Smart réussit la miniaturisation des droits sociaux
par Laurent Herblay
vendredi 18 décembre 2015
Il y a trois mois, la direction de la marque du groupe Mercedes avait remporté le référendum interne grâce au vote des cadres. Cette semaine, elle a remporté une victoire éclatante sur le terrain puisque 90% des salariés auraient signé l’avenant à leur contrat de travail.
Une simple logique de rapport de force
En septembre, 61% des ouvriers s’étaient opposés au projet mais le soutien de 74% des cadres avait permis de réunir une majorité. Le pacte 2020 prévoit le passage de 35 à 39 heures, payés 37, moins de RTT pour les cadres et une garantie de l’emploi jusqu’en 2020. Trois mois après, les salariés semblent bien avoir cédé puisque 9 sur 10 ont signé l’avenant à leur contrat, permettant à la direction de confirmer l’application de l’accord. Mais d’abord, un engagement jusqu’en 2020 est tout de même assez léger : il s’agit seulement d’une garantie d’un peu plus de 4 ans. On peut imaginer que si la situation du marché de l’emploi ne s’est pas vraiment redressée dans quelques années, la direction pourra toujours lancer une nouvelle négociation pour raboter encore un peu les droits sociaux des salariés.
Ce faisant, ce que l’on constate, c’est qu’à partir du moment où l’Etat donne la possibilité aux entreprises de revenir en arrière, dans le cadre de cette globalisation et d’un fort taux de chômage, le rapport de force est foncièrement inégal et à la faveur des grands groupes qui peuvent toujours faire un chantage à l’emploi et à la délocalisation à des salariés qui savent que s’ils sont trop revendicatifs ou pas assez dociles, alors ces employeurs pourront fermer l’usine et la rouvrir dans un pays d’Europe de l’Est, où le SMIC est jusqu’à dix fois plus bas ! Avant, il n’était pas possible de dégrader les droits sociaux, mais les accords de compétitivité permettent désormais de mettre la marche arrière pour les salariés, qui correspond à une accélération, en revanche, pour les profits, les actionnaires ou les dirigeants.
Parti Socialiste ou Parti des Superriches ?
N’est-il pas totalement extravagant qu’une majorité dite de gauche ou socialiste laisse faire de tels accords, qui déconstruisent des droits sociaux, que même la droite n’avait pas autant osé remettre en question ? Le plus incroyable est que ce n’est pas comme si cette majorité n’avait rien fait pour les entreprises depuis son élection. Outre quelques actions de simplification, ce sont plus de 50 milliards de baisse de cotisations sociales patronales, entre le CICE et le Pacte de Compétitivité. Mais, avec les accords de compétitivité, le Parti « Socialiste » remet à contribution les salariés, qui paient déjà comme contribuables. Et quand on sait que la réforme du code du travail en cours de travail comporte des éléments qui rappellent l’accord trouvé par Smart, l’agenda patronal est bien porté par la majorité.
D’ailleurs, alors même que certains se réjouissaient un peu rapidement des pseudos avancées de l’OCDE pour la lutte contre la désertion fiscale, le gouvernement a manœuvré cette semaine pour faire rejeter le reporting public du chiffre d’affaires, des bénéfices, des filiales, des employés et surtout des impôts payés pays par pays des multinationales, une mesure capitale pour lutter contre leurs pratiques. Après le coup de Trafalgar de Paris, qui freine la mise en place d’une petite taxe Tobin dans les pays européens, on se dit que, décidemment, ce gouvernement défend peut-être plus qu’aucun autre l’agenda des grands patrons et de leurs actionnaires, achevant la mutation du Parti Socialiste en parti de défense des intérêts de l’élite et des plus riches, comme on le voit maintenant aux élections.
Malheureusement, quand l’Etat refuse de les protéger, il faut reconnaître qu’aujourd’hui, les salariés ont du mal à faire autre chose que se soumettre aux diktats d’actionnaires toujours plus cupides, mais qui peuvent détruire leurs emplois sans le moindre état d’âme. Et finalement, on constate depuis trois ans et demi que le PS ne freine pas cela, mais semble presque l’accélérer plus encore.