Salut les poteaux !

par jlhuss
lundi 31 décembre 2012

On trouvera un portrait complet de Monsieur Pecksniff dans Martin Chuzzlewitt, livre un peu méconnu de Charles Dickens, mais dont je recommande la lecture à toute personne désireuse de découvrir des aspects inattendus de l’histoire des Etats Unis d’Amérique au milieu du XIX° siècle. Dickens présente ce personnage en deux phrases : « C’était, dit-il, un homme tout à fait exemplaire, plus rempli de préceptes vertueux qu’un cahier d’écolier ». Puis il ajoute : « Certains le comparaient à un poteau indicateur qui pointe toujours en direction d’un lieu sans jamais y aller ; mais c’était là ses ennemis, les ombres projetées par son éclat et rien d’autre ».

Architecte arpenteur de son état, Pecksniff montrait ses plans à qui voulait les voir. C’était, en général, ceux d’édifices publics ou religieux. Ils n’avaient qu’un défaut : tous restent éternellement à l’état de projets, ce qui était sans doute préférable pour la sécurité des futurs utilisateurs. En effet, leur prétendu auteur les faisait établir par des élèves qu’il accueillait chez lui, moyennant finances, afin de leur enseigner un art dont il est douteux qu’il ait jamais maîtrisé les rudiments. Bref, Monsieur Pecksniff est une des plus achevées fripouilles dont Dickens, ait peuplé ses écrits. Fort heureusement, l’auteur d’Oliver Twist et de David Copperfield n’a jamais terminé un de ses romans sans laisser la méchanceté impunie. Après de multiples et passionnants rebondissements, Pecksniff et ses complices finissent par payer le prix de leurs forfaits et tout est bien qui finit bien.
Tout ceci se passait du temps de la reine Victoria, c’est sans doute pourquoi Pecksniff est architecte. Aujourd’hui, il exercerait certainement ses talents dans un autre domaine. Il pourrait, par exemple, être économiste au FMI ou à Bruxelles, à moins qu’il ne préfère signer des éditoriaux dans les journaux dits sérieux, animer un think tank de droite, de gauche ou du milieu, ou gérer un cabinet de conseil en stratégie. Toutes ces professions ont en commun qu’on y débite plus de préceptes vertueux qu’un cahier d’écolier pourra jamais en contenir et que, quelle que soit sa couleur, le gouvernement en place, on lui indique inlassablement, la même ligne politique, sans jamais se soucier de savoir comment l’appliquer. Hélas, le monde et les temps ont changé et nous ne sommes pas dans un roman. La seule catastrophe qui menace les modernes Pecksniff c’est leur élection à l’Académie (des sciences morales et politiques).

 

Chambolle

 

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