Sans-papiers : retour à l’Etat de droit ?
par Emmanuel Pic
vendredi 23 février 2007
Les associations de défense des droits de l’homme doivent se réjouir : la Cour de cassation vient de fixer des limites aux pratiques de reconduite à la frontière des étrangers dépourvus de titre de séjour.
Le scénario était devenu classique : un étranger en situation irrégulière demandait le réexamen de son dossier, ou était convoqué par la préfecture à l’occasion de son mariage ou sous un autre prétexte. Loin d’être reçu par un fonctionnaire complaisant, il se trouvait accueilli par les forces de l’ordre, menotté, et placé dans un centre de rétention souvent éloigné de son domicile en attendant d’être reconduit à la frontière dans les délais les plus brefs possible. Le tout sans avoir eu le temps de prévenir qui que ce soit de son entourage...
Classique, mais peu connu. Rares en effet ont été les médias qui ont dénoncé ces pratiques pourtant exorbitantes du droit commun, c’est le moins que l’on puisse dire. Les réactions d’élus ont été encore plus discrètes, souvent marquées par l’incrédulité. Seules, les associations de défense des droits de l’homme (particulièrement le GISTI, Groupe d’intervention et de soutien aux travailleurs immigrés) ont régulièrement attiré l’attention sur ces agissements, se heurtant à l’indifférence de l’opinion.
De telles ruses sont désormais officiellement hors la loi : la Cour de cassation, à propos d’une de ces affaires intervenues en région parisienne, estime que "l’administration ne peut utiliser la convocation à la préfecture d’un étranger, faisant l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière, qui sollicite l’examen de sa situation administrative nécessitant sa présence personnelle, pour faire procéder à son interpellation en vue de son placement en rétention".
Le Conseil d’Etat vient par ailleurs de suspendre une circulaire du ministère de l’Intérieur qui permettait de placer en rétention des sans-papiers dès leur arrestation.
Le mérite de ces arrêts n’est pas seulement de rappeler ce qu’est l’Etat de droit : il est aussi de reconnaître officiellement l’existence de ces procédés pour le moins expéditifs...