Services publics, deux repères essentiels (1) pour une bonne gouvernance
par Laurent Simon
samedi 13 septembre 2014
Une bonne gouvernance et une bonne gestion des facteurs humains jouent beaucoup dans la réussite ou l'échec des entreprises. Mais les administrations et services publics tardent encore à les prendre en compte pleinement.
Les réformes de plus en plus urgentes en France vont devoir s'appuyer sur ces facteurs pour non seulement permettre un rebond salutaire de notre pays, en faisant enfin diminuer le chômage, mais aussi donner des conditions de travail globales beaucoup plus favorables aux employés et de meilleurs salaires à terme.
Deux critères, très simples dans leur principe, sont incontournables, ils sont une des clés d'une bien meilleure gouvernance des services publics, des administrations et de toute l'organisation territoriale, de la commune aux régions, au pays et à l'Europe.
Des questions d'extrême actualité en France
Au moins 3 domaines sont d'actualité en France (et en Europe) :
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La réforme de la carte territoriale est en cours en France, suite aux décisions récentes de François Hollande, à la volonté de fusionner certaines régions entre elles, de supprimer l'échelon départemental au moins à certains endroits. - L'efficacité insuffisante des dépenses publiques en France et bien sûr le déficit chronique public en France depuis plus de 30 ans oblige à une nécesssaire réforme de l'Etat, à un meilleur fonctionnement des services publics et des administrations
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Le référendum en Ecosse, et celui demandé par les catalans, ainsi que les dysfonctionnements constatés dans les pays, et en Europe, obligent à se poser des questions sur la bonne gouvernance Europe / pays / collectivités territoriales ; ce qui rejoint d'ailleurs le premier point.
La question de la répartition des compétences et responsabilités est fondamentale, alors qu'actuellement les financements croisés, courants en France entre l'Etat, les régions, les départements les communes conduisent à des aberrations, et des gaspillages, d'autant plus incroyables que nous sommes en disette budgétaire.
Voir par exemple les deux musées construits récemment sur la Méditerranée, à Marseille l'un (Villa Méditerranée) financé par la Région, l'autre (MuCEM) à 65 % par l'État et à 35 % par les collectivités locales, le Département et la Région.
Avec un gaspillage fantastique : 184 millions d'euros pour le MuCEM et 70 millions pour la Villa Méditerranée) [1]
Mais ces questions de responsabilités ont un prolongement au niveau du fonctionnement de ces différentes collectivtés territoriales. De plus, les questions posées ci-dessus ne sont-elles pas plus générales ?
N'est-il pas nécessaire de se les poser au sujet des entreprises, afin d'améliorer leur fonctionnement, alors que la France souffre de compétitivité très dégradée depuis plusieurs années, et que les marges des entreprises sont historiquement basses en France ?
Atteindre des performances bien supérieures
Cet article vise à montrer l'importance décisive de deux critères, et de leur combinaison, pour obtenir des organisations à hautes performances. Pour permettre d'obtenir un fonctionnement beaucoup plus proche des start-ups et des équipes qui obtiennent des performances exceptionnelles.
Ou le parcours exceptionnel de certains équipes de football amateur, dans les compétitions françaises, qui parviennent à gagner contre des équipes de professionnels constituées de joueurs d'un niveau a priori très supérieur au leur.
Exemples de dysfonctionnements dans les services administratifs
Certaines adminstrations et services publics français ont considérablement amélioré leur fonctionnement depuis quelques années, ou quelques décennies.
Mais les administrations souffrent généralement d'une mauvaise image [4], au sujet de leur fonctionnement, et de leur capacité à rendre service à leurs 'usagers'. De quoi ceux-ce se plaignent ils alors ? Les cas les plus souvent cités sont par exemple :
- j'attends depuis un temps fou, et quand j'arrive au guichet, on me dit que ce n'est pas le bon guichet, qu'il reprendre une autre file d'attente
- quand je suis au bon guichet, et que je fournis des documents, la personne me dit qu'il en manque un essentiel, que tant que le dossier n'est pas complet, il ne peut être reçu et traité, et qu'il faut donc que je revienne plus tard... après avoir demandé le document correspondant à un autre guichet
- quand, pour pouvoir l'appeler un peu plus tard suite à une démarche en cours, je demande son nom à la personne au guichet, elle me répond : vous demandez le guichet n°3 (ou le service tartampion)
Ce qui n'est évidemment pas favorable à l'obtention de travail de qualité, et de résultats conformes aux attentes. Ni bien sûr de satisfaction des personnels, ni de motication au travail, sans compter les impacts négatifs sur l'ambiance de travail, pas non plus enthousiasmante.
Que manque-t-il donc aux adminstrations et services publics défaillants ?
Ces comportements et dysfonctionnements sont malheureusement encore trop fréquents, mais de quoi sont-ils le signe ?
De nombreux facteurs peuvent jouer, mais il en est un essentiel : la responsabilisation individuelle et claire de chacun, dont l'absence peut à elle seule expliquer une bonne partie des cas cités ci-dessus :
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la personne au guichet n'est pas considérée comme responsable de son travail, et de la satisfaction des usagers ; et s'il n'existe pas d'enquête régulière pour mesurer cette satisfaction, et identifier des points de progrès, elle ne dispose pas d'information statistique lui permettant d'amélioer le fonctionnement quotidien, et l'organisation correspondante - le chef hiérarchique de cette personne ne lui a pas indiqué une série d'objectifs pour l'année, et l'avancement ultérieur de cette personne n'est pas vraiment lié à l'atteinte de ces objectifs
- la notation des personnes, chaque année, par leur responsable hiérarchique, est souvent une mascarade, les appréciations "excellent" étant données même quand le travail est loin d'être satisfaisant ou suffisant
- la promotion des personnes et leur rémunération sont plus liées à l'ancienneté, automatique, qu'à l'atteinte d'objectifs importants, et l'emploi est à vie, la sanction de comportements même extrêmes va rarement jusqu'à la radiation
- sans compter les promotions d'une personne dont un responsable veut se débarasser, ce qui fait que les personnes qui progressent le plus vite sont quelquefois des personnes dont personne ne veut plus...
1er critère : une responsabilité individuelle incontournable...
Evidemment, il existe des services, souvent très adminstratifs, et surtout dans les grandes entreprises, où ceci n'est pas vérifié, et l'on retrouve alors le type de dysfonctionnement typique des adminstrations qui n'ont pas encore évolué comme il faudrait.
... qui est de plus en plus pratiquée dans les administrations...
Cette responsabilité individuelle est absolument nécessaire. Sans elle, le pire des fonctionnements est possible. Et les 'anciennes' administrations qui ont pris des mesures dans ce sens ont constaté des améliorations souvent spectaculaires.
Les objectifs de chacun sont alors liés à la réalisation des objectifs de l'adminstration, ou du servcie public [5]
L'OCDE a fait en 2005 un rapport sur "La responsabilité liée aux performances dans l'administration" :
... mais qui peut avoir des effets pervers
Mais il existe aussi des effets pervers, notamment en période de crise.
Il arrive que le responsable hiérrachique demande des objectifs qui ne sont atteignables, sauf par chance, et que les employés subissent alors une pression très importante.
Est-il utile de dire que ce n'est pas idéal ? Et que d'ailleurs ce n'est pas nécessairement très efficace ? Pour en revenir au sport, un des fils de Saddam Hussein, Oudaï, passioné de football, s'occupait de l'équipe nationale d'Irak. Il croyait intéressant de menacer ses joueurs des pires sanctions ou tortures s'ils n'obtenaient pas les résultats demandés... [6]
2ème critère essentiel : l'autonomie
N'y aurait-il donc pas un autre critère important à prendre en compte ?
Si la recherche de la responsabilité individuelle peut mener à des effets pervers, c'est que la personne à qui l'on demande des objectifs ne dispose pas vraiment des meilleures conditions pour les atteindre.
Il est quelquefois demandé des objectifs inatteignables, sauf si des mesures complémentaires étaient prises par ailleurs... mais ces mesures ne sont pas de la responsabilité de la personne, ni dans son domaine d'influence.
La personne fait alors face à une situation de type schizophrènique. Comment l'éviter ? En créant les conditions pour que la personne puisse modifier cette situation !
Ceci peut être obtenu avec une politique de "diffusion du pouvoir", d'autonomie : la personne n'est plus cantonnée à un domaine sur lequel elle ne peut agir, mais elle dispose de marges de manoeuvre significatives, qui permettent de faire évoluer le contexte, de le rendre favorable à l'atteinte de ces objectifs.
Une marge de manoeuvre qui permet des performances exceptionnelles
Ce critère peut aussi être appelé "autonomie" de la personne. Sans un minimum d'autonomie, l'employé ne pourra pas obtenir les mêmes résultats. Rappelons d'ailleurs qu'une des clés du management consiste à donner des objectifs à la personne, mais non de lui dire comment elle devra les atteindre. A cette consition, elle s'investira vraiment, et pourra obtenir des résultats Sinon, elle se sentira instrumentalisée, comme un robot, et elle risque même de saboter le travail.
Si donc les employés d'une entreprise ou d'une administration disposent de cette marge de manoeuvre, pour réaliser des objectifs clairs, réalistes, atteignables, alors l'expérience montre que les résultats sont au rendez-vous, et ils peuvent même être exceptionnels.
C'est la cas dans les start-ups, ou dans les équipes haute perfoirmance.
Cela se traduit d'ailleurs, c'est inévitable, par un authentique esprit d'équipe dans toute l'entreprise, une excellente ambiance, une très grande confiance mutuelle, et les résultats, les rémunérations et les promotions sont excellents.
Pour ceux qui travaillent dans telles conditions, c'est extraordinaire, et, pour l'avoir vécu dans différents contextes, nous souhaitons vivement à chacun de le vivre dans son organisation.
Un terme anglais est utilisé pour caractériser cette situation : "l'empowerment".
"De nombreuses confusions existent à propos de l'empowerment, notamment parce que sa définition et la représentation que s'en font les entreprises ne sont pas claires.
En France, par exemple, les entreprises, pour ne pas heurter leurs salariés, ont choisi de le traduire par "responsabilisation" ou "implication". Mais ces traductions ne rendent pas compte en totalité de ce que représente ce concept, qui intègre également les notions d'autonomie, d'autorité et de "pouvoir"."[BYHA96] [7]
Il est cependant nécessaire de réunir plusieurs conditions pour que cela soit possible. Conditions qui permettent un management avancé, et en particulier l'émergence d'une "organisation apprenante", 'et que nous verrons dans un prochain article.
Résumons sous forme d'un graphique, en croisant ces deux critères, dans un tableau 2 x 2 :
Nous avons donc précisé trois cases de ce graphique :
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Et dans la 4e case de ce graphique ?
Mais que se passe-t-il alors pour la 4e case : diffusion du pouvoir mais pas de responsabilisation individuelle ?
La première case (ni l'un, ni l'autre des critères) n'est vraiment pas satisfaisante, elle ne permet ni les résultats pour l'organisation, ni la gratification du personnel. Mais là c'est carrément l'horreur !
Rien n'étant géré, les résultats sont désastreux, l'ambiance est détestable, ceux qui se donnent beaucoup de mal se découragent finalement ; et comme les usagers sont mécontents, ils essaient de fuir, qaund c'est possible, râlent, manifestent une colère forte, avec des conséquences finalement négatives pour les employés, et l'organisation risque fort de dépérir.
Cela aboutit d'ailleurs souvent à des conflits majeurs, y compris à du harcèlement moral (et même sexuel), qui n'est même pas sanctionné alors qmême que tout le monde le sait... Et dans tous les cas l'ambiance est très défavorable.
La suite dans notre prochain article !
Nous donnerons un exemple vécu dans le prochain article, qui permettra également de préciser les conséquences de tout ceci pour les cas de grande actualité cités en introduction.
Car s'il est essentiel de savoir qui fait quoi dans une organisation, de définir des règles et de créer les conditions pour qu'une autonomie des différents acteurs soit possible, il est également fondamental que ces deux critères soient vérfiés entre les (nombreux) niveaux administratifs et territoriaux !
Ainsi que pour l'articulation entre l'Europe et les pays, et bien sûr entre les membres du gouvernement... Alors que des dysfonctionnements majeurs sont constatés.