Taylor, juste un Titan foiré !
par Gérard Luçon
samedi 23 février 2013
Quand j’ai lu la lettre de Pierre Deruelle, je me suis demandé que pouvait bien avoir ce patron américain pour que, outre le ministre du redressement contre productif, lui réponde aussi quelqu’un d’intelligent.
Avant de porter à votre connaissance le contenu de ce courrier, quelques éléments préalables :
Ce Taylor n’est pas celui de « my Taylor is rich », qui a emmerdé des milliers de jeunes français à l’époque des 30 glorieuses.
Ce tailleur-là, tout ce qu’il sait faire c’est tailler des bavettes, je dirai même plus, il semble meilleur pour baver que pour tailler. Bref, et à l’américaine « my Taylor is a fucking Taylor, I fuck my Taylor ! »
Ce Taylor n’est pas le chantre du taylorisme, qui je le rappelle est « une méthode de rationalisation du travail industriel définie par F. W. Taylor ; elle se caractérise par une étude des gestes nécessaires au travail, une rémunération en principe stimulante et une spécialisation poussée à l'extrême (division du travail, travail à la chaîne) ».
Ce tailleur-là, c’est le tailleur des salaires et couvertures sociales, le pourfendeur des machines à café et des poses pipi. D’ailleurs, dans son usine, et dans un but de rationalisation des gestes, ses esclaves sont équipés de couches culottes.
Ce Taylor n’est pas non plus le chantre de « l’american way of life ».
Ce tailleur-là c’est le fossoyeur de villes comme Detroit, l’ennemi intime de son propre pays, puisqu’il lui préfère Shanghai, Shenzhen ou Calcutta.
Ce Taylor n’est pas un vrai comptable des deniers de sa compagnie.
Ce tailleur-là est un handicapé de la calculette et de la géographie puisqu’il va chercher en Chine et en Inde des ouvriers à 1 euro de l’heure. En Roumanie le SMIC est de 130 euros par mois, soit 0,7 euros de l’heure. Pour vendre en « U Rop », c’est quand même plus simple de ne pas avoir de barrières douanières, non ? Même Renault a compris cela !
Ce Taylor n’est pas un vrai patron et encore moins un vrai libéral. Un vrai patron prend du temps à diriger, à choisir, à construire et à pérenniser.
Ce tailleur-là est un vulgaire scribouillard, à peine capable de rédiger une missive en anglais, et préférant passer son temps à jouter par écrit avec un avocat, celui même dont on sait qu’en argot le nom est « le bavard ».
Bref ce Taylor est un Titan foiré !
Voici in extenso le courrier de Pierre Deruelle :
„Le 22 février 2013
Cher Monsieur Taylor,
Je viens juste de rentrer en France après un voyage d’affaires de plusieurs minutes dans ma salle de bain, je vous prie donc d’accepter toutes mes excuses pour ne pas avoir répondu à votre lettre datée du 8 février 2013.
Je comprends votre pensée et le fait que votre conseil d’administration protège son tas de pognon industriel et ses bénéfices attenants. Moi-même et les feignasses d’ouvriers français avons une histoire longue de 40 ans de plans sociaux et démantèlements d’entreprises en faillite, qui sacrifient des millions d’emplois, pour les revendre à la découpe et en faire des tas de fric défiscalisé, qui paient vos sessions de ski à Aspen. Les syndicats ont essayé pendant 4 ans de sauver une partie des emplois à Amiens parmi les moins mal payés, mais les actionnaires de Titan et Goodyear n’ont rien fait d’autre que de vouloir les réduire à l’esclavage.
J’ai visité la salle du conseil d’administration une fois en photos. Les actionnaires de Titan et Goodyear touchent des jetons de présence monstrueux, mais ne travaillent jamais. Ils sont en pause permanente et glandent dans des restaurants gastronomiques depuis plus de 70 ans pour certains, discutent à longueur de journée en picolant du Cognac hors d’âge en fumant des havanes, et ne produisent absolument rien. Je l’ai dit en face à mon chat. Il m’a répondu « miaou », ce qui veut dire que c’est comme ça partout dans le monde.
Vous êtes un chef d’entreprise néolibéral et vous voulez surfer sur des vagues d’oseille. Les chinois crèvent de faim pour fabriquer des pneus sans protection sociale moins chers qu’en France – en fait dans toute l’Europe – et vous cela vous fait marrer . Les ouvriers chinois mènent des grèves massives pour arrêter de crever la gueule ouverte au travail. Dans cinq ans, Michelin sera toujours capable d’offrir une protection sociale à ses salariés. Titan va prendre une grosse claque industrielle parce qu’il encourage l’esclavage de populations qui vont finir par cramer ses pneus partout dans le monde.
Monsieur, votre lettre signale que vous voulez que les ouvriers français abaissent leur salaires au niveau de celui des chinois. Vous pensez que nous sommes si stupides que ça ? Titan est celui qui a l’argent mais pas le savoir-faire pour produire des pneus. Qu’a Titan ? Il a surtout un PDG aliéné. Le fermier veut des pneus qui ne lui pètent pas à la tronche parce qu’ils ont été fabriqués dans des conditions inhumaines. Il se moque de savoir si ça rapporte assez aux actionnaires de Titan ou de Goodyear. Vous ne vous en moquez pas : “ça paye mon salaire exorbitant ! “
Les autres PDG de multinationales américaines ne valent pas beaucoup mieux que vous. Les ouvriers chinois ont du se battre bec et ongles à coup de grèves massives pour obtenir que les actionnaires US de vos multinationales cessent de les traiter comme du bétail.
Titan ira fabriquer ses pneus en Chine ou en Inde, paiera le prix de l’hubris et de la luxure pour vouloir rémunérer les salariés moins d’un euro de salaire et les ouvriers français continueront à fabriquer des pneus sans Titan. Vous pouvez garder vos actionnaires et votre soi-disant présidence directrice générale. Les ouvriers d’Amiens nord savent travailler, pas vous.
Cordialement
Pierre Deruelle
„Président et Directeur Général de son chat et de sa salle de bains.”
http://www.pierrederuelle.com/lettre-au-pdg-de-titan/
Et pour conclure, juste une petite précision, très personnelle :
J’ai travaillé 23 ans dans la fonction publique (ministère de la Justice), 5 ans dans l’humanitaire (Handicap International), 5 ans dans une coopérative (Chèque Déjeuner), 5 ans dans une SSII (société de Service en Ingénierie Informatique, en Chine) et 2 ans pour un fonds de pension en Roumanie. A chaque fois j’avais des postes de direction. Dans chacun de ces secteurs et dans chacun des 4 pays dans lesquels j’ai exercé j’ai pu trouver le même pourcentage de gens motivés, le même pourcentage de fainéants, le même pourcentage de border lines, le même pourcentage d’emplois „protégés”, etc ....