Savez-vous combien touche un juge ? Et un enseignant ?

par Francescab
jeudi 7 juin 2012

Savez-vous combien touche un juge ? Et un enseignant ? Je pense que vous serez étonnés... Il existe chez les fonctionnaires des disparités salariales saisissantes...

En voyant la une du Nouvel Obs ce matin, "Grands patrons, ministres, élus : ces privilèges qu'il faut abolir", j'ai pensé qu'il était bon qu'on s'intéresse enfin sérieusement à ces questions afin de moraliser notre vie publique. Le labeur d'un patron payé 100 000 € est-il vraiment cent fois plus difficile ou important que celui du smicard travaillant dans la même structure ? De même, qu'est-ce qui justifie qu'un député ne paye pas ses repas, ou son taxi ? La France a grand besoin de refaire sa révolution, car une nouvelle aristocratie pioche allègrement dans les budgets nationaux.


Mais il existe une autre aristocratie, moins connue. Je parle des juges français. Ils sont détestés, bien souvent, pour leurs décisions contestées. Mais je ne m'intéresserai pas à leur décisions ici. Je m'intéresserai à leur bulletin de paye.

Un magistrat est un fonctionnaire de catégorie A. Tout comme un enseignant certifié ou agrégé. Pourtant, leur vie quotidienne est bien différente... Le magistrat arrive au palais de justice vers dix heures le matin... s'il a des audiences à tenir car dans le cas contraire il peut rester chez lui et y travailler ses dossiers à sa guise. Le magistrat a tout loisir de papoter dans les couloirs du palais au cours de la journée et, croyez-moi, il ne s'en prive pas. Et puis, tenez-vous bien, le magistrat a à sa disposition une voiture avec chauffeur. Le magistrat n'a pas vraiment de supérieur hiérarchique mais sait très bien qui lui est inférieur au palais. Le magistrat n'a rien à craindre et peut juger comme il lui sied : il est légalement irresponsable.

L'enseignant, lui, doit effectuer ses seize à dix-huit heures de cours (hors heures supplémentaires), dont la préparation occupent plus de vingt heures supplémentaires au cours de sa semaine. Il a d'autres obligations diverses (conseils, réunions, etc.). L'enseignant n'a guère le loisir de lézarder pendant ses heures de travail car il a soixante yeux braqués sur lui, ainsi qu'un inspecteur académique pour le rappeler à l'ordre en cas de dérive. L'enseignant est responsable de ce qu'il dit, de ce qu'il fait, peut être sanctionné par le Ministère comme par la loi ; il est responsable des dizaines d'élèves qui passent dans sa classe chaque jour.

Je vous passe les éventuels poncifs supplémentaires pour en arriver au coeur du problème : le juge et l'enseignant ont fait cinq ans d'études universitaires et passé des concours difficiles, ils sont fonctionnaires de catégorie A mais l'un a le (ré)confort d'un salaire grassouillet tandis que l'autre fait vache maigre.

Selon les chiffres du ministère de l'Education Nationale, un jeune enseignant commence sa carrière avec 1 666 € mensuels (2 030 € s'il est agrégé). Un salaire confortable pour la France, un pays où 50% de la population gagne moins de 1 500 €... Mais un salaire qui demeure très bas eu égard à la durée et à la difficulté de la formation requise. A mi-chemin de la retraite, l'enseignant perçoit environ 2 400 € (un peu plus de 3 000 € s'il est agrégé). Il termine sa carrière à environ 2 700 € (agrégés : 3 500 €). C'est nettement en-dessous de la rémunération des autres enseignants des pays de l'OCDE, et le salaire de l'enseignant allemand s'établit à 3 670 € en moyenne, contre 2 200 € en moyenne en France.

Le magistrat, lui, perçoit 2 630 € net en début de carrière. A mi-parcours il touche plus de 5 500 € et finit sa carrière avec plus de 8 700 € mensuels. Ces chiffres révèlent donc qu'un magistrat touche jusqu'à trois fois plus d'argent qu'un enseignant.

Que justifie cette disparité ? La durée et la difficulté des études sont équivalentes. En 2012 un candidat à la magistrature doit être titulaire d'un Master, tout comme un aspirant enseignant, soit cinq années d'études post-bac. Dans les deux cas, entre la formation en vue du concours et la formation suivant la réussite au concours il faut compter deux à trois années supplémentaires. Les conditions de travail dans un palais de justice sont meilleures que celles d'un établissement scolaire, chacun en conviendra. Les magistrats bénéficient d'avantages en nature que les enseignants n'ont pas (comme l'exemple des chauffeurs le montre). Est-ce donc la responsabilité endossée qui fait la différence ? Impossible : le magistrat est irresponsable et inamovible. L'enseignant est responsable de ses élèves et du contenu de ses cours. Est-ce la fatigue psychologique qui fait la différence ? Les deux métiers affectent profondément ceux qui les exercent, mais quel métier ne présente pas de difficultés à ce niveau ?

Ce doit donc être le nombre... Il y a 16 000 magistrats en France (bien moins que les 30 000 magistrats exerçant en Allemagne et au Royaume-Uni), tandis que le nombre d'enseignants a sept chiffres.

Mes propositions sont donc les suivantes : il convient d'aligner la rémunération des enseignants français sur celle de leurs collègues européens. Comment justifier que cela ne soit pas déjà le cas ? Et comment justifier que les magistrats perçoivent de telles rémunérations, totalement disproportionnées ?

Je propose donc également que les salaires des magistrats soient réduits de moitié. Oui : de moitié. Ce qui leur laisserait toujours près de 4 400 € en fin de carrière, toujours bien en-deçà du salaire des enseignants à un stade équivalent. Cela permettrait de doubler le nombre de magistrats pour atteindre un niveau comparable à celui de nos voisins. La justice est d'une lenteur telle que la France est régulièrement condamnée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme ! Des procédures simples mettent jusqu'à trois, quatre ans pour être tranchées.

Il est absolument nécessaire que nous rétablissions le principe d'égalité dans notre pays. C'est un principe qui nous est cher, et nous devons y rester attachés. Les enseignants ne doivent pas être paupérisés, et les magistrats ne doivent pas être érigés en aristocratie.

J'ai pris ces deux exemples, extrêmes, pour montrer la flagrance des inégalités qui existent même au sein de la fonction publique. Je tiens finalement à préciser que je ne suis ni fonctionnaire de l'éducation nationale, ni de la justice, ni même fonctionnaire d'ailleurs...


Lire l'article complet, et les commentaires