Tahar ben Jelloun ou comment un « intellectuel » maghrébin fausse le discours sur l’immigration

par Hieronymus
vendredi 23 avril 2010

Chaque semaine apporte son lot de faits divers tragiques concernant la dérive des banlieues, bus incendiés, phénomènes d’émeutes, personnes agressées voire lynchées, ces actes extrêmement graves amènent de nombreux commentaires d’observateurs ou chroniqueurs divers, à ce titre l’opinion « d’intellectuels » partageant la même origine que les auteurs incriminés dans ce type de violences revêt une particulière importance en raison de leurs poids moral, on est donc en droit, vu la gravité de la situation, d’attendre de ceux-ci une prise de position honnête et courageuse qui permettra de jeter les bases d’une réflexion saine, prélude à une guérison progressive de ces conflits sociaux, en tout cas c’est ce que l’on souhaite très fortement or qu’observe-t-on ?
 
 
Suite à l’incendie du bus au Tremblay (31 mars) un article est paru dans le Monde en date du 10 avril dernier signé de Tahar ben Jelloun, sans doute convient il de rappeler en premier lieu qui est ce monsieur ben Jelloun ?
Ecrivain de langue française d’origine marocaine, celui-ci n’est rien moins que Grand Officier de la Légion d’honneur, membre de l’Académie Goncourt, il a été traduit en 43 langues, autant dire que c’est plus qu’une simple plume mais vraiment la référence française littéraire de culture maghrébine !
Il a une bonne tête le Tahar avec ses yeux doux et sa barbe grise, on dirait un vieux patriarche, il est du genre de ceux qu’on aimerait rencontrer à l’occasion d’une promenade au détour d’un chemin, on se dit que ce ne serait pas désagréable de faire un brin de causette avec, voire lier contact ; sensible et intelligent, il est évident qu’il a beaucoup à dire et à nous apprendre si nous savons écouter aussi sommes-nous d’emblée ouverts à l’opinion d’un tel individu et sans forcément prêt à l’accepter, tout au moins disposés a priori positivement, c’est surtout pour cette raison davantage que pour ses titres que je me suis penché avec sérieux sur son « analyse » de la dérive des cités dans son article paru dans le journal le Monde, il s’exprime donc dans un des premiers journaux français par un long texte au style littéraire auquel je vous invite à vous reporter, l’article est en ligne ici  :
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/04/10/la-banlieue-s-ennuie-par-tahar-ben-jelloun_1331700_3232.htm
 
A vrai dire j’attendais d’abord quelque chose qui puisse me surprendre, m’indiquer une opinion ou un avis auquel je n’aurais pas encore pensé, j’attendais enfin et surtout un exposé honnête, fait avec conscience et sans complaisance, qui soit comme une découpe au scalpel du problème permettant d’entrevoir les entrailles du phénomène, ses côtés peu reluisants enfin aperçus dans une lumière crue .. je lisais ligne après ligne et j’espérais toujours .. or c’est peu de dire que j’ai été déçu, j’ai même été choqué, non seulement la prose de ce Mr ben Jelloun est lassante de conformisme et de platitude de la pensée, mais elle en est presque consternante de lâcheté et d’égoïsme, pour faire court on observe purement et simplement :
- une absolue victimisation de principe des communautés immigrées
- la culture de l’excuse généralisée face à la délinquance
- une accusation larvée de la société d’accueil
- de lourdes menaces à peine voilées
 
Pour ne pas lasser le lecteur, il n’est pas question de se livrer à une exégèse du texte phrase par phrase, quelques morceaux choisis suffiront amplement à illustrer mon résumé de base quoiqu’on serait presque tenté de le citer in extenso car on peut dire « qu’il a fait fort pour le coup » ! Morceaux choisis donc :
 
« La douleur de la banlieue ne peut être discrète. Elle déborde, éclabousse et perturbe. »
Les habitants des banlieues tous victimes ? Et donc leurs exactions légitimées a priori car étant le résultat d’une inextinguible souffrance, même si vous souffrez, sachez que eux, ils souffriront toujours plus que vous !
 
« Ils vivent ou survivent en assistant au naufrage de leur destin … D’autres regardent la vie se dérouler avec l’espoir qu’elle soit clémente avec eux. »
Difficile de faire plus larmoyant, on sent le poète ..
 
« Quand on leur apprend … les parents, … sont impuissants, sans voix, sans recours. »
Déresponsabilisation complète ! Les parents, responsables de l’éducation de leurs enfants autant que je sache, sont ici purement et simplement exemptés de toute critique, ils n’auraient donc aucune capacité d’agir, bizarre cela ? Non ils ne peuvent que subir un sort injuste !
 
« L’automne chaud de 2005 a été une alerte .. un appel au secours d’une génération de Français que la France traitait comme des bâtards, des enfants nés hors mariage. »
Intéressante sémantique, menaces à peine voilées du fait que 2005 n’est qu’une première étape (le pire reste à venir) et la victimisation revient derechef comme un leitmotiv avec en sus la société d’accueil mise en accusation, « sales » Français qui traitent les immigrés comme des bâtards ! Or que n’a-t-on pas fait pour eux depuis des décennies avec tous les plans banlieues et les milliards de dépenses d’assurances sociales ? Qu’importe puisque les rôles sont fixes une fois pour toutes, l’immigré sera toujours la victime donc qui peut être le coupable ?
 
Un peu plus loin Tahar produit cette perle que je vous invite à considérer avec attention :
« N’importe quelle population installée dans ces immeubles produirait de la délinquance et de la violence » !!!
Là c’est le pompon comme on dit, celle-là il faut l’encadrer car elle résume à elle seule le credo de cet illustre écrivain concernant la banlieue, en vérité de tels propos sont à la fois :
- mensongers
- injurieux
- criminels
De tels propos sont mensongers car dans les années 60 et 70, ces cités étaient encore peuplées en majorité d’autochtones, tous ceux qui y ont grandi peuvent témoigner que l’atmosphère d’alors était paisible même si les habitants y étaient pauvres, aussi si l’on observe de nos jours toutes ces immenses cités dortoirs des pays de l’Est, Pologne, Russie, c’est la Courneuve x 10, des ensembles effrayants par leur dimension et pourtant absolument paisibles, pas d’incendie de voiture, très peu de déprédations, c’est calme, très calme en fait !
De tels propos sont injurieux car il n’y a pas de lien entre pauvreté et délinquance, et c’est très facile à démontrer et dans le temps et dans l’espace, de tous temps la majeure partie de l’humanité a mené une existence misérable, les faubourgs au XIX siècle était ce meilleur que ces cités ? Enfin même de nos jours la majorité des habitants des banlieues ne sont heureusement pas délinquants, en laissant entendre qu’un relatif dénuement mène inévitablement à la délinquance, ben Jelloun injurie gravement tous les gens modestes qui sont et demeurent résolument honnêtes quelles que soient les difficultés qu’ils ont à aborder et qu’ils affrontent généralement avec courage !
De tels propos sont criminels car ils exonèrent d’office les délinquants des cités de toute responsabilité morale face à leurs exactions, crimes ou délits, le message est le suivant « quoique vous fassiez vous avez plus que de simples excuses car vous êtes en premier lieu victimes de votre environnement, si vous contrevenez à l’ordre public, ce n’est pas vraiment de votre faute » ! Il faut bien mesurer l’extrême dangerosité d’une telle assertion qui vise sur un plan moral à déresponsabiliser a priori et dans tous les cas les habitants des zones dites sensibles de tous les actes délictueux dont ils pourraient se rendre coupables, ben Jelloun évoque un déterminisme absolu, une sorte de malédiction qui frapperait les populations de ces zones, les condamnant à la marginalisation et au rejet de l’ordre public, il n’y a pour eux aucune autre destinée possible, ils n’ont pas choisi d’être criminels car c’est le cadre de vie qui les y a poussés d’emblée et ne peuvent donc être considérés comme vraiment coupables, au contraire il convient de les absoudre d’office, que voilà une magnifique leçon morale !
 
« C’est un corps malade et personne .. personne ne veut écouter les messages d’alerte. »
Là vraiment faut se tenir pour rester zen face à Ben, rien que de penser à tous les milliards de dépenses des plans banlieues, du fric déversé aux associations, c’est sur qu’on n’a jamais rien fait pour eux, glissons ..
 
« « D’autres émeutes sont à venir .. Jusqu’à présent, les jeunes en colère se sont défoulés sur des biens matériels, ils n’ont tué personne. »
Toujours la même rhétorique invariable d’accusation de la société française dans son ensemble à laquelle s’ajoutent des menaces très nettes d’aggravation (merci mais on s’en doutait) et en prime un bon mensonge final : tué personne ? trop mignons ces petits djeunes, or c’est faux chaque année plusieurs morts et des tas de blessés graves, mensonge !
 
Enfin pour conclure :
« Or la banlieue a besoin d’une politique de sauvetage .. Sinon, on sait ce qui se passera. »
C’est un double contre sens, cette politique de sauvetage est à l’œuvre depuis des décennies sans le moindre résultat car on a pris pour habitude d’inverser le problème en présentant comme victimes les auteurs de ces dérives, dialectique reprise en boucle par toute la bien pensance et dans laquelle le membre éminent de l’académie Goncourt se complait, aucun risque dans ces conditions de porter un diagnostic compétent et un remède adéquat qui serait l’abrogation radicale de cette culture de l’excuse à la vue manifeste de tous ses effets pervers mais comme il n’y a pires sourds que ceux qui ne veulent entendre, il n’y a aussi pires aveugles que ceux qui ne veulent voir, donc on continue joyeusement, point barre.
Ensuite on sait déjà ce qui se passe(ra), hic et nunc, pas besoin d’attendre demain on le voit maintenant, il se passe que la banlieue en de nombreux endroits est devenue une zone de non-droit, sortie du cadre républicain et où l’Etat n’est plus respecté, fermez le ban !
 
 
Quand l’élite d’une communauté ne manifeste aucun esprit critique envers les exactions de ses congénères mais se contente de les caresser dans le sens du poil en adoptant complaisamment le discours de l’excuse qui lui est tendu de l’extérieur, d’abord celle ci fait preuve d’un laxisme outrageant et trahit sa vocation à être une élite mais surtout une telle attitude ne laisse quasiment aucun espoir quant à une évolution positive de la communauté dont elle est censée être le porte-parole … l’amère constatation de cet état de fait (absence de prise de position honnête de la part des élites de ces communautés) laisse place aux scénarios les plus pessimistes, entre un lent pourrissement généralisé et des conflagrations de plus en plus violentes, puisque même les représentants dits modérés de ces communautés cautionnent au moins tacitement la révolte et l’affrontement généralisé de celles-ci contre la société française, à moins d’un miracle je ne vois pas ce qui pourrait empêcher une catastrophe finale ?
 
Hiéronymus, avril 2010
 

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