Y a-t-il de l’ognon à l’Académie française ?

par Dictho
lundi 1er juillet 2019

 Pourquoi cet acharnement académico-médiatico-élitiste sur des évolutions naturelles de la langue ? L'Académie a beau jeu de s'appuyer sur l'usage. Est-ce pour que nous nous mêlions de nos ognons ?

 Étymologie du nom ognon : XIIe siècle, unniun  ; XIIIe siècle, oingnun  ; XIVe siècle, oignon. Issu du latin populaire unio « unité », puis « oignon », que l’on rattache à unus « un, un seul », parce que cette plante n’a qu’un tubercule.

 L'Académie française hésite de longue date sur cette graphie :
Ac. 1718-1762 : oignon ; 1798 : ognon ; 1835, 1878 : oignon, ognon ; 1935 : oignon.

 On trouve la graphie ognon dans les rectifications de l'orthographe de 1990 sous l'indication : Des rectifications proposées par l’Académie en 1975 sont reprises, et sont complétées par quelques rectifications de même type.
 Dans son nouveau dictionnaire, elle indique "Peut s'écrire ognon, selon les rectifications orthographiques de 1990." mais cette entrée est refusée dans le moteur de recherche.



 Lu dans la présentation du dictionnaire de l'Académie française :

 Comme on le sait, un ensemble de « rectifications orthographiques » proposées par le Conseil supérieur de la langue française ont été approuvées par l’Académie française et publiées en décembre 1990 dans les « Documents administratifs » du Journal officiel. Ces rectifications ont pour but de résoudre les problèmes graphiques importants, d’éliminer les incertitudes ou les incohérences et de faciliter l’apprentissage du français. Elles n’ont pas une valeur d’obligation mais plutôt de recommandations, les deux orthographes, dites « ancienne » et « nouvelle », étant admises et non fautives.
 Dans la 9e édition du Dictionnaire de l’Académie, ces orthographes « rectifiées » sont intégrées à des stades divers :

  • certaines le sont directement, c’est-à-dire que la graphie « moderne » est la seule indiquée en entrée principale, comme pour mémento (accent), photoélectrique (soudure des mots composés), match (des matchs, pluriel régulier), etc. ;
  • certaines font l’objet d’une variante graphique, en première ou en seconde position, comme pour évènement ou événement, moto-cross ou motocross, etc. ;
  • certaines, enfin, et conformément au choix de l’Académie, ne sont pas intégrées au Dictionnaire, mais font alors l’objet d’une indication, matérialisée par le symbole ◊, qui indique qu’une graphie « recommandée » existe pour ce mot, mais n’a pas été retenue dans le Dictionnaire. C’est le cas de près de 1 000 mots, comme oignon (la graphie recommandée, ognon, n’étant pas rentrée dans l’usage), tous les accents circonflexes sur i et u (brûler, abîme), des séries comme persifler, etc.

 Pourquoi ces distinctions ? Faut-il y voir la volonté de confisquer la langue du peuple ?

 La prononciation régulière a subsisté dans nombre de mots du type besogne/besogner, grogne/grogner, rogne/rogner, etc. Dans la famille de poing, seul l'argot pognon conserve la graphie et la prononciation -ogn- [ɔ ɳ]. Littré signale pour empoigner la prononciation en [wa] mais comme peu usitée, et Barbeau-Rodhe 1930 la considère comme moins bonne. Mais dès Philippe Martinon Comment on prononce le français (1913), pages 48-50, la prononciation [wa] prend de l'importance au détriment de l'ancienne prononciation correcte qui reste cependant celle du peuple : ,,Le peuple dit, fort justement, 'pogne" [pɔ ɳ], "empogne" [ɑ ̃pɔ ɳe], mais ceci passe, déjà, pour familier, ainsi que "la foire d'empogne" [ɑ ̃pɔ ɳ], ces mots étant d'ailleurs, plutôt, d'usage populaire. Quant à poignet, poignée, poignard, qui sont d'usage littéraire aussi bien que populaire et plus encore poignant qui est plutôt littéraire, on peut dire que leur prononciation est, définitivement, altérée. ,,La prononciation en [wa] écrite -oi- s'explique par l'influence graphique du i conservé, par analogie avec éloignement sous l'influence de loin, témoigner sous celle de témoin, soigner sous celle de soin, joignant sous celle de joindre, poigne, poignard, empoigner (et ses dérivés) sous celle de poing. Seul oignon se prononce toujours [ɔ ɳ ɔ ̃] malgré la présence de l'i, ce qui vient de l'emploi très populaire de ce mot. Philippe Martinon souhaitait donc ognon comme rognon. Pour poignet, poignée, poignard, il estimait que, le malencontreux i n'ayant pas été ôté à temps, il convient de se rallier à la prononciation en [wa], celle en [ɔ ɳ] étant tout à fait surannée, au moins dans l'usage des personnes instruites. Pierre Fouché, dans le Traité de prononciation française en 1959, page 39, note qu'il y a encore hésitation pour encoignure et moignon, mais que [ɔ ɳ] est plus fréquente dans encoignure et [wa] dans moignon.

 Quelle est la véritable raison de cet acharnement à refuser des évolutions naturelles qui ne gênent que les accapareurs de médias, les adversaires de la liberté de s'exprimer ? Suggérons à cette Académie de l'ognon et aux médias la formule d'adoubement : Oignons ces défenseurs d'une langue élitiste.

https://www.cnrtl.fr/definition/empoigner

http://academie-francaise.fr/sites/academie-francaise.fr/files/rectifications.pdf

https://www.dictionnaire-academie.fr/


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