Une grève inutile contre la crise ?

par David D.
lundi 23 mars 2009

A l’occasion de la première journée d’action intersyndicale, en janvier, Jean-Pierre Raffarin avait lancé une formule choc visant à réduire la mobilisation sociale à l’expression d’un mécontentement diffus : « la grève contre la crise ». Brice Hortefeux, n’a pas dit autre chose en déclarant vendredi que « ce ne sont pas des défilés qui permettront de sortir de la crise ».

Alors jeudi avons-nous assisté à la simple expression d’une peur sociale, certes compréhensible dans le contexte, mais fondamentalement inutile ?


Il s’est passé bien des choses au cours des 7 semaines séparant les deux manifestations. Pendant cette période, un plan de soutien au secteur automobile de plus de 6 milliards a été adopté, l’allocation de rentrée scolaire et les allocations familiales ont été augmentées, l’indemnisation du chômage partiel atteint désormais 75 % du salaire brut, une prime de 500 € va être versée au chômeurs n’ayant pas assez cotisés, les derniers tiers d’impôt sur les revenus vont être annulés pour la première tranche fiscale, la suppression des postes dans l’enseignement supérieur est gelée pour 2010 et 2011...

Un rééquilibrage du plan de relance, certes limité, a donc bien eu lieu en faveur du pouvoir d’achat et ne doutons pas, au regard de l’ampleur de la mobilisation, qu’il se poursuivra par petites touches dans les semaines à venir en dépit des rodomontades du pouvoir. Donc inutile la grève ? Certainement pas pour tous ceux qui bénéficieront de ces mesures.

En va-t-il de même pour l’économie dans son ensemble, ou ces décisions ne seraient-elles que des cadeaux catégoriels visant à adoucir la grogne sociale sans considération pour l’activité ? Ce qui frappe, à la lecture des plans de relance européens, c’est leur faiblesse comparé à ceux américains et asiatiques : 0,6 % du PIB pour la France, 1 % pour l’Union Européenne alors qu’on est à plus de 5 % aux États-Unis. Dans le même temps le FMI, pourtant peu porté par nature aux dépenses sociales, épingle le vieux continent pour son manque de soutien à la consommation. Alors inutile la grève ? Pas d’un point de vue économique en ce qu’elle met en évidence qu’on est en train d’assister à un 1981 de droite : comme alors, une politique contre cyclique est menée, cette fois, non en relançant la consommation alors que personne ne le fait mais en ne la relançant pas alors que tous le font.

Pour autant, il ne faut pas faire abstraction d’une limite majeure de l’organisation par le champ social du débat sur les solutions à la crise. Outre leur faible montant, l’une des grandes faiblesses des plans de relance européens, et plus particulièrement français, c’est leur manque d’ambition stratégique. La relance ne peut se limiter à soutenir l’activité existante, elle doit aussi être l’occasion d’orienter l’économie vers les enjeux de demain. A ce titre, ni Barack Obama, ni le gouvernement chinois ne s’y sont trompés, eux qui ont consacré une belle place à la révolution énergétique et à l’environnement dans leur plan. Rien de tel en Europe alors qu’elle dispose en ce domaine d’un léger avantage concurrentiel lié à son engagement en faveur de Kyoto. Pourtant, tout comme les pays gagnants des 25 dernières années ont été ceux qui ont maîtrisé les nouvelles technologies de l’information et la révolution financière initiée au début des années 1980, il a fort à parier que les pays gagnants des 25 prochaines années seront ceux qui maîtriseront l’adaptation de leur système productif au développement durable.

Sur ce point, ce n’est ni le mouvement social, ni les syndicats qui permettront d’avancer. Tel n’est pas leur rôle, il revient au débat politique. Or force est de constater la faiblesse de ce dernier. Face à un Nicolas Sarkozy naviguant à vue, le PS n’arrive à énoncer que la faiblesse du volet consommation du plan de relance. Une évidence qui n’a pas besoin de lui pour être perçue puisqu’elle a débouché jeudi dernier sur l’une des plus forte journée de grève des 20 dernières années.


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