Route : après les radars, la confiscation automatique
par Lucsaint
vendredi 29 janvier 2010
En décembre dernier, Dominique Bussereau, notre préposé aux Transports, paradait à Pékin avec la délégation française, loin du boxon hexagonal : RER A enlisé dans la grève, aéroports perturbés, tunnel de l’Eurostar bloqué…
Sans doute étourdi par le gigantisme de la dictature chinoise, le sous-ministre dilettante nous est revenu de son voyage comme affligé de turista répressive. Il annonce vouloir passer la "surmultipliée" face à un bilan 2009 mitigé en terme d’accidentologie. Et de nous en glisser une belle sous les roues, sortie de la répugnante Loppsi 2. Ce "dispositif d’exception" - qui sera soumis au Parlement en février 2010 - promet entre autres joyeusetés (tel le flicage du web) d’inciter nos forces de l’ordre à confisquer systématiquement les véhicules des « chauffards » avant de les revendre… au bénéfice de l’Etat.
Pour mémoire, la « confiscation » date de l’ancien régime. Elle touchait les biens des condamnés et de leurs héritiers avant d’être abolie par la Révolution française. Reprise par les Nazis pendant la dernière Guerre mondiale pour racketter les Juifs, cette saisie devenue sanction perdura pour récupérer les armes, les stupéfiants, ou les contrefaçons auprès des gangsters. Plus générale, elle frappe les barons de la drogue, les auteurs de crimes contre l’humanité, ou les terroristes.
Nicolas Sarkozy qui est démocrate à sa façon, propose donc que la confiscation policière ne soit plus réservée aux grands assassins et autres génocidaires, mais qu’elle revienne toucher Monsieur Tout-le-Monde. A condition que celui-ci commette - par exemple - un "délit de grande vitesse" (à partir de 40km/h au-dessus de la limitation) au volant de sa voiture ou au guidon de son deux-roues.
Les habituels normopathes et autres pleureuses de sous-préfecture nous expliqueront que c’est bien fait pour les méchants chauffards et blablabla.
Reste la question de l’empilement sinoque des punitions. Pourquoi en rajouter avec Loppsi 2 ? Les risques pénaux encourus sur la route sont déjà délirants. Revue de détail avec le journaliste Jean-Pierre Steiner : « Homicide involontaire : 75 000 €, 5 ans d’emprisonnement, 5 ans de retrait de permis. Blessures involontaires : 2 à 3 ans de taule, 30 à 45 000 €, 5 ans de retrait. Jusque-là pourquoi pas ? Mais c’est ensuite que ça dérape. Un détecteur de radar non autorisé vaut à son possesseur 2 ans de prison, 30 000 € d’amende et 3 ans de retrait. Mettre des mineures des pays de l’Est à tapiner coûte moins cher ! Optimiser le moteur d’un cyclo, même punition : 2 ans à bronzer rayé, 30 000 €. Il vaut mieux carrément voler des scooters ça craint moins. Délit de grande vitesse si récidive : 3 mois de frigo, 1500 €, et 3 ans de retrait ! C’est presque aussi hard que de se faire piquer à dealer le l’héroïne ! »
Cet effarant durcissement de régime était venu ponctuer les glapissements sécuritaires de Jean-Claude Gayssot et Marie-Georges Buffet (PC) en charge des Transports sous le gouvernement Jospin (1997-2001). Voilà qui ouvrait grand la porte à la lourde machine mise en place fin 2003 par Nicolas Sarkozy (alors ministre de l’Intérieur) : le programme « 1000 radars automatiques ». Sept ans plus tard, tandis que 2500 photomatons crépitent au bord des routes, Sarkozy Nicolas nous en remet une tartine, beurrée d’une couche de Loppsi 2. Rappelons que ces mesures toujours plus coercitives sont décidées alors que la courbe de mortalité routière baisse depuis… 30 ans.
Prison et/ou amendes, annulation de permis, et maintenant saisie du véhicule. Le but inavoué de cette dernière filouterie ? Booster un chiffre d’affaire qui fait saliver, celui de la ligne "confiscation de véhicules" (CA de 10 870 497 euros en 2008). L’Agence de Gestion des Biens confisqués vient d’être (discrètement) créée dans ce but.
Nos dirigeants devraient aller au bout de l’idée, jouer franc jeu, et faire passer la "Sécurité routière" sous la coupe du Ministère du Budget.