Sexisme, la véritable cible
par Rantanplan
samedi 9 mars 2019
Depuis l'instauration du quinquennat présidentiel assorti d’une coïncidence des législatives et l’alternance mise en place pour offrir aux âmes simples un simulacre de démocratie, le pouvoir réel n’a plus changé de mains. Il n’a changé que de porte-paroles. La diversité est dans le style de l’interprétation de la partition, pas dans le changement du livret. Le répertoire est très restreint.
Les mouvements de « libération » inclus dans les kits de la pensée officielle (à monter soi-même à condition de n'utiliser que les pièces fournies) sont désormais bien cadrés, et toute tentative de présenter d’autres approches et d’autres perspectives que les mouvements « progressistes » mis en place par les stratèges de la « fabrication du consentement » sera rapidement « débusquée », soumise au détecteur de « fake-news » et cataloguée comme « complotiste » et « conspitationniste », si ce n’est « en voie de radicalisation ».
Depuis les années 80 et contrairement à ce qui se passait « avant », l’équité salariale entre les hommes et les femmes a été séparée de la lutte syndicale et politique pour devenir le « problème des femmes ». La manœuvre est habile : les efforts de la société doivent consister à réduire l’écart flagrant entre les rémunérations des hommes et des femmes, sans préciser si cette opération consistera à élever le niveau de vie des femmes salariées ou en abaissant le pouvoir d’achat des travailleurs masculins.
Les mouvements féministes demandent la fin du « patriarcat », un concept qui va bien au-delà des questions liées aux salaires et aux conditions de travail, mais la question qui n’est jamais posée est celle de savoir comment le pouvoir pourrait-il être réparti autrement en faisant abstraction du pouvoir économique. La désindustrialisation, les délocalisations et la libre circulation des capitaux se sont traduites par une dégradation de la situation économique des femmes salariées équivalente à celle subie par les hommes avec lesquels il se trouvent qu’elles sont souvent mariées ! Si l’écart masculin-féminin s’est réduit, le fossé entre les nantis et les plus démunis s’est élargi dans des proportions autrement plus importantes.
En pratiquent le dumping social qui consiste à mettre en concurrence les ouvrier du secteur manufacturier avec ceux d’autres pays où les travailleurs sont moins rémunérés ou pas du tout rémunérés, les accords « commerciaux » ont provoqué une diminution de fait des salaires, anéanti les possibilités de négociation et supprimé la sécurité. Les hommes en âge de travailler ont commencé à être confrontés au chômage à la même période que le travail des femmes se développait. Les dirigeants peuvent donc se vanter des progrès réalisés en direction des femmes qui se trouvent légèrement en avance sur les graphiques par rapport aux pertes subies par les hommes. Et tout ça dans un désastre socio-économique pour la population laborieuse.
Depuis les années 80, la productivité du travail a continué d'augmenter, mais les actionnaires et les dirigeants d'entreprise n’ont pas redistribué cette valeur ajoutée. Au contraire les niveaux de rémunération ont baissé en utilisant entre autres la possibilité de moins rémunérer les femmes que les hommes.
Une cause juste, la lutte pour une équité femmes/hommes, l’idée même de « libération de la femme », ont été utilisées pour faciliter la concentration du pouvoir politique et économique par une oligarchie qui ne s’intéresse au pouvoir que dans la mesure o$ il sert ses propres intérêts.
Les fantasmes idéalistes sur la capacité libératrice de l'emploi salarié dans le type d’économie qui est le nôtre font partie de la « théologie de la prospérité » dans laquelle l'histoire sociale est mise de côté et les rapports de classes sont remplacés par un « dialogue entre partenaires sociaux ».
Les femmes travaillaient déjà avant d’entrer sur le « marché du travail ». La distinction entre travail rémunéré et non rémunéré ne se fait pas dans n’importe quel contexte socio-économique. Ce n'est pas le « travail » qui libère comme l’affirment les idéologues autorisés. Le salaire est devenu une condition préalable indispensable pour pouvoir manger régulièrement, habiter dans un logement et participer à la vie sociale. Les puissances économiques ont créé un monde qu’elles contrôlent et elles ont ensuite entrepris de définir les luttes sociales recevables et sociétales dans les termes qui lui sont favorables. L'équité salariale entre les sexes a été entièrement manipulée dans ce cadre.
Trop souvent, les mouvements féministes sont utilisés comme moyen de diversion. Toutes les catégories sociales sont composées de femmes et d'hommes et les premières ne constituent pas une caste ou une classe particulière caractérisée par une réelle solidarité d'intérêts. L’invocation d'un conflit d'intérêts entre sexes ou la lutte pour l'émancipation d'un sexe à l'égard de l'autre est une tactique ayant pour but et comme conséquence de masquer les vrais rapports de domination et les vraies lignes de clivage dans la société, comme elle minimise l'importance des critères de différenciation physique entre individus (sexe, âge, état de santé, couleur de peau, morphologie) qui sont pourtant autant facteurs essentiels de discrimination sociale et d'exclusion.
Quoi qu’il en soit, pendant que les énergies s’épuisent en agitations et vociférations de la gent souricière, les gros chats noirs bien nourris peuvent faire la sieste : « C'est l'histoire d'un endroit qui s'appellait Mouseland. Mouseland était un endroit où toutes les petites souris vivaient et jouaient, naissaient et mouraient. Elles y vivaient d'une manière vraiment semblable à notre vie, à vous et moi. Elles avaient même un Parlement. Et tous les quatre ans, elles avaient des élections. Elles marchaient pour se rendre au bureau de scrutin pour y voter. Certaines se faisaient même conduire au bureau de vote. Et ensuite elles rentraient chez elles pour les quatre années suivantes. Tout comme vous et moi. Chaque fois qu'il y avait une journée d'élection, toutes les petites souris se rendaient aux urnes pour choisir un gouvernement. Un gouvernement formé de gros chats noirs bien nourris. »