Tirs de kalachnikov : tout le monde peut en être victime
par Fergus
vendredi 9 mai 2025
Une nouvelle fusillade a éclaté le samedi 3 mai dans le quartier de Villejean à Rennes. Outre les victimes humaines, des dégâts ont été constatés. Parmi eux, le pare-brise de mon propre véhicule, traversé par une balle de kalachnikov...
Nous sommes tous accoutumés à être nourris – quasiment de manière quotidienne – par les médias nationaux ou régionaux aux exactions commises dans le cadre de leurs luttes de territoire par les narcotrafiquants. Des individus de plus en plus désinhibés relativement au danger et à l’action judiciaire, ou des adolescents inconscients des risques qu’ils prennent ou font prendre aux populations exposées. Plus aucune métropole régionale ni aucune agglomération d’importance n’échappe désormais à cette guerre de pouvoir.
Comme chacun le sait, il s’agit, pour les caïds qui gèrent les trafics de produits stupéfiants, de s’assurer le contrôle des meilleurs emplacements de vente à une clientèle accro aux drogues, de bannir toute concurrence des lieux qui génèrent les plus juteux profits. Les appétits de ces caïds sont d’autant plus aiguisés que les plus gros points de deal peuvent, selon les policiers spécialisés de l’OFAST (Office antistupéfiants), générer des dizaines de milliers d’euros quotidiens de bénéfice. On blesse et l’on tue pour moins que cela !
En constante aggravation, cette guerre de pouvoir a, au fil des ans, pris une ampleur inédite du fait de l’ambition des narcotrafiquants les plus déterminés. Notamment ceux qui dirigent la très voyante DZ Mafia marseillaise ou les gangs franciliens les plus puissants. Ceux-là entendent, depuis quelques années, prendre le contrôle de lucratives zones de deal situées hors de leur territoire habituel, parfois à des centaines de kilomètres. Tel est le cas à Rennes où des délinquants venus d’ailleurs ont entrepris de « nettoyer » la place à leur profit.
Il résulte de ces ambitions des règlements de compte particulièrement violents dont le nombre des victimes ne cesse de grandir. Notamment dans les rangs d’adolescents envoyés en première ligne pour éradiquer la concurrence au moyen de fusils automatiques de type kalachnikov. Bien qu’elles soient censées être ciblées, ces actions violentes, souvent exécutées sans discernement, mettent en danger non seulement les protagonistes mais également des passants de tous âges, exposés à être victimes de « balles perdues ».
Depuis décembre 2024, à la grande frayeur des habitants, sept épisodes de tirs à l’arme de guerre ont été dénombrés dans le quartier Villejean de Rennes, au cœur d’un lieu populaire situé à deux pas d’un campus universitaire. Par chance, il n’y a pas eu de mort à déplorer, mais cinq personnes – dont quatre mineurs - ont été plus ou moins gravement blessés par balle : trois le jeudi 17 avril lors de l’attaque d’un restaurant Subway, et deux le samedi 3 mai lors de la dernière fusillade, survenue tout près du lieu de la précédente.
Lénaïc Briero, maire-adjointe à la sécurité de la ville de Rennes, a qualifié ce nouvel épisode de « particulièrement glaçant et révoltant ». Un constat lucide car ce fléau, en effet « glaçant », débouchera tôt ou tard sur des drames dont pourraient être victimes des habitants du quartier, y compris des enfants, nombreux dans les immeubles alentour ; « révoltant » également du fait du sous-effectif chronique dont souffrent localement les forces de la police nationale malgré l’aggravation constante de la situation.
Contrairement à d’autres villes françaises, confrontées depuis des décennies à la violence liée aux guerres de territoire des narcotrafiquants, Rennes a longtemps été considérée comme moins exposée en regard de cette forme de criminalité. Ce temps, là comme ailleurs, est révolu. D’où les propos de la maire de Rennes, Nathalie Appéré : « Il nous faut changer d’échelle (...) dans un pays qui subit le narcotrafic comme une menace réelle », avant d’en appeler à l’État pour « se donner les moyens de lutter à tous les niveaux. »
Il est grand temps, effectivement, que le ministère de l’Intérieur et celui de la Justice ne soient plus ceux de la Parole évanescente, mais des Actes concrets. Il en va de la vie de gens innocents, possiblement celle de parents, d’amis, de collègues ou de voisins, voire de notre propre existence. Puissent MM. Darmanin et Retailleau faire un peu moins de politique sur fond d’ambitions personnelles et un peu plus de travail de terrain afin de protéger les populations des violences qu’engendre le narcotrafic !