Sortir du fétichisme de l’argent
par Voris : compte fermé
jeudi 14 décembre 2006
Molière dans sa pièce « L’avare » mettait en scène le rapport excessif et maladif que peut avoir un homme avec le goût de la thésaurisation. A notre époque, dans nos sociétés occidentales, notre rapport à l’argent paraît fétichiste comme jamais. L’argent du football, des vedettes du cinéma ou de la chanson, celui des multinationales et des gros actionnaires, les cagnottes du Loto, la fascination pour le compteur du Téléthon... Qu’en diront les historiens de demain ?
La dérive fétichiste
Parmi les individus les plus pauvres, certains ont un rapport fétichiste avec l’objet de consommation, quel que soit son mode d’appropriation, par achat ou par voie illégale. Ces consommateurs, au niveau culturel faible, ont une relation très primaire avec le produit de consommation. Leur avidité en fait des fétichistes d’objets de consommation. Dans les banlieues, ces objets de consommation sont davantage extériorisés (chaussures et vêtements de marques, voitures de grosse cylindrée, portables dernier cri, etc.) que tournés vers la sphère privée. Logement et mobilier sont négligés. L’apparence dans la rue ou à l’école compte davantage. Peut-être cette tendance s’est-elle amplifiée sous l’effet de l’intégration des populations d’Afrique du Nord.
Chez les individus les plus riches, il y a un fétichisme de l’argent : la course au profit n’a plus pour but l’accroissement du niveau de vie, mais devient un jeu dans lequel aucune limite n’est posée : accumuler les fortunes le plus astronomiques possible, exiger des revenus croissant de manière exponentielle, les stocks options, les parachutes dorés de PDG... Les très riches jouent avec l’argent à la Bourse, ne savent plus qu’en faire, le risquent au poker ou dans d’autres formes de jeu, rachètent même leurs propres actions, selon Arlette Laguiller.
Dans les deux cas de fétichisme, l’individu a abdiqué une part de son libre-arbitre et de son bon sens pour opérer une sorte de déification de l’objet de son fétichisme. D’une certaine façon, on peut dire aussi que le ludique et le virtuel ont pris le dessus, avec à la clé beaucoup de violence, ce fétichisme prenant la forme d’agressivité. Vols et rackets dans les banlieues et les écoles.
Les victimes de ce fétichisme sont les classes moyennes
D’abord, parce que les populations qui subissent la ségrégation par l’habitat, l’emploi, la médiatisation et les discriminations, poussées par des pulsions très agressives car frustrées dans leur désir de consommation de biens et de modes de vie supérieurs, se déchaînent à travers des actes graves : destruction des symboles de la société de consommation (voitures, vitrines) et de symboles de leur univers fermé et sans espoir (mobilier urbain, maisons pour tous, écoles, autobus).
Ensuite, parce que la minorité des gens les plus riches nuit aux classes moyennes en rompant tout lien entre profit et sens des valeurs (travail, intérêt général, utilité réelle de cet argent accumulé). En s’accaparant de plus en plus d’argent, elle provoque une régression du pouvoir d’achat des classes moyennes. Galbraith, dans L’ère de l’opulence, avançait l’idée que la croissance -y compris celle du profit- se justifie par le fait qu’elle entraîne un effet de démocratisation d’ensemble à long terme. Cette thèse a été complétée par celle du rattrapage tirée des idées d’Engels. (En gros les classes moyennes finissent par accéder aux biens qui leur sont dans un premier temps inaccessibles). On ne peut plus justifier aujourd’hui la course astronomique au profit par cet argument. La course à l’accumulation de biens se poursuit sans limites et sans la satisfaction espérée autrefois. Pire, les inégalités se développent.
Le consumériste fétichisme n’est-il pas responsable de ce fait ? N’est-ce pas notre rapport à l’argent, au profit, et à l’appropriation, qui doit être repensé dans le cadre d’une économie plus juste, au sens du développement durable ?