Y a des Zazous dans mon quartier
par olivier cabanel
lundi 21 mars 2016
Brigitte Fontaine reprenait récemment cette chanson d’Andrex (lien) au sujet de ce mouvement, qualifié à tort par certains de « mode », qui s’était distingué pendant la deuxième guerre mondiale, et contrairement à une idée reçue, ils étaient surtout un mouvement de résistance, et pas seulement en paroles.
C’est ce que l’on pouvait découvrir le 15 mars dernier, dans l’émission de Frédéric Taddeï, sur l’antenne d’Europe 1, lequel avait invité dans son Europe 1 social club, Gérard de Cortanze pour son livre « Zazous » (Albin Michel). lien
Au-delà de l’image désuète que certains peuvent avoir de ce mouvement, considéré à tort, comme celui d’une jeunesse dorée en mal de reconnaissance, les Zazous étaient tout, sauf ça.
Dans un Paris en Guerre, envahi par les uniformes nazis, ces adolescents couvraient les murs de la capitale d’un immense V de la victoire, semaient la panique dans les lieux de spectacles, arborant par solidarité l’étoile jaune, alors qu’ils étaient rejetés par la Résistance.
Cet acte de résistance, et de solidarité qu’ils partageaient avec quelques autres, allait leur couter cher, et s’ils ne furent pas déportés, certains connurent la misère des camps. lien
Être Zazou, c’était aimer le jazz, danser le swing, boire de la bière grenadine, lire des livres interdits, et porter d’improbables vestes à grands carreaux, le nez chaussé de lunettes de soleil.
Ils étaient en quelque sorte les marginaux d’aujourd’hui, arborant des cheveux longs, huilés, des vestes interminables, toujours à gros carreaux, portant souvent, question de classe, un parapluie sous le bras et ils organisaient parfois des concours de danse qui les opposaient à l’occupant.
Pour peaufiner le tableau, ajoutons leur chapeau à bord étroit, la chemise à col haut, tenu par une épingle, la cravate faite de toile ou de grosse laine, avec un petit nœud placé très haut.
Le costume croisé à 4 boutons, et grande encolure, serré au niveau du bassin, comportait un gilet de couleur, en harmonie avec le costume et un pantalon étroit et froncé.
Quand à leurs compagnes, elles cachaient sous des chapeaux improbables de longs cheveux souvent blonds, bouclés ou tressés, fardaient leurs lèvres d’un rouge éclatant, et portaient aussi des lunettes noires. lien
La jupe plissée est courte, au dessus du genou, recouvre en partie des bas rayés, voire à résille, et les chaussures ont des semelles de bois, souvent peintes en rouge.
À l’image des « incroyables », issus de la révolution française, les zazous affirmait un coté insouciant, ce qui leur permettait de continuer d’afficher leur liberté même dans les moments les plus cruels de notre histoire.
Le mot lui-même de zazou vient du jazz, et était l’une des onomatopées coutumière de cette musique, laquelle était interdite pendant l’occupation, même si elle était jouée dans des surprises parties, ou dans les caves, comme celle de St Germain de Près, qui deviendra vite célèbre à la libération.
Camus évoque les zazous dans son « étranger », et Boris Vian, zazou lui aussi, partageait leur passion musicale pour le Jazz.
Dans son « Vercoquin et le Plancton », (lien) il les raconte à sa manière : « le mâle portait une tignasse frisée et un complet bleu ciel dont la veste lui tombait aux mollets. 3 fentes par derrière, 7 soufflets, 2 martingales superposées, et un seul bouton pour la fermer. Le pantalon, qui dépassait à peine la veste, était si étroit que le mollet saillait avec obscénité sous cette sorte d’étrange fourreau. Le col montait jusqu’à la partie supérieure des oreilles. Une petite échancrure de chaque côté permettait à ces dernières de passer. Il avait une cravate faite d’un seul fil de rayonne savamment noué et une pochette orange et mauve. Ces chaussettes moutardes (…) se perdaient dans des chaussures de daim beige ravagées par un bon millier de piqûres diverses. Il était swing. La femelle avait aussi une veste dont dépassait d’un millimètre au moins une ample jupe plissée en tarlatatane de l’île Maurice (…) chemisier rouge vif, bas de soie tête de nègre, souliers plats de cuir de porc jaune clair, neuf bracelets dorés au poignet gauche et un anneau dans le nez ».
Johnny Hess les décrivait dans l’une de ses chansons : « les cheveux tous frisotés, le doigt comme ça en l’air, le veston qui traine par terre, ils ont des pantalons avec une coupe inouïe, qui arrivent un peu au dessus du genou, ils ont l’air dégouté, ils sont zazous ». lien
Pour rester dans la chanson, on sait que le grand Léo Ferré disait avoir été zazou, (il avait d’ailleurs appelé son chimpanzé zaza) et les opposait à la génération qui allait éclore, celle des yéyés, qui allait, d’après lui, donner naissance à la chanson commerciale.
Les zazous avaient aussi pour idole autant Charles Trenet que Django Reinhardt, et cette génération à qui on voulait voler sa jeunesse avait mis au point une stratégie pour lutter contre l’ignominie. lien
Le collabo Jacques Doriot les avait montrés du doigt lors d’une prise de parole devant l’occupant nazi, affirmant que les jeunes devraient prendre conscience de vivre la période la plus grandiose de leur existence, et il les vilipendait, évoquant leur décrépitude et leur déchéance. lien
Mais qui ont été les héritiers des zazous ?
On ne peut s’empêcher de penser au mouvement beatnik des années 60, avec leur célèbre message « peace and love ».
Arborant une logique non violence, ils défendaient le pacifisme, face aux différentes guerres d’alors, Vietnam, guerres coloniales, conflit israélo-arabe, etc.…lien
Les Punks ont suivi, avec leur « no future » en bandoulière, lançant une contre-culture contre le capitalisme, probablement conséquence de l’échec des contestataires des années 70. lien
Puis sont venus ceux qu’on appelle « les alternatifs », issus d’une jeunesse qui refusent ce monde de banksters et de politiques manipulateurs, affairistes, corrompus…ils pratiquent eux aussi une forme de résistance, utilisant les réseaux, facilité par l’utilisation d’Internet, mettant en place un système social parallèle, avec peut-être moins de dangers que ceux que courraient les zazous pendant la dernière guerre…même si on a vu récemment les « forces de l’ordre » profiter de l’état d’urgence pour les attaquer lâchement. lien
Comme dit mon vieil ami africain : « le chameau ne se moque pas de la bosse du dromadaire ».
L’image illustrant l’article vient de histoiredemode
Merci aux internautes pour leur aide précieuse.
Olivier Cabanel