Toutes féministes

par Annie Batlle
lundi 9 mars 2009

Chères amies, chères sœurs, chères camarades de travail.

Vous que nous connaissons, ou que nous ne connaissons pas encore ?
Vous qui avez en commun avec nous d’être femme

Vous avez des enfants ou pas, ou pas encore.
Vous avez moins de vingt ans ou pas ou plus, beaucoup plus, peu importe.

Vous travaillez ou pas ou plus nous savons ce que vous faites par ailleurs comme travaux invisibles.

Vous habitez en France, en Europe ou ailleurs, dans un pays dit développé,(nous n’oublions pas pour autant les autres) mais c’est à vous que nous nous adressons aujourd’hui.

Toutes nous avons vécu ou nous vivons des situations semblables. Toutes nous avons cru et pensons encore que nous pouvons être libres. Mais toutes nous réalisons un jour ou l’autre que cette liberté est une illusion, qu’elle est tronquée ou conditionnelle.


Laquelle d’entre nous n’a pas craint d’avouer à son employeur qu’elle avait ou voulait des enfants ? Ou n’a pas culpabilisé de laisser son enfant pour aller travailler ?

Laquelle d’entre nous n’a pas refusé une responsabilité professionnelle par manque de confiance en elle ou par peur de manquer de temps ? Ou n’a pas eu le sentiment que « pour une femme » ce n’était déjà pas mal d’en être arrivée là ? Pas eu honte d’avoir de l’ambition ? de jouer des coudes pour obtenir un poste. De trouver du plaisir à exister en dehors de sa famille ? De réussir mieux professionnellement que son mari et de chercher à se faire pardonner ?

Les bonnes blagues, les photos scandaleuses, les diktats de la mode et de l’esthétique nous font vaciller sur nos talons fragiles. Les médias nous cantonnent à des rôles de mère, de cuisinière, de séductrices (pour le repos du guerrier), d’inspiratrice et de soutien de grands hommes, de subordonnée dans l’univers professionnel. Ils nous font parfois rêver avec les portraits de quelques superwomen patronnes et pas moins mères, figures de proues, admirables mais à quel prix ?

Le monde change. Sous nos cieux les droits sont égalitaires. Jeunes diplômées vous déclarez« nous avons acquis l’essentiel, le féminisme est dépassé » Plus tard vous déchantez, lorsqu’à l’age de tous les dangers, quand vous décidez de vivre en couple, d’avoir des enfants, les entreprises considèrent que si vous voulez émerger un jour c’est maintenant ou jamais que vous devez faire vos preuves et travailler 50h par semaine.

Les lois c’est bien, mais leur application c’est encore mieux : combien de lois à ce jour pour imposer sans succès l’égalité des salaires ?

Nos hommes changent, prennent plus de place en famille sans nous laisser vraiment de place dans le travail.

Comment rester femme et ne pas se fondre dans le moule que les homme ont créé à leur image ? Comment changer avec les hommes ce monde en crise et construire un avenir acceptable pour nos enfants ? Comment exprimer sans crainte notre force, notre refus de la violence et notre imagination ? Comment jouer le partenariat sans que les uns dominent les autres ? Sans que les différences servent de prétextes aux inégalités mais soient reconnues comme source de vie et de richesse ?

Nous menons toutes à notre façon une révolution silencieuse pour avoir le droit de nous exprimer, en tant que femme ; pour faire accepter que nos aspirations soient multiples et que notre vie soit faite de plusieurs vie ; pour démontrer que le modèle d’égalité des choix et de partage entre les hommes et les femmes est un bon projet de société, celui d’une société réellement mixte dans tous les domaines, où aucun rôle n’est « naturel » mais peut être choisi et négocié.

Nos ainées ont créé dans les années 1970 un mouvement de société qu’elles ont nommé le « féminisme ». Il s’agissait d’exprimer le féminin partout : au travail, en politique, et de le valoriser dans la famille pour sortir des clichés de la femme au foyer.

Presque 40 ans plus tard, les statistiques sur la place des femmes dans les postes à responsabilité n’ont guère évolué. Nous cherchons toujours à exprimer le féminin au travail, en politique… mais avec quelles difficultés !

Etre féministe n’est pas anachronique, ni l’apanage des femmes, pas plus qu’être humaniste. Le terme dérange, évoque des excès, sonne comme une injure, alors que le mot révolution ne trouble personne ! Pourtant les féministes n’ont jamais coupé la tête de quiconque.

Au vingt et unième siècle être féministe, c’est refuser que le monde soit déchiré entre les hommes et les femmes, cela veut tout simplement dire vouloir l’égalité des choix de vie, refuser d’être soumise à un destin prétendument naturel, sans pour autant vouloir ressembler en tous points à un homme, sans vouloir absolument sous traiter nos enfants. Juste partager, les tâches, les projets, les décisions et pas de façon occulte, par protection, mais ouvertement, publiquement, loyalement.

Ce n’est ni « l’un est l’autre » ni « l’un ou l’autre » mais « l’un et l’autre ». Alors plutôt que de dire « je ne suis pas féministe, mais… », n’ayez pas peur de dire « je suis féministe…parce que je ne veux ni un monde d’hommes, ni un monde de femmes, mais un monde paritaire ».

 

Cet article a été écrit par Annie Batlle et Cristina Lunghi.

Cristina Lunghi, Docteure en droit (France), a créé en 1995 l’association Arborus spécialisée dans les questions d’égalité professionnelle et d’égalité des chances. Experte, nationale et auprès de la Commission européenne, sur ces questions, elle a écrit des ouvrages, dont « Et si les femmes réinventaient le travail » et « L’égalité professionnelle en pratique » Ed. Eyrolles 2001 - 2002 et « Bleu, Blanc, Rose, les femmes et la politique » Ed. First 2006. Porte parole du « CLUB du Label Egalité ».
Elle accompagne des entreprises dans leur démarche en matière d’égalité professionnelle et de labellisation dans le cadre d’une société de conseil EGALITE PROFESSIONNELLE ET DIVERSITE.


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