Spoliation des biens culturels par l’État : après l’archéologie nazie, la France connaitra-t-elle l’archéologie communiste ?

par Gabriel Sarran
samedi 10 septembre 2016

Il est toujours intéressant les mois d'été en France de se pencher sur les lois que l'exécutif a passées en douce. Le journal Le Monde s'est essayé à l'exercice dans son édition du 8 septembre 2016 [1]. Toutefois, ses journalistes sont manifestement allés un peu vite en besogne : ainsi le quotidien national est passé à côté de la nationalisation par l'état des biens mobiliers présents sous nos pieds : ni plus ni moins que l'abrogation d'un droit de propriété ancestral.

En effet, jusqu'à présent le propriétaire d'un terrain était aussi propriétaire des vestiges matériels qui pourraient s'y trouver enfouis ; en précisant toutefois que l'inventeur du bien découvert pouvait en revendiquer la moitié au propriétaire. Avec la loi votée cet été [2], c'est terminé. L'État est présumé propriétaire de tout ce qui est mis à jour dans votre jardin. Si vous perdez votre alliance en or massif en jardinant et la retrouvez quelques mois plus tard, vous aurez à démontrer qu'il s'agit bien de la vôtre auprès de l'Administration : par défaut et en l'espèce, les services de l'État sont en droit de réclamer votre bien.

Il s'agit donc bien de la nationalisation - par un gouvernement socialiste et en catimini - des biens culturels se trouvant sur la propriété de chacun d'entre nous. Plus d'un quart de siècle après l'effondrement des états socialistes du bloc communiste et trois quarts de siècle après la fin de l'Europe fasciste, la République française renoue en 2016 avec les mesures d'un état totalitaire.

D'aucuns pourraient parler d'un retour au Peuple de son patrimoine. Mais ce type de logorrhée caractérise des cerveaux aussi malades que ceux qui ont pensé cette loi. En effet, le recul historique nous permet d'être clairs : ce n'est ni plus ni moins que la spoliation par l'appareil d'État et ceux qui le composent des vestiges archéologiques présents sur nos propriétés. Quel citoyen français s'est vu informé d'une quelconque volonté de l'exécutif de lui retirer le droit de propriété sur ce qui se trouve sur ses terres ? Y a-t-il eu un quelconque débat public sur l'abrogation de ce droit ancestral ? Non.

Quid maintenant ? Comment l'exécutif fera-t-il valoir son nouveau droit sur les présumés objets présents sur nos terres ? L'état créera-t-il spécialement une police pour le ministère de la Culture ? Au hasard ou sur dénonciation, ses agents devront aller interroger les Français sur ce que leurs travaux dans le jardin, aux champs, dans leur bois, leur auraient fait découvrir. Puisque l'État est présumé propriétaire de tout ce que contient votre terrain, la logique est implacable : du moment où vous possédez un terrain et une pelle, vous êtes présumé coupable. Avec des concitoyens abattus par centaines en plein Paris, écrasés par dizaines à Nice, nos services de police ont autre chose à faire. Sans parler du trafic de drogue et celui des êtres humains...
On le voit bien l'état n'a aucun moyen de faire respecter cette loi.

Des cerveaux malades oui... mais de surcroît torves. Car ils savent comme tout un chacun notre état impuissant. Il est donc fort à parier que ceux qui ont pensé cette loi ne veulent pas en faire la publicité. En effet, elle permet à l'intelligentsia en place de se prévaloir de la seule dignité de l'étude du patrimoine des Français. Le simple citoyen ne peut donc plus être historien ou archéologue en France. Seule une clique d'intellectuels parisiens ou appointés par la République seraient donc à même d'accéder et d'étudier les richesses historiques de la Bretagne, du Pays Basque, du Languedoc, de la Catalogne française, de la Savoie ? Allez dire aux Kanaks de Nouvelle-Calédonie qu'ils doivent passer par Paris pour avoir l'autorisation d'accéder à leurs objets sacrés ? La France totalitaire donc, minée par le combat d'arrière-garde d'idéologues de gauche aux dogmes que l'on sait pourtant bien nauséabonds depuis les expériences du XXe siècle.

Il ne faut pas se leurrer, l'histoire en France est une science d'État. La quasi-totalité des historiens et archéologues de profession sont payés par le gouvernement. Il est possible dans ce pays d'être condamné par les tribunaux pour de simples idées sur l'Histoire. On le comprend : au-delà de la spoliation du patrimoine culturel de chacun des Français, l'État tente de nier à chaque citoyen sa faculté à étudier par lui-même son patrimoine. Il veut ainsi garantir les fondements de son histoire officielle. Au lieu d'y faire face...

De surcroît, l'État a créé aussi une chasse gardée pour ses fonctionnaires ou agents publics de l'Archéologie : au premier rang desquels figure la calamiteuse et très syndiquée INRAP ; mais à laquelle il nous faut ajouter la noblesse scientifique d'État incarnée par les agents du CNRS, tout aussi discrète que méprisante et, bien qu'oisive, tout autant puissante.

Quid en pratique ?


. le propriétaire d'un terrain visitant les archéologues travaillant sur sa propriété et demandant ce qu'ils y ont trouvé se verra répondre : "Monsieur, tout ce qui a été trouvé sont les biens de l'État, cela ne vous regarde pas". En plus de couper matériellement le citoyen français de son Histoire, cela ne pourra que favoriser le vol du mobilier lors des opérations archéologiques.
. comparé à un particulier propriétaire, le caractère abstrait d'un état propriétaire et son impuissance à surveiller son bien entraînera les mêmes effets sur les dépôts archéologiques que sur les biens présents dans les ambassades : tout comme l'ambassadeur peu scrupuleux en accapare une partie, du mobilier disparaîtra des dépôts et rejoindra le marché noir. Qui veut de la statuaire romaine ?
. enfin, étant sûr d'être dépossédé, plus personne n'informera les services culturels de l'État s'il découvre quoique se soit d'intéressant sur sa propriété. Bien que rare, l'éventualité existait [3]. Le marché noir s'en trouvera d'autant plus renforcé.

Cette loi est donc une tragédie scientifique pour l'archéologie. Toutefois elle est surtout une tragédie pour l'identité française : en déconstruisant le lien matériel entre le citoyen et sa terre, cette loi s'attaque à la notion même d'appartenance à la nation France. Étant donné les circonstances actuelles, l'État joue contre son camp ...

À part enrichir des véreux des services publics de la République, gageons et espérons que cette loi aura autant d'influence sur le monde réel que celle que la République vota pour interdire le pantalon aux femmes. Dans la défaite, notre État a un don pour être en plus ridicule : "Sabordons la flotte !"

 

Gabriel Sarran

 

PS. oui, la France a en effet connu une archéologie nazie. Certains archéologues s'en sont fait une spécialité [4]. Indépendamment de la qualité de ces travaux, compte tenu de la quantité de mobilier archéologique en attente d'étude dans les dépôts archéologiques, on peut s'interroger sur le bien-fondé de financements ou de soutiens publics dont auraient pu bénéficier directement ou indirectement de tels travaux.

 

[1]
Tout ce qui a été voté pendant vos vacances d’été (ou presque)
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/09/08/tout-ce-qui-a-ete-vote-pendant-vos-vacances-d-ete-ou-presque_4994747_4355770.html

[2]
Article L541-4
Créé par LOI n°2016-925 du 7 juillet 2016 - art. 70 (V)
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do ;jsessionid=61E6C489E9FD7B47E1DEBA969B80B423.tpdila10v_3?idArticle=LEGIARTI000032857657&cidTexte=LEGITEXT000006074236&dateTexte=20160909

[3]
Le trésor d'Arpajon
http://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/20081128.OBS3185/le-tresor-d-arpajon.html

[4]
Laurent Olivier, Nos ancêtres les Germains, les archéologues au service du nazisme, Tallandier, septembre 2012
https://www.connaissancedesarts.com/archeologie/les-nazis-et-larcheologie-en-france-11427/

 


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