Un nouvel universalisme

par Orélien Péréol
samedi 23 avril 2016

Cet article vient d'une remarque dite sur un ton plutôt dubitatif par Rosanvallon dans une rencontre à Beaubourg le 3 février 2016 : « oui, c'est un nouvel universalisme... » Il parlait de l'islamisme ou islam radical. C'était plutôt à la fin de sa conférence.

 L'universalité, c'est ce qui convient à tous les hommes, à tout le monde. La science en est le modèle le meilleur. Que ce soit que ce soit la médecine... ou la physique (on fait rouler les voitures de la même manière sur tous les continents, dans tous les régimes politiques, quelques soient les convictions philosophiques du conducteur ou de la conductrice, des passagers...) ce sont des techniques universelles qui varient peu selon les humains qui les emploient ou les déploient, dans des variations qui ne touchent pas l'essentiel. L'universalité fonctionne aussi dans le temps, on aurait pu guérir une femme ou un homme préhistorique avec nos antibiotiques, nos transfusions...

On confond souvent universalité avec mondialisation (ou universalisation). Le fait que les voitures fonctionnent de la même manière sous toutes les latitudes, n'a rien à voir avec le fait qu'on en fasse réellement rouler partout.

L'universalité, c'est le fait que nous soyons tous mortels, que nous soyons tous un autre pour l'autre et que nous nous donnons comme principe de prendre soin les uns des autres. Nous ne devrions pas nous infliger la mort. Nous ne devrions pas faire aux autres ce que nous ne voulons pas recevoir des autres.

Des siècles d'Histoire ont amené à un vaste groupe d'humains, qu'on peut appeler approximativement l'Occident, à l'écriture d'une sorte de définition de l'Homme, les droits de l'Homme, dont le premier article stipule l'égalité en droit de tous les Humains. L'égalité en faits est d'une difficulté extrême. C'est un idéal. C'est un effort. Dans ce chemin prescrit par les Droits de l'Homme, il y a toute sorte de moments : des moments de progrès, des moments d'oublis, des moments de régression, des inattentions cruelles et parfois durables à des inégalités vibrantes comme comme tournesols... des moments d'agressions effrayantes. Bref, c'est pas de la tarte, mais notre société est faite de ce mouvement tendu par l'égalité en droits de tous les Humains.

Comme Rosanvallon, je vois ou je crois voir un autre universel, inattendu, incroyable, apparu récemment dans la société française et dans le monde. Certains de ceux qui le portent on fait profession de gagner la Terre entière à cet universalité. Par les armes. Il est impossible qu'un groupe humain conquiert la Terre, les autres ne vont pas se laisser faire ! Le comprendre est d'une simplicité de bébé. Mais, avant leur défaite, ils pourront faire beaucoup de mal. Cet universalisme là a de toutes autres bases que le premier. Il part de Dieu, et de la parole de Dieu transmise aux Humains par un prophète unique. Beaucoup de commandements. Beaucoup de conduites imposées. Comme c'est « Allah » (Dieu) qui commande, on n'a rien à discuter.

Pendant longtemps, cette religion était autour de moi et je ne la voyais pas. J'avais des amis musulmans et je ne savais pas qu'ils étaient musulmans. Le principe d'égalité de l'universalité, non seulement était le seul, mais portait en lui le fait qu'il soit impossible qu'il y en eut un autre.

Une écriture possible de l'universalisme musulman se trouve dans les droits de l'Homme et de l'Islam, qui sont présentés comme une adaptation des droits de l'Homme à la religion musulmane, assujettissant les Droits de l'Homme antérieurs, (non-musulmans et qui n'avaient jamais pensé être non-musulmans). Ce n'est une adaptation, ce n'est pas l'inscription d'une particularité de la religion musulmane à des droits universaux de l'Homme. C'est tout autre chose et la remarque de Rosanvallon décrit ce qui se passe : http://www.euboco.eu/fr/page3/droits_universel.php

Art 1 : « Tous les être humains constituent une même famille dont les membres sont unis par leur soumission à Dieu... » La femme est l'objet d'articles spécifiques : Art 6 : « La charge d'entretenir la famille et la responsabilité de veiller sur la femme incombent au mari. »

De multiples revendications de séparation des sexes sont apparues dans la société française (hôpital, piscine...), qui n'ont pas d'antécédents pour guider des réponses démocratiques et républicaines. Un choix politique et sociétal a été fait de la répression de certains de ces comportements. Ce choix est admis et très généralement porté par nombre de mes concitoyens. Au niveau global, ce choix comporte la négation de l'incompatibilité entre deux universels : la question de l'augmentation de cette répression se pose sans cesse, (faut-il interdire le voile à l'université ?)...

Beaucoup d'hommes politiques investissent les tueries récentes des djihadistes dans les catégories issues du premier universalisme : la cause serait les inégalités (sociales). Or, il y a toujours eu des inégalités de revenus, de logements, de considération... et ce djihad est bien nouveau. S'il a une racine dans les difficultés sociales et politiques d'un groupe (égalité de tous en droit), il doit bien avoir au moins une racine ailleurs, dans ce deuxième universel de la soumission à Dieu.


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