Un raciste ça va, après bonjour les dégâts...

par littlemat
mardi 29 septembre 2009

Le Monde du 24 septembre. Page 22. Un coup de gueule est lancé. Ce n’est pas un édito enflammé, encore moins un billet satirique signé de la main de Robert Solé. Non, c’est un cri du coeur, le témoignage édifiant d’un jeune journaliste dont le patronyme aux consonnances maghrébines empoisonne la vie privée et professionnelle. Mustapaha Kessous a 30 ans. Les discriminations, il connaît. Il pensait, sans doute naïvement, que cet “apartheid mental” comme il le décrit lui-même, ne survivrait pas à son évolution professionnelle. Pourtant, force est de constater que sa qualité de “journaliste au Monde” ne le protège guère plus qu’avant. Aujourd’hui, certains n’hésitent pas à appeler le siège du quotidien pour signaler qu’un “Mustapha se fait passer pour un journaliste du Monde”. Fin 2005 les banlieues brûlent. Mustapha Kessous couvre les évènements. Le club Averroès, censé défendre et promouvoir ”la diversité”, dénonce la politique du Monde, accusé d’ “embaucher des fixeurs pour traverser le périphérique”. Affligeant.

Mustapha Kessous ne goûte que très modérément l’humour de Brice Hortefeux. Le 24 avril 2008, celui qui était encore ministre de l’immigration et de l’identité nationale s’est aventuré à lui faire une blague. Un rendez-vous avait été pris entre les deux hommes pour discuter des grèves des travailleurs sans-papiers. Affichant un large sourire, Brice Hortefeux a cru bon de lâcher un “vous avez vos papiers ?”, avant de lui serrer la main. Autant dire que Mustapha Kessous n’a pas été surpris le moins du monde par la polémique entourant les propos prononcés par le ministre à Seignosse.

Car l’homme n’en est pas à son premier coup d’éclat. Dans son livre “Un mouton dans la baignoire” (Fayard, 2007), Azouz Begag relate une petite anecdote à propos de celui qui fut son collègue au gouvernement De Villepin. Côte à côte sur les bancs de l’Assemblée Nationale, le ministre délégué à la promotion de l’égalité des chances se serrait vu invectivé par Brice Hortefeux : “Allez dégage de là toi ! Et fissa fissa !”. Est-il nécessaire de préciser que le terme fissa était celui employé par les soldats français pour s’adresser aux Arabes pendant la guerre d’Algérie ?

Azouz Begag, lui non plus, n’a pas été surpris par “l’affaire Hortefeux”. “C’est tout simplement un vrai dérapage raciste venant d’un ministre qui mène une politique xénophobe”. Et l’universitaire de réclamer au minimum des excuses publiques pour les millions de personnes blessées par ce type de propos. Il n’en sera rien. Hortefeux persiste et signe : “Pour qu’il puisse y avoir excuses, encore faudrait-il qu’il y ait faute”. Et oui, c’est logique. Et puis de toute façon, il ne parlait pas des Arabes. Non, non ! Hortefeux parlait des Auvergnats ! Ah, l’Auvergne, une noble terre peuplée de gens qui savent se faire insulter sans broncher. En revanche, le ministre de l’Intérieur pousse peut-être le bouchon un peu loin en refusant de se rendre à Montferrand pour y présenter ses “regrets“. Ce sera sans aucun doute la chaleur douillette de la capitale qui aura motivé le soldat Hortefeux à prendre la parole depuis le Conseil Français du Culte Musulman. Sans pour autant entretenir une quelconque ambiguité. Ne vous y trompez pas ! Ce sont bien les Auvergnats qui sont visés par le ministre !

Des regrets donc. Prononcés afin de mettre un terme à “la polémique inutile et injuste”. Ah les médias et leur manie de tout déformer, de tout monter en épingle. Le “tohu-bohu médiatique” aurait ainsi nourri “une interprétation totalement inexacte” de la situation. Aussi, que les Auvergnats “blessés dans leur âme et leurs convictions” se rassurent, tout ceci ne relève que d’un affreux quiproquo.

Toute ressemblance avec des faits réels ne seraient que pure coïncidence. Dans le dernier paragraphe de l’article du Monde, Mustapha Kessous énumère la liste de ces noms d’oiseau qu’il essuie régulièrement. Un seul manque à l’appel : “français. Français tout court”. Pour ces millions de “beurs”, “enfants issus de l’immigration”, “arabes de service”, “racailles”, “sauvageons” ou “jeunes gens d’origine étrangère”, quel espoir de voir la situation s’améliorer, lorsque même dans les plus hautes sphères de l’Etat, le racisme primaire reste impuni et toléré…


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