L’évolution de la voiture électrique

par Desmaretz Gérard
vendredi 6 janvier 2023

Si le premier véhicule électrique est attribué à Robert Anderson, un homme d’affaires écossais au début des années 1830, son évolution suit les découvertes des phénomènes électro-magnétiques. Au XVIII° siècle on construit des machines accumulant des charges électriques (bouteille de Leyde), l'électricité se décharge en une seule étincelle et il faut attendre la recharge avant de pouvoir en générer une nouvelle. Alessandro Volta invente en 1800 la pile composée de disques de zinc et de cuivre empilés séparés par un tissu imbibé d'une solution acide aux extrémités desquelles il recueille le passage d'un courant continu.

Hans-Christian Œrsted a montré qu'un fil métallique relié aux pôles d’une pile et placé au-dessus d'une boussole en faisait dévier l'aiguille. Ampère et Arago démontrent que deux conducteurs enroulés sur une âme en fer se comportent comme un électro-aimant. En mars 1822, Peter Barlow construit un électro-aimant en forme de fer à cheval. La rotation d'un disque de cuivre plongé dans du mercure placé entre les branches et dans le champ magnétique génère un courant électrique, principe utilisé dans les moteurs et générateurs à courant continu. Les travaux de Faraday vont aboutir à la conversion de l'énergie électrique en énergie chimique. En 1834, Moritz Hermann von Jacobi conçoit un moteur rotatif composé de plusieurs électroaimants alimentés par 128 piles Bunsen. En 1839 il installe ce moteur électrique sur un bateau qui parcourt 7,5 km à la vitesse de 2,5 km/h avec 12 personnes à bord (Saint-Pétersbourg).

La pile fait des émules, Leclanché relie des piles en série entre elles pour obtenir une tension supérieure (en parallèle on en augmente la capacité), en 1859 Gaston Planté crée la « pile secondaire » ; des plaques de plomb baignent dans une cuve remplie d'acide sulfurique. Camille Faure améliore la batterie au plomb en 1881. Zénobe Gramme crée un générateur de courant continu mû par une machine à vapeur pour produire l'énergie mécanique. La dynamo va concurrencer la pile, la batterie et l'accumulateur.

En 1881, J. Raffard présente un véhicule capable de recharger sa batterie ; au mois de novembre, Gustave Trouvé présente son tricycle électrique à l’Exposition Internationale d’Électricité à Paris. La vitesse du cycle dépendant de l'intensité du courant, le conducteur immerge plus ou moins les plaques dans le bain d'acide grâce à un système de poulies. L'année suivante, William Ayrton et John Perry proposent un tricycle électrique avec un moteur connecté à la roue arrière droite. Son autonomie est de 20 Km pour une vitesse de 15 Km/h. Le véhicule équipé de phares électriques peut circuler de nuit.

En 1891 l'Américain William Morrison commercialise le premier véhicule électrique. En 1895, une voiture électrique participe à la course automobile Bordeaux-Paris. Conduite par Charles Jeantaud, cette voiture de 7 chevaux embarque 38 accumulateurs Fulmen de 15 Kg chacun. La Jeantaud, vitesse de 20 Km/h pour une autonomie de 60 Km, sera commercialisée de 1893 à 1906 (l'autonomie en sera doublée en 1903). En 1897, les premiers taxis électriques font leur apparition dans les rues de New-York. En 1899, Camille Jenatzy atteint la vitesse de 106 Km/h à bord de la « Jamais Contente » en forme de torpille.

En 1900, la Phaeton de Wood vendue 2.000 $ à une autonomie de 30 Km à la vitesse de 22,5 Km/h. Des points de recharges électriques commencent à se répandre dans les grandes villes américaines. En 1904, la Poste acquièrt une douzaine d'exemplaires de la « Mildé », un véhicule électrique fabriqué à Levallois-Perret. L'arrivée de la Ford T en 1908 (moteur thermique) construite en série avec démarreur électrique pour un prix deux fois moindre qu’une voiture électrique va supplanter cette dernière. L’invention en 1910 par Edison de la batterie Fer-Nickel n'a aucun impact sur les ventes, le prix de l'essence est bas et les trajets s'allongent. La voiture électrique disparaît.

En 1937, Renault présente lors de l’Exposition universelle des Arts et des Techniques appliqués la vie moderne à Paris, la Celtaquatre, une voiture de tourisme électrique. Au printemps 1940 les ateliers Autélec proposent des véhicules de charge utile de 500 kg à 1200 kg, vitesse maximale 25 km/h. L'occupation allemande a pour conséquence les rationnements alimentaires et des carburants, les véhicules sont adaptés pour fonctionner au gaz (gazogène), à l’acétylène ou à l’alcool. L'énergie électrique n'étant pas rationnée, une douzaine de projets sort des cartons. Les ateliers Bréguet repliés à Toulouse travaillent sur la Bréguet Type A1 en aluminium, suivie de la Bréguet Type A2 aux batteries plus puissantes capable d'atteindre 45 km/h pour une autonomie de 100 km. Une centaine de véhicules sont produits. L'Electra de Pierre Faure, longueur 3,10 m et 550 kg offre les mêmes performances. Mildé et Krieger adaptent un moteur électrique sur la Licorne, une berline de 6 CV commercialisée depuis 1938. La berline 4 places a une autonomie de 90 km à la vitesse de 40 km/h.

En 1941 Peugeot propose la 202, un véhicule à deux places d'une longueur de 2m67 pour un poids de 365 kg (batteries 155 kg). La Voiture Légère de Ville capable d'atteindre les 32 km/h et qui dispose d'une autonomie de 70 km sera vendue à 361 exemplaires, ce qui en fera le modèle le plus vendu sous l'occupation. Au mois de juillet, une Satan équipée d'accumulateurs Tudor parcourt 135 km à la vitesse moyenne de 32,279 km/h. En septembre, la Stella, 5 places, équipée d'accumulateurs Voltar (850 kg), roule 110 km avec des pointes à 55 km/h. A l'automne 41 les ateliers Georges Irat présentent à la Foire de Lyon un cabriolet disposant d'une autonomie de 100 km, vitesse 35 km/h.

En 1942, Paul Arzens construit l’Œuf électrique, carrosserie en aluminium et plexiglas, moteur électrique alimenté par 300 kg de batteries pour une autonomie de 100 km et 70 km/h en pointe. L’intensification des pénuries d’aluminium, de cuivre, de plomb matériaux indispensables à la construction automobile, et les fréquentes coupures de courant vont mettre un terme aux voitures électriques. Le coup de grâce leur sera porté par le commandement militaire allemand en France qui interdira par arrêté, dès le 10 juillet 1942, la production de voitures électriques.

Les années 1960 marquent un regain d’intérêt pour la voiture électrique. En 1966, le Congrès Américain recommande la construction de véhicules électriques afin de réduire la pollution de l’air. Les ventes ne sont pas au rendez-vous. La CitiCar commercialisée aux États-Unis en 1974 atteint les 48 km/h et 64 km d’autonomie. Les ventes de véhicules électriques ne décollent pas. En 1976, le Congrès Américain adopta l’Electric and Hybrid Research, Development and Demonstration Act afin de favoriser le développement des nouvelles technologies portant sur les batteries et les moteurs.

En 2010, Venturi présente Fétish au Mondial de l'automobile de Paris, la première sportive électrique. Carrosserie en carbone, moteur de 300 ch, pack de batteries de 54 kWh ; 0 à 100 km/h en 4 secondes, vitesse de pointe de 200 km/h. Tout mobile repose sur la relation : masse - puissance - vitesse - friction de roulement - aérodynamisme (Cx). Le véhicule électrique offre généralement un couple maximal dès le démarrage avant de ne décroître que très lentement. Le couple d'un moteur thermique se manifeste à mi-régime et s'étale sur une faible partie du rapport de vitesse (boîte). Le moteur électrique peut grimper à 18 000 t/min (Tesla), environ 9.000 t/min pour les thermiques « sportives ». Revers de la médaille, le véhicule électrique manque de puissance pour affronter le fort dénivelé d'une route de montagne et l'absence de rapport pénalise les reprises.

S'il existe différentes technologies hybrides : BMW, Honda, Mitsubishi, Nissan, Renault, etc., certains véhicules sont simplement équipés d'un « alternateur-démarreur » d'une trentaine de chevaux qui soulage le moteur thermique à l'accélération - l'hybride série, le moteur électrique entraîne les roues, le moteur thermique fournissant l'énergie électrique (Nissan), l'hybride parallèle additionne les puissances du moteur thermique et électrique (Renault Austral 130 ch + 68 ch). La batterie épuisée, seul le moteur thermique est à la manœuvre avec pertes de performances.

L'autonomie d’un véhicule électrique dépend de la capacité de ses batteries, du rendement de son moteur et de la puissance consommée : moteur, éclairage, chauffage, climatisation, charge transportée, énergie perdue, côte, accélération, tractage d'une remorque, usure des batteries, aides à la conduite : freinage automatique, assistance anti-collision, maintien dans la voie, assistance au changement de voie, informations routières, radars de stationnement, caméra de recul, l’avertisseur d’angle mort - régulateur de vitesse adaptatif avec système d'assistance dans les embouteillages, GPS, aide au stationnement, affichage des stations de recharge, etc.

La plupart des véhicules utilisent une tension de 400 volts, mais les modèles puissants une tension de 800 volts (chaque cellule a une tension comprise entre 2,5 et 4,2 volts). A puissance égale, augmenter la tension permet de réduire le courant, donc la section des conducteurs (prix du cuivre). Sachant que des bornes de rechargement rapide délivrent du 400 V ou du 800 V et une intensité maximale de 500 A, recharger une batterie sous 400 volts revient à limiter la charge à 200 kW contre 400 kW sous 800 volts. La durée de charge pour la batterie de la Zoé (52 kWh) à partir de chez soi (3,7 kW) est de 14 heures.

Le kilowatt/heure (1.000 watts) mesure la puissance et la quantité d'énergie délivrée. La capacité moyenne des voitures électriques se situe entre 40 à 60 kWh avec en moyenne 17 kWh pour 100 km. Attention à l'autonomie annoncée ! la Zoé qui était donnée pour 400 km (protocole NEDC), a été revue à 300 Km avec le cycle WLTP. Les modèles hybrides rechargeables (récupération de l’énergie cinétique en phase de décélération) disposent d’un accumulateur de faible capacité qui leur assure quelques dizaines de kilomètres en 100 % électrique.

Le coût de la recharge sur une prise domestique ou une borne publique varie selon le fournisseur, l'opérateur et de l'abonnement souscrit. Prise domestique, on multiplie la consommation par le tarif au kilowattheure du fournisseur d’énergie. Si vous avez deux véhicules, les recharger tous les deux sur une prise 30 ampères (6,6 kW) risque d'être problématique. Les véhicules utilisant un courant continu se doivent d'embarquer un convertisseur CA/CC qui limite la puissance de recharge à environ 7/8 kW. Si cette valeur peut suffire à certains véhicules, elle en bride d'autres sauf à disposer d'un chargeur particulier. Sur les bornes publiques comptez 0,80 € du kWh (Ionity) en charge standard (22 kW) et 1 € le kWh sur les bornes rapides (plus de 50 kWh). La facturation à la durée les bornes rapides et ultra-rapides est calculée à la minute ou par tranches de 10 à 15 minutes, tarifs susceptibles d'évoluer.

Le propriétaire d’une Tesla n'a pu rejoindre sa famille pour le réveillon. Après une quinzaine d'heures de recharge par une température de moins 7 °C, le véhicule affichait seulement une autonomie de 30 kilomètres. En dessous de 0°C la batterie est réchauffée et perd 10 à 40 % de son autonomie selon l’intensité du froid, en dessous un niveau de charge d'environ 20 %, la batterie risque de débiter insuffisamment de courant. Toujours veiller à être dans la fourchette 20 - 80 % de charge.

Les batteries lithium fer phosphate affichent une autonomie de 800 km, celles fer-nickel à haute teneur en manganèse (H-LMFP) 900 km, et les batteries nickel manganèse cobalt (NMC) 1.000 kilomètres. Le constructeur chinois Dongfeng qui a présenté l’Aeolus 70 équipé d’une batterie semi-solide offrant une autonomie de 1.000 km, propose de renouer avec le principe des relais postes permettant non pas l'échange de montures, mais celui de la batterie en 5 minutes chrono... La société EVE Lithium Energy promet pour 2023, la possibilité de recharger à 100 % en neuf minutes.

Les spectateurs ne sont plus près de revoir des Austin Mini Cooper (698 kg) circuler sur le toit du CNIT, scène culte du film L'or se barre (1969). Le poids du modèle électrique a doublé (1440 kg). Les batteries soulèvent de nombreuses questions. Les voitures hybrides rechargeables dont le PTV dépasse 1.800 kg offrant une autonomie en mode zéro émission inférieure à cinquante kilomètres (catégorie M1 et N1) devront s’acquitter d'un malus de 10 euros par kilo supplémentaire (6.660 euros pour un Ford Explorer). Les propriétaires d'une voiture supérieure à 1.800 kg stationnant dans la ville de Tübingen (Bade-Wurtemberg) devront s’acquitter d'un forfait annuel de 180 euros... Selon l'étude de la British Parking Association, 6.000 anciens parkings à étages pourraient ne pas supporter le poids des VE. En France, la norme NF.P.06-001 fixe la charge des dalles des garages à 250 Kg/m2. La Tesla (Model 3) a une masse de 2.124 kg et la Volvo EX90 de 2.900 kg ! Autre risque occulté, le 15 novembre 2022, les pompiers de Morris (Pennsylvanie) appelés pour combattre l'incendie d'une VE ont dû déverser 45.500 litres d'eau pour venir à bout du sinistre (soit vingt fois plus d'eau que pour un véhicule thermique) ! Imaginez le désastre dans un garage jouxtant une maison individuelle ou le parking souterrain d'une copropriété !

Plusieurs pays européens remettent en cause l’interdiction de vendre des voitures thermiques en 2035. Le véhicule électrique vêtu d'atours écologiques est le précurseur de la voiture autonome (sans conducteur) et de la consécration de l'IA et des big data très énergivores. Selon le PdG d'Intel : « Un véhicule autonome pourrait générer et consommer près de 40 téraoctets (10 puissance 12) en huit heures de conduite » ! Renault a signé avec Google, Toyota avec Amazone, Wolkwagen avec Microsoft, Nissan avec Apple, et Airbnb, Tesla, Uber lorgnent vers ce nouveau marché et la capitalisation boursière. Des remarques, des corrections ou précisions ?

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