et de process. Cela leur permet également de rentabiliser les carcasses en orientant certaines parties d'un même animal vers les boucheries rituelles et d'autres vers les boucheries traditionnelles ou les grandes et moyennes surfaces.

Dans cette triste affaire, chacun va défendre une fois de plus son « bout de gras ». En revanche il est difficile de comprendre la raison pour laquelle cette viande rituellement abattue pour certains, économiquement à bon prix pour d'autres, ne bénéficie pas d’un traçage d'abattage à l’image des autres traçages, d’un étiquetage le précisant. Cet étiquetage recommandé par l'UE et Bruxelles a été âprement combattu et refusé par la France pour des raisons purement économique et de soumission aux lobbies des grossistes. Faute de cet étiquetage et à contrario, on pourrait en effet également vendre de la viande dite halal à un musulman pointilleux alors que "l'heureuse bête" a été "étourdie électriquement" avant sa mort, tournée vers Long Island et par un Baptiste du New Jersey  !

Bruno Lemaire, ministre de l'agriculture, tout en niant les affirmations excessives de Marine Le Pen a reconnu que des débordements, des "excès" étaient réels et que des mesures seraient prises pour améliorer l'information du public. Pourquoi avoir attendu que "la blonde" s'en empare ?

Les gens sont attachés à la transparence, ils ont découvert son importance au moment de la crise de la vache folle. La "filière" a joué sur la traçabilité en vantant les avantages de la française parfaitement transparente, alors même que l'Europe voudrait réintroduire "les farines animales". Le méthode d'abatage peut parfaitement être intégrée dans cette nécessaire "traçabilité." La très grande majorité de nos concitoyens ne craint pas de manger halal. En revanche ils ont quand même le droit de savoir en dégustant leur beefsteak, s'ils doivent « rendre grâce » au Rabbin à l’Imam ou à Brigitte Bardot.

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