Ca va mal finir

par Marsiho
lundi 31 mars 2008

Mon pays devient xénophobe et enfin quelqu’un qui le dit clairement...

Je voudrais évoquer ici l’ouvrage de François Léotard, un pamphlet envoyé à Nicolas Sarkozy intitulé Ca va mal finir. Un mot sur le personnage d’abord. François Léotard, ancien maire de Fréjus, conseiller régional en PACA, député UDF du Var et deux fois ministre (à la Culture et Communication, puis à la Défense). Son frère, Philippe, était un clown triste et pathétique, mais traversé d’une fulgurance artistique et poétique qui le rendait magnifique (et quelle voix !), mais François, lui, semblait être un brave petit soldat politique qui ne se posait pas trop de questions. Que nenni, le personnage est lui aussi capable de coups d’éclat ! Il l’avait déjà démontré en 98 après les régionales, en excluant de son parti tous les présidents de région qui avaient été élus avec les voix du Front National. Suite à ce coup de force, il démissionnera de la présidence de l’UDF, poste auquel François Bayrou lui succédera. Aujourd’hui, loin de tout enjeu, il refait un coup d’éclat en dézinguant son "ami" Nicolas. Il est vrai qu’ils avaient tous les deux soutenus Edouard Balladur en 1995 ("Je vous demande de vous arrêtez !"). Au fil des pages la charge se fait sans compromis, mais avec un véritable talent d’écriture et les signes d’une culture littéraire et historique, signes que Nicolas Sarkozy ne présente pas... En 137 pages (qui se lisent en une soirée), Léotard aborde tout ce qui pose problème depuis le début du quinquennat de notre ultra-président. Pourquoi ? Parce que comme il l’écrit en quatrième de couverture : "J’ai voté Nicolas Sarkozy mais je dors mal depuis." Il ne s’agit pas uniquement de critiquer, mais également d’analyser les attitudes, les débordements, les manquements à sa charge de l’actuel locataire de l’Elysée dont il pense qu’il ne finira pas son quinquennat (marrant, depuis le début je pense la même chose).

Léotard pointe d’un doigt accusateur la course folle dans laquelle disparaissent nos libertés et notre image de pays inventeur des Droits de l’Homme et du Citoyen. Je pourrais citer de nombreux passages qui sont autant de verdicts sans appel, mais je ne vais vous présenter que celui-là, qui résume de nombreuses choses :



"Que les étrangers ne soient pas ’attendus’ en France, monsieur Le Pen l’avait déjà dit. Ce n’était pas hélas une grande nouvelle. Etait-ce une raison pour faire de cette ’réalité’, soigneusement entretenue, une sorte de vulgate transmise à l’opinion comme une instruction du ministère de l’Intérieur ? Car il en pleuvait des instructions... Ces préfets convoqués, toutes affaires cessantes, parce que le chiffre d’affaires n’avait pas été atteint, ces policiers, ces gendarmes arrivant à l’aube, arrêtant parfois des enfants, séparant des couples, ces avions au fond desquels, derrière des touristes qui baissent les yeux, on entend des hurlements... en sommes-nous si fiers ? N’y a-t-il pas au coeur de la République un étrange malaise qui fait que nous préférerions que ce soient d’autres qui se livrent à cette dérive, plus loin ailleurs, bien loin d’ici, autrement, quelque part entre la Chine et l’Iran, mais pas nous, pas la France ? Heureusement, il reste encore des parlementaires qui n’aiment pas trop recevoir des instructions. Au Sénat, notamment, ils ont étouffé le petit animal monstrueux qu’était le projet imposant des tests ADN aux étrangers, dans le cadre du regroupement familial. Le texte repose désormais, inerte, un peu ridicule, un peu honteux, dans la fosse commune des lois qui n’auraient jamais dû voir le jour. L’histoire retiendra que cette tentation eut lieu et qu’elle avait subordonné le regroupement familial à une analyse sanguine utilisée jusqu’alors pour les enquêtes criminelles ou pour les soins apportés aux malades. Et uniquement dans ces deux domaines (là François Léotard fait une erreur, puisqu’une prise de sang est également imposée aux futurs époux). On ne pouvait pas dire plus allusivement qu’un étranger avait de fortes chances d’entrer dans l’une ou l’autre de ces deux catégories : soit pénalement soit physiquement menaçante. On peut ajouter à cela que l’adoption ou la présence d’une famille - fût-elle recomposée - sont à l’évidence des facteurs d’intégration dont ce même ministère porte aussi le nom... Trois lois sur l’immigration, empilées l’une sur l’autre. Trois cents enfants, dont des nouveau-nés, enfermés dans des centres de rétention ou séparés de leurs parents en 2007... Est-ce le prix à payer pour une majorité qui frissonne dès lors que la couleur de peau ou la sonorité du nom n’est plus tout à fait ce qu’elle attend ? Si l’on rassemble peu à peu, comme les morceaux d’un puzzle, toutes les mesures qui sont prises dans cet esprit, sur ce sujet, avec un constant acharnement, que reste-t-il quand le puzzle est terminé ? Quelle est l’image qui apparaît ? C’est celle de la xénophobie."

Eh oui ! enfin un politique qui dit ce que nous sommes devenus, le rêve de Jean-Marie Le Pen. Voilà dans quoi nous entraîne notre président bling bling. Un exemple récent (il y en a de ce genre chaque semaine) ? L’avocate Fatimata M’Baye, présidente de l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH), accuse la police française de l’avoir maltraitée et retenue pendant 24 heures pour avoir protesté contre le traitement d’un sans-papiers en instance d’expulsion. Maître M’Baye, qui est également vice-présidente de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), a déclaré qu’une vingtaine de policiers montés à bord d’un vol Air France pour Nouakchott le 11 mars dernier avait menacé de la frapper, ainsi qu’un médecin, Pierre-Marie Bernard, parce qu’ils s’étaient plaints du traitement infligé à un Mauritanien ligoté et maîtrisé de force par les policiers. "J’ai été dépouillée de tous mes effets personnels, y compris du foulard que je porte sur la tête ! On m’a dit que je pouvais m’en servir pour m’étrangler ou bien pour agresser les policiers  !", a déclaré lundi soir l’avocate mauritanienne, qui est musulmane. La police a accusé M’Baye et Bernard d’obstruction à une mesure de reconduite à la frontière, ce qui est punissable par la loi française. Le ministère français des Affaires étrangères n’a pu être joint à ce sujet. No comment...

Le pire ? C’est que peu de voix s’élèvent face à cette indignité transformée en doctrine politique. Sommes-nous en train de redevenir une sorte de France des collabos ? Regardons un peu la situation en face, que faisons-nous pour marquer du sceau de la honte le gouvernement chinois qui massacre tranquillement un peuple et sa culture ? Rien. Pourquoi ? Parce que nous n’avons guère de choses à lui envier sur le fond. Kadhafi lors de sa mémorable visite pouvait d’ailleurs nous renvoyer avec raison dans la figure, la manière dont nous traitons les jeunes de nos cités. Nos prisons sont épinglées régulièrement par la Cour des droits de l’homme. Nos centres de rétention sont des lieux de non-droit dans lesquels aucun journaliste ne peut entrer pour vérifier les conditions de détention. Nous expulsons à tout va. Et habile manipulateur, Nicolas Sarkozy a réussi à faire cautionner cette "politique" par un ancien ministre de gauche et une jeune noire ? Cette habilité frôle le génie... Oui, l’adversaire, car c’en est un quand on se juge démocrate et républicain, est habile. Et cela aussi Léotard en fait la remarque. La soi-disant "peopolisation" n’est que poudre aux yeux. Pendant que Sarkozy feint d’être Guignol, il profite de ce que nous regardons ailleurs (avec bonne volonté) pour transformer la France en prison à ciel ouvert dans laquelle nous sommes tous des présumés coupables. "Il est l’ordre. L’ordre seulement, mais l’ordre complètement. Sa doctrine est faite : les loubards des banlieues n’ont pas de problèmes sociaux, ni de logement, ni de culture, ni d’emploi (note personnelle : que l’on donne trente deniers à Fadela Amara...). Les pédophiles n’entrent pas dans la catégorie de l’acquis, mais dans celle de l’inné, les récidivistes que la prison a largement amochés doivent y retourner le plus vite possible. Ils ont été jugés ? Aucune importance. Pour le même délit, déjà purgé, on va inventer ’un suivi’ en milieu fermé, c’est-à-dire une deuxième prison qui s’ajoute à la première, mais sans jugement. A quoi bon ? C’est l’Etat qui doit décider, c’est-à-dire l’Exécutif, c’est-à-dire la police. Il semble que notre président n’ait lu ni Tocqueville, ni Montesquieu, ni Benjamin Constant, il semble que la séparation des pouvoirs lui soit une énigme."

Il faut lire Ca va mal finir. Pour retrouver le goût d’une saine révolte. Pour ne pas être tondu à la libération...


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