A quand la médecine quantique ?

par Bernard Dugué
mardi 26 juillet 2016

La nature est régie par deux physiques, l’une dite classique, héritée de Galilée et Newton ; l’autre dite quantique, hérité de Planck et de jeunes physiciens des années 1920. La plupart des scientifiques pensent que la physique classique est celle qui gouverne notre monde, avec les objets, forces et règles mécaniques, alors que la physique quantique gouverne le monde extrêmement petit. Ainsi, il existe un « monde grand » avec des lois et un monde petit avec d’autres lois. Or, si on découpe le « monde grand », on obtient des petites parties qui obéissent aux règles quantiques. Comment alors concevoir le fait qu’à l’échelle du monde grand, les règles du monde petit disparaissent alors que le monde grand est constitué d’éléments observés dans le monde petit ? Les physiciens n’ont pas résolu la question, y compris avec les artifices épistémologiques comme la décohérence.

Cette étrange situation nous ferait douter de l’existence de ce monde quantique. Mais ce serait sans compter avec les réalisations technologiques dont le succès repose sur les règles du monde quantique. Prenez le laser, les microprocesseurs et plus récemment, les disques durs basés sur l’électronique de spin ; toutes ces inventions n’auraient pas été possibles si la matière n’était pas gouvernée par quelques règles fondamentales découvertes par la physique quantique. Si la physique classique permet de produire des objets mécaniques (les moteurs à explosion, électriques, les satellites placés en orbite), la physique quantique permet de fabriquer en passe les « objets du numérique ».

Qu’en est-il de la biologie et de la médecine ? Les sciences du vivant ont été basées sur l’observation jusqu’à l’époque de Pasteur et Claude Bernard, puis ont effectué un virage décisif en utilisant une science de la matière qui a pour objets les atomes et les molécules. C’est la chimie, science des mécanismes moléculaires. La génétique a secondé la chimie pour expliquer les mécanismes cellulaires du vivant et la construction naturelle des organismes à partir d’un génome. C’est la chimie qui a produit le plus d’applications techniques en matière de médecine avec les centaines de molécules figurant dans la pharmacopée standard. La génétique a certes permis la fabrication d’OGM mais elle n’a pas eu un impact déterminant dans le domaine de la thérapie génique. Avec un recul de deux décennies et des centaines de milliards d’euros investis, on peut affirmer que la médecine génétique est un échec. La science sait découper les gènes et les manipuler mais elle ne parvient pas à transformer ces opérations en terme de traitement pour guérir ou même soigner les maladies dites incurables. La médecine moderne a-t-elle une marge pour progresser ?

Si une médecine quantique doit voir le jour, elle découlera d’une science plus fondamentale. La médecine quantique sera à la biologie quantique ce que les technologies numériques sont à la physique quantique. Cette remarque permet de prendre un recul critique face à des thérapies alternatives ayant quelque connivence avec l’ésotérisme et l’irrationnel. Le fait d’accoler quelque notions émanées de la physique quantique à des méthodes globales et improvisées ne garantit pas qu’on se situe dans le champ d’une thérapie quantique, ni même dans le champ thérapeutique. Pourtant, ces expériences sont peut-être prometteuses mais elles sont livrées à l’amateurisme. Finalement, ces méthodes pourraient marcher mais dans les rares cas où ça marche, on ne sait pas pourquoi. A l’inverse, la chimiothérapie ne marche pas en général mais on sait pourquoi.

Il existe une zone d’ignorance scientifique qui se situe dans l’intervalle séparant la biologie mécanistes et une biologie conçue avec les éléments de la physique quantique auxquels j’ajoute la gravité quantique, car la physique quantique ne sert à rien si elle n’est pas insérée dans une conception globale, celle qui est responsable du cosmos et de la nature avec les phases de la matière et la phase vivante. Un immense défi est à relever si les instances de la recherche publique décident d’y mettre des moyens et sous réserve que des scientifiques brillants, ouverts, audacieux, se mettent sur cette affaire en n’ayant pas peur de risquer leur carrière. C’est comme dans les siècles anciens. Les innovations scientifiques ont été faites par des gens intelligents, capables de sortir des cadres et dont la vertu première était le courage.

De grandes découvertes sont possibles. Il y a un siècle, personne n’aurait imaginé l’avènement du numérique. En 2016, bien peu osent imaginer une nouvelle médecine quantique avec des bases sérieuses. Dans d’autres pays, les institutions sont plus audacieuses. Si vous êtes intéressés par le sujet, allez sur un moteur de recherche. Des centaines de publications sont accessibles mais pas toutes pertinentes. Je ne vous livre qu’un lien vers un papier dans Nature, ce qui vous convaincra peut-être que la biologie quantique n’est pas une lubie se pratiquant dans les cercles ésotéristes.

http://www.nature.com/nphys/journal/v9/n1/full/nphys2474.html


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