Tintin au pays des grévistes
par André Lagache
mercredi 9 novembre 2011
Nous connaissions Tintin au pays des soviets, l’URSS des années 20, voici maintenant Tintin au pays des grévistes. Un reporter dans le feu de l’action qui lutte contre l’hégémonie des syndicats dans les transports et s’oppose à une mafia corporatiste et fonctionnarisée.
Ce matin, les agents conducteurs de la ligne B du RER ont exercé un droit de retrait. Bizarrement, il s’agit du même que celui choisi par les syndicats pour faire une grève. Raisonnée ou raisonnable, cette grève n’en reste pas moins une prise en otages de millions de clients qui prennent chaque jours cette ligne de transport en commun. A plusieurs titres, elle constitue un handicap et une folie en temps de crise.
Prise en otage, non l’expression n’est pas trop forte. Quand vous multipliez par deux ou trois le temps de trajet des millions de voyageurs pour défendre votre intérêt personnel, il s’agit d’une prise en otage. De surcroit quand cette grève sert d’instrument de négociation –dans le meilleur des mondes- ou de pression. Cette prise en otage est d’autant plus illégitime qu’elle s’exerce sur de pauvres innocents. Pauvres car celles et ceux qui prennent les transports en commun le font par obligation. Restent quelques rares illuminés qui se gargarisent de l’utilisation des « transports populaires » pour faire comme tout le monde. Innocents parce qu’ils ne demandent rien à personne que de travailler. D’autant que ce travail tend à se raréfier en France et en Europe.
Mais pourquoi donc est-ce un handicap que ce droit de grève ? Au delà des aspects idéologiques qui mènent les centrales à défendre la révolution plutôt que la négociation, il s’agit clairement d’un moyen de nuire à nos entreprises et donc à la création d’emploi dans notre pays. Cette nuisance est d’autant plus pernicieuse qu’elle se drape de liberté d’expression. Qui pourrait comparer les révolutions arabes et l’opposition à l’entrée de trains étrangers sur le réseau ferré français ? Cette attitude est d’autant plus incompréhensible que les salariés sont confrontés tous les jours aux exigences du dialogue social. Les contraintes légales deviennent tellement lourdes que plus personne n’échappe à la négociation d’accord pour tel ou tel sujet. Dans la quasi-totalité des cas, il s’agit de salariés non syndiqués qui en bonne intelligence avec leur direction orientent et enrichissent les politiques sociales de l’entreprise. Dans la majorité des cas, le dialogue social est une coopération et non une opposition.
Cette posture syndicale révèle véritablement du coup de folie pour deux raisons. L’une étant ponctuelle, l’autre d’ordre plus général. D’un point de vue ponctuel, il n’a échappé à personne que nous sommes en crise. Crise de la dette des Etats certes, mais crise quand même. Il n’a échappé à personne n’ont plus que l’Etat ne compte pas supprimer les délégations de personnel et les subventions folles données aux syndicats pour diminuer ses dépenses. Non, l’Etat touche aux retraites, il augmente les taxes et surtout les impôts des grandes entreprises. En somme, en temps de crise, l’Etat compte sur l’économie et principalement sur les entreprises pour renflouer ses caisses. C’est un fait.
Dans ce contexte, les grèves ne vont certainement pas aider les entreprises. Au contraire, un salarié fatigué –voire irrité- par son temps de transport, sera toujours moins productif. Goutte d’eau, diront les syndicats ? Mais goutte d’eau multipliée par les millions d’actifs parisiens, on s’approche de la rivière en crue !
D’un point de vue général, et c’est sans doute le plus grave, quelle image donne-t-on de la France ? Dans l’entreprise, il n’est pas un collègue étranger qui ne se soit retrouvé bloqué dans les grèves. Pis, c’est tellement récurant qu’ils les croient quotidiennes !! Cette atteinte à l’image de la France nuit de facto à nos exportations, à notre attractivité et contribue à la fuite de nos talents. Ce n’est pas ainsi que l’économie française va se relancer ! Il convient donc d’affirmer que cette grève aussi légitime soit-elle, constitue un suicide collectif à l’autel de bas intérêts catégoriels.