Violée, humiliée… Détruite !

par Fergus
mardi 13 octobre 2009

Cette histoire est véridique. Et le calvaire qu’a subi la jeune fille, victime d’un violeur récidiviste, a fait l’objet d’un douloureux procès d’assises que j’ai suivi en juin 2004. Par respect pour la victime et sa famille, j’ai délibérément changé les noms des personnes impliquées et des lieux où se sont déroulés ces évènements.


L’huissier se lève et annonce d’une voix forte : « La Cour ! » Les onze jurés* et les trois magistrats prennent place sur l’estrade. Le Président règle son micro. Dans quelques instants le verdict va être rendu dans cette affaire où est jugé l’auteur récidiviste – il avait déjà été condamné pour viol en réunion lorsqu’il était mineur – de nouveaux viols commis sur trois jeunes filles de la région. Sont présents dans le prétoire les acteurs et les figurants du procès qui va s’achever au terme de trois jours d’audience : le jury mené par l’imposant Président et ses deux assesseurs, l’accusé encadré par une paire de gendarmes, la redoutable avocate générale, les parties civiles et leurs avocats ; dans la salle, quasiment vide pour cause de huis-clos, quatre personnes seulement : deux journalistes localiers, une stagiaire de justice et moi-même, juré de session et autorisé, à ce titre, à suivre les débats…


L’affaire débute deux ans plus tôt, un samedi, quelque part dans le grand Ouest. Ce jour-là, Florence et sa cousine Delphine viennent, comme elles en ont l’habitude, vendre des roses aux terrasses des bistrots de la petite ville de X… pour gagner un peu d’argent. Florence a tout juste 18 ans, Delphine est un peu plus âgée. Toutes les deux sont des filles sans histoire qui vivent à la campagne dans une commune voisine. On ne connaît aucun petit ami à Florence dont on apprendra lors du procès qu’elle était vierge au moment des faits.


Florence et Delphine connaissent ces jeunes désœuvrés qui tuent le temps en buvant une bière. Parmi eux se trouvent Kévin, Michel et Véronique. Les cinq camarades décident de se rendre à 15 km de là, dans la station balnéaire de Z… Pas grand-chose à faire sur place : on s’amuse, on rit, on boit également, et le temps passe. Michel, Véronique et Delphine décident de retourner à X... Kévin et Florence choisissent de rester encore un peu pour profiter de la mer et du beau temps. Tous les deux marchent en discutant. En flirtant peut-être. Parvenus dans un chemin de terre, Kevin se fait soudain plus empressé. Florence se défend. Le garçon, rendu furieux par cette résistance, se met alors à frapper la jeune fille. Puis il l’entraîne en la tirant violemment par les cheveux un peu plus loin dans un bois, en l’obligeant à marcher jambes nues dans les orties qui bordent le chemin. Florence est muette, terrorisée par la transformation de celui qu’elle prenait jusque là pour un bon camarade, rien de plus. Soudain, Kevin la jette au sol…


Sous la menace d’un hachoir


Lorsqu’elle se relève après le viol, Florence n’est plus que l’ombre de la jeune fille qu’elle a été. En quelques minutes, l’univers insouciant de son adolescence tranquille s’est effondré, tel un château de sable emporté par la vague sur la plage toute proche. Incapable de la moindre réaction, Florence est désormais entièrement soumise à la volonté de son agresseur. Tous deux remontent dans la voiture du violeur. Revenus à X…, Kévin prend le temps de s’arrêter pour acheter des cigarettes. Florence, restée dans la voiture, ne tente rien tant est profond l’état de sidération dans lequel l’agression l’a plongée. Des camarades et des passants sont pourtant là, à portée de voix, qui pourraient lui venir en aide. Mais la jeune fille n’est plus qu’une coque vide. Kevin revient. La voiture repart vers le domicile du violeur. Le cauchemar peut recommencer…


La soirée est un long calvaire pour Florence. Réduite à l’état d’esclave, elle n’est plus qu’un jouet sexuel entre les mains de son agresseur. Kévin la viole à nouveau. Puis il tente de lui imposer une fellation. Dans un réflexe de dégoût, Florence tente d’y échapper. Son agresseur saisit alors un hachoir de boucher et, le regard fou, le brandit sur la tête de la jeune fille. Terrorisée, Florence s’exécute. Pas question d’en rester là pour le violeur : pour punir cette pauvre résistance, il pisse sur le carrelage des toilettes et oblige sa victime à nettoyer ses souillures…


Kévin a beaucoup bu. Abruti par l’alcool, il finit par sombrer dans le sommeil. Florence, anéantie, ne dort pas. À deux heures du matin, elle émerge un peu de sa prostration. Suffisamment pour se rendre compte que le violeur dort profondément. Elle fouille les poches de Kévin et trouve son portable. Elle se souvient du numéro de la police : le 17. L’appel arrive au commissariat. Il émane d’une jeune fille en grande détresse, incapable dans sa confusion d’indiquer avec précision où elle est séquestrée. Le policier de permanence au standard parvient à lui faire dire son nom. Celui-ci correspond au signalement de disparition reçu quelques heures plus tôt. Aussitôt, tous les policiers disponibles sont requis pour localiser le lieu de la séquestration. Les pompiers sont appelés en renfort. Sans succès…


Une audition particulièrement éprouvante


Soudain, une jeune fille apparaît dans une ruelle aux yeux des policiers. Pas de doute, il s’agit bien de Florence. Mue par un instinct de survie, la victime a réussi à trouver la clé de l’appartement et à s’échapper en profitant du sommeil de son agresseur. Florence s’effondre dans les bras des policiers, manifestement dans un grave état de choc. Très vite prise en charge par le médecin des pompiers, c’est en ambulance qu’elle est transportée vers l’hôpital. Au même moment Kévin est interpellé à son domicile…


Après plusieurs jours d’hospitalisation, Florence rentre chez elle. Malgré l’affection et le soutien de sa sœur et de ses parents, rien n’est plus comme avant. Les mois passent, Florence ne rit plus, ne s’intéresse plus à rien, ne sort plus de son domicile. Sa seule activité consiste à faire le ménage. À nettoyer, à nettoyer encore, à nettoyer toujours. Jusqu’à l’obsession. De temps à autre, des bouffées d’angoisse l’assaillent ; ses cheveux se mettent alors à tomber par poignées. Florence est détruite !...


Près de deux longues années se sont écoulées jusqu’au procès. Des trois victimes du violeur – l’une a été contrainte à une fellation en pleine rue sous la menace d’un pitbull –, deux sont présentes au procès, assises sur le banc des parties civiles. Ni Florence ni sa famille n’ont eu la force de suivre les audiences. À la demande de la Cour, la jeune fille viendra pourtant témoigner à la barre, soutenue par sa sœur. Elle est livide et sa voix presque inaudible. D’un commun accord, toutes les parties écourtent la torture infligée à Florence. Toujours soutenue par sa sœur, la victime quitte en larmes la salle d’audience dans un silence de cathédrale…


Drapé dans sa robe rouge, le Président prend la parole et énumère les réponses apportées par le jury. Oui, l’accusé est reconnu coupable de viol dans les trois affaires pour lesquelles il était poursuivi. Non, il ne bénéficie d’aucune circonstance atténuante. Le verdict tombe : 18 ans de réclusion criminelle.


À l’extérieur du Palais de Justice, un chaud soleil inonde la ville. Je ne sais ni que faire, ni où aller, sonné par ces trois journées, et plus particulièrement par le calvaire de Florence, cette jeune fille simple et joyeuse qui a été saccagée par un pervers et dont la dramatique histoire est définitivement entrée dans ma vie.


Aujourd’hui encore, il arrive que la silhouette de Florence, avançant lentement dans le prétoire, vienne me hanter. Je suis alors tenté d’appeler son avocat pour prendre des nouvelles de la jeune femme qu’elle est devenue. J’y renonce pourtant à chaque fois, par crainte d’apprendre que la malheureuse, en proie à ses tourments, ne soit toujours pas en état de se reconstruire. Je serre alors les poings dans un geste de rage impuissante.


* Un jury d’assises est composé de 3 magistrats et de 9 jurés « populaires » tirés au sort parmi les jurés de session. 2 autres jurés (voire 3 ou 4 pour les procès de longue durée) complètent le jury au titre de suppléants pour pallier toute défection en cours de procès. Ils sont, comme les jurés titulaires, tenus de suivre la totalité des audiences, mais ils ne peuvent pas prendre part à la délibération.
 

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