Un gagnant du loto qui en perd la boule !

par Pierre Sarramagnan-Souchier
mardi 10 décembre 2019

La privatisation de la Française des Jeux, avec son entrée en bourse le 21 novembre 2019 semble avoir été un franc succès selon le ministre de l’économie. (Lire ici !)

C’est l’occasion de s’intéresser à ce thème de la chance des jeux du hasard et de ses implications.

Je vous relate pour exemple, l’histoire édifiante d’un gagnant du loto.

 

Gagner c’est bien mais encore faut-il ne pas en perdre la boule pour autant !

Quand la chance peut rendre fou, ce qui n’est pas synonyme d’avoir une chance folle !

J’habitais à cette époque à Clichy, dans la proche banlieue parisienne. C’était en 1988. J’avais alors l’occasion de rencontrer divers milieux défavorisés dont celui des immigrés. J’en profitais pour faire mon petit marché d’histoires et anecdotes en me “tricotant des souvenirs” pour mes vieux jours comme l’on dit ! L’une que me raconta l'un d'entres eux me laissa longtemps pensif. Qu’y avait-il comme enseignement à en tirer ?

Nous sommes tous joueurs devant l’éternel, c’est bien connu, et principalement lorsque nous sommes pauvres. Bien sûr il y a la catégorie des gens aisés, pour qui jouer est un passe-temps ou un divertissement. Nous, jouons souvent et plus particulièrement au jeux du hasard car nous savons que notre sort sur cette terre est bien dérisoire et que de toutes façons personne ne viendra nous sortir de la misère et de la vie précaire dans laquelle nous végétons. De plus, comme nous sommes, nous avons du mal à nous libérer de nos liens terrestres qui nous enchaînent à nos passions, et nous empêchent de vivre libre face à l’éternel dans notre temps présent. Alors, nous tentons notre chance aux jeux.

Mais la chance qui vous sourit parfois, (encore qu’elle soit rare), peut se retourner contre nous et avoir des effets dévastateurs. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le Coran stipule dans l’un de ses versets, d’éviter de tenter le hasard par les jeux. Mais rien n’est interdit, cela est fortement suggéré pour les personnes à l’esprit fragile !

Et pour illustrer cette recommandation, je peux dire que j’ai pu constater les effets ravageurs d’une mésaventure dont fut victime un ami.

Comme la plupart d’entre nous, après la semaine passée au travail à la chaîne dans une usine de montage, nous jouons. Nous misons sur les chevaux ou sur les jeux de la chance. Un jour, Madjid, joue 15 francs (2,30 Euros) au loto comme à son habitude et gagne une forte somme de plusieurs millions de francs.

Il est inutile de vous dire ce qu’il ressentit à ce moment là. Seuls les joueurs peuvent vous décrire l’enchaînement des divers mouvements de vos secrets intimes soudain remontés à la surface de votre auguste personne. Les plus proches personnes se trouvant présentes par “hasard” à ce moment là, pouvant se faire une image de ces sensations que l’on nommera pudiquement d’extra-ordinaire.

Bref, notre ami Madjid, qui regardait les résultats sur le poste de télévision du foyer des travailleurs en compagnie de ses copains immigrés, fête l’événement en bonne compagnie, comme il se doit.

Il est toujours sain de partager sa joie quand on en a une à offrir et Madjid n’étant pas d’un naturel égoïste, la fête fut heureuse avec ses amis. Nous ne vous donneront pas de détails sur cette soirée et celles qui suivirent car on peut facilement imaginer ce que cela donna…

Notre ami ayant cependant la tête sur les épaules et deux doigts de jujote, se dit alors, qu’il était temps de mettre à profit cette situation pour réaliser les vieux rêves qu’il ressassait depuis des décennies, à savoir retourner au village et y passer le restant de ses jours au milieu des siens, sans avoir à continuer à trimer stupidement pour un salaire de misère, sous les injures des chefs d’ateliers occidentaux qui vous massacraient l’humeur à longueur de semaines pour accélérer des cadences de travail dans un bruit digne de l’enfer.

“Que nous rentrions chez nous !”

Enfin le rêve devenu réalité. A cela, me direz-vous, rien que de bien normal. En politique, on pourrait même dire que les esprits grincheux du genre extrême droite n’y verraient pas non plus à y redire… Encore que, avec leur mauvaise foi, ils trouveraient probablement injustes que nous ne rentrions pas chez nous les mains vides. Ce qui ne serait pas pour nous étonner… Mais passons, ils y en a qui n’évolurons pas. Il est donc inutile de s’étendre sur ce sujet mineur. Allah n’a pas déposé à tous le monde ses dons et il convient de pardonner les agissements de ceux qui ne savent pas encore que nous sommes tous frères sur cette planète.

Madjid pris donc la bonne résolution de rentrer définitivement au pays. Fini les années galères à vous casser bêtement la santé pour engraisser ces riches civilisés. “En avant la liberté !”

Il annonça donc son retour par courrier au chef du village qui le fait lire par l’instituteur, car il n’y a pas de poste et le courrier n’est distribué dans ces contrée éloignées que par le taxi de brousse de liaison au passage parfois hebdomadaire. De plus, nombreux sont ceux d’entre-nous qui ne savent pas encore lire.

A l’usine, Madjid, annonça qu’il quittait définitivement son lieu de travail et rentrait chez lui. Il rendit la chambre qu’il occupait au foyer et donna autour de lui les quelques affaires encombrantes qui lui restait. Il ne reviendrait plus jamais dans ces pays froids où l’hospitalité se mesure au profit que l’on peut tirer de votre maigre carcasse.

Il va s’en dire que le village était impatient de voir son héro. Tout avait été préparé pour fêter le retour de ce digne fils qui revenait dans l’aisance et dont la communauté espérait bien aussi récupérer quelques avantages. Tant il est vrai que tout se partage dans nos communautés manquant de tout.

En homme prévoyant, Madjid changea à sa descente d’avion, les nombreux billets de banque français et rempli une grosse valise neuve, avec de la monnaie locale (le CFA), en grosses coupures. Il fit ensuite les magasins de la capitale et acheta des cadeaux pour les proches du village en prenant soin de choisir ce qui leurs convenaient le mieux. Il chargea un taxi entier avec tous ses paquets. Et plaça la valise contenant sa fortune sous le siège arrière et s’en fut vers le village loin de plusieurs centaines de kilomètres.

La joie et la bonne humeur dura tout le temps du voyage en discussions et rigolades. Le chauffeur s’extasiant de cette chance qui bénéficiait pour une fois à l’un de ses frères du pays. Après plusieurs heures de route et de piste, Madjid arriva enfin au village et le klaxon rassembla tous les habitants. 

On s’embrasse, on crie, on chante, on salue le héro et remercie au passage le chauffeur en lui laissant un bon pourboire. Lequel s’empresse de vider son taxi avec célérité et reprend le chemin de la capitale. Tout à sa joie des retrouvailles, notre Madjid en oublie cependant de prendre la valise qui se trouvait sous le siège arrière et qui renfermait tous ses millions.

Cette constatation provoqua la consternation quand il s’en rendit compte quelques minutes après. Mais il était trop tard. Le taxi était déjà loin et n’a jamais été retrouvé. La valise non plus !

Alors s’en suivit la descente aux enfers pour Madjid. Il se traita de tous les noms, et devant la triste réalité de son sort, il s’accabla lui-même au point d’en perdre la raison et plongea dans la folie. A ce jour, il erre dans le village, se parlant tout seul en se demandant comment il avait pu perdre en quelques minutes tous ses rêves enfin réalisés.

Le village, dans sa grande compassion s’occupe toujours de lui mais sa raison a pris une voie lointaine au point qu’il ne reconnaît maintenant même plus les siens quand ils lui parlent doucement.

N’avait-il pas pourtant appris dans son enfance, en gardant les troupeaux qu’il convenait de relativiser ses passions si l’on ne voulait pas tomber dans un précipice… Car tout est illusion. Si l’existence ne vaut guère plus qu’un grain de sable, alors combien peut valoir les richesses matérielles de ces bouts de papiers ? Des mirages, tout cela, comme le chauffeur du taxi que l’on ne reverra plus… Qu’Allah le bénisse lui aussi, car toute créature de l’éternel à droit à sa bienveillance…

Tel était à peu près le récit que me racontait à l’époque un ami Sénégalais, après la mésaventure de l’un des siens, habitant le même village, dans le nord-est, au portes du désert, à la frontière mauritanienne. Là où les grains de sables se comptent par centaines, en millions, milliards, triallards, et que sais-je encore. Mon esprit n’en pouvant en concevoir l’énormité, tellement ils sont petits et innombrables. A en devenir déraisonnable…

 

Petite nouvelle écrite par votre serviteur,
et que j’ai plaisir à vous partager à l’occasion de cette privatisation de La Française des Jeux.

Bien à vous les futur(e)s petit(e)s chanceux(ses) !

 

Pierre Sarramagnan-Souchier, 
le 9 décembre 2019.

 

 

 

Note :
Comment gérer ses gains quand ils vous tombent dessus ?
Voici une solution (parmi d’autres) pour quand la chance arrive et pour éviter d’en avoir la migraine…

UNE SOLUTION : 2 + 2 = 5 !

On peut toujours rêver me direz-vous, mais puisque l’on m’a posé la question de l’utilisation de gains que je peux faire en cas de chance, j’en profite pour vous donner ma solution : J’additionne le nombre des membres de ma famille, soit 4 (2 enfants + 2 parents) et je rajoute “la part du pauvre”, ce qui fait 5.

Je divise ensuite le montant total du gain par le nombre obtenu (5 dans mon cas !).

J’ai alors le montant que je donne à part égale à chacun des participants.

Chaque participant peut alors gêrer cette somme à sa convenance.

Pour la part dite du pauvre, je la place le plus intelligemment dans l’une des nombreuses associations et démarches humanitaires (non corrompues !) de projets dans le monde rural de pays en voie de dévelopement, que j’ai soutenus en leur temps et dont je connais les bénéficiaires.

On notera avec satisfaction qu’il y a parfois de bonnes surprises, comme cette association de retraités qui œuvre gratuitement au service du Développement Nord-Sud. C’est trop rare pour ne pas le signaler au passage : AGIRabcd. Site : http://www.agirabcd.org.

Je participe ainsi à l’amélioration du sort de plus déshérités que moi en toute équité et sans être dans le besoin personnel.

Bon, maintenant, je vous vois venir ! Vous allez me demander ce que je fais ensuite de la part qui me revient ! Là, c’est personnel ! N’insistez pas, j’ai dit que c’était personnel ! Non mais c’est vrai quoi ! Il faudrait tout leur dire en plus…


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