Traumatisme à Montfermeil

par Voltaire
mercredi 22 octobre 2008

Le 14 octobre dernier se sont déroulés à Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, des événements largement commentés dans la presse. A l’occasion de bagarres avec les forces de l’ordre, ce qui s’apparente à une « bavure policière » a pu être filmé par un réalisateur professionnel, présent sur les lieux. La vidéo de cet événement a été largement diffusée et analysée, et a provoqué l’intervention de l’IGS, la police des polices. Pourtant, un élément sans doute aussi grave que les coups donné à la personne arrêtée lors de cette opération a été totalement passé sous silence.

La France célèbre cette semaine le centième anniversaire de la naissance de Françoise Dolto. Pédiatre et psychiatre célèbre, Françoise Dolto a été pionnière en matière de psychanalyse de l’enfant. Elle a notamment démontré combien l’affect joue un rôle essentiel comme support de l’intelligence et est porteur de l’expression des troubles. De la même façon, elle a souligné l’impact des événements vécus par les plus petits (même au stade de nourrisson) sur leur développement futur, et la nécessité d’une prise en charge la plus précoce possible des troubles résultant de ces événements.


Retour à Montfermeil. La vidéo tournée par Ladj Ly ne se contente pas de montrer la fin de l’interpellation « musclée » d’un jeune homme. Elle montre aussi la réaction des habitants, et de la famille du jeune homme. A plusieurs reprises, on observe la réaction terrorisée d’un jeune garçon, âgé peut-être d’environ 4 ans, apparemment frère de la personne arrêtée.


Si ce film ne permet pas de trancher quant à la véracité de la version de la police ou de la famille sur la culpabilité de la personne interpellée, elle démontre néanmoins l’extrême violence, non seulement physique, mais psychologique de cette arrestation. Mettons-nous un instant dans la tête de ce garçon, qui voit apparaître une dizaine de CRS en armure sombre, menaçants, au sein même de son domicile, de son chez-lui, et se livrer à une arrestation très violente de son frère, voire menacer sa mère si les témoignages de la famille sont exacts.


Quelles seront les conséquences psychologiques de cet événement sur ce jeune garçon ? Cauchemars, paniques ? Et à long terme, lorsque cet événement sera enfoui dans son inconscient ?


S’il n’est pas question ici de remettre en question la légitimité des forces de l’ordre dans leur travail difficile de lutte contre la délinquance, et leurs efforts pour assurer la sécurité dans des zones à risque, on peut néanmoins s’interroger sur l’opportunité d’un tel déploiement de violence dans des habitations, le soir, à la seule fin d’interpeller un homme suspect de caillassage.


Cet événement appelle plusieurs remarques :

- l’inadaptation de la politique sécuritaire face aux désordres en banlieue. Si les CRS semblent très bien formés dans leur rôle de maintien de l’ordre, et de lutte contre une guérilla urbaine très mobile, il n’en va apparemment pas de même dans leur fonction de contact avec la population, notamment en cas d’arrestation ;

- la nécessaire prise en compte de l’effet sur des personnes ordinaires, et notamment les plus vulnérables comme les enfants, de l’intervention policière dans les habitations. Ce qui peut être acceptable dans la lutte contre le terrorisme ou le crime organisé ne l’est pas forcément dans des situations moins sensibles ;

- la nécessité d’une prise en charge sociale, voire psychologique, des enfants après ce type de violence. Le traumatisme vécu par ces enfants peut être à l’origine de troubles sérieux, de la personnalité, à l’école, dans leur comportement, qui risque de les handicaper dans leur avenir. L’enfant doit être protégé, c’est un devoir qui s’applique à tous.


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