Antarctique à la base

par L’enfoiré
vendredi 12 janvier 2007

« Princess Elisabeth », la base polaire, est en bonne route. Dès février 2008, elle accueillera des chercheurs belges.

Après une absence de trente-neuf ans, les Belges ont reçu leur ticket de retour pour l’Antarctique. La Fondation polaire internationale a terminé les plans de la base sur l’éperon rocheux Utsteinen face aux montagnes Sor Rondane, pas loin de l’ancienne station belge Roi Baudouin fermée depuis 1967.

Début juin 2006, l’explorateur Alain Hubert n’était pas peu fier de montrer à la presse la maquette de sa base polaire et d’avoir mené son ambitieux projet à l’ébauche de sa réalisation. La Belgique reste un des douze pays signataires du Traité antarctique de 1959 à avoir apporté sa contribution à la recherche d’une réponse aux problèmes liés à l’avenir de notre planète et au réchauffement de celle-ci, ce n’est certes pas à dédaigner. La remontée dans le temps avec l’analyse des carottes provenant des forages a déjà permis de lier le réchauffement de la planète, l’augmentation de la concentration en CO2 dans l’atmosphère et l’effet des rayonnements cosmiques. Sans cette donnée, nous n’en serions certainement pas aussi loin dans la connaissance de ces problèmes dont on sait l’existence, mais pas l’ampleur réelle. La réduction de notre consommation énergétique sera probablement la conclusion de l’enquête qui se prépare. L’obligation de changer les comportements humains sera à la clé, c’est certain. Les énergies renouvelables recevront un « bon pour » de plus. Sensibiliser le grand public à ces questions majeures ne sera pas une mince affaire.

Car les scientifiques ne cessent de le clamer : le climat se réchauffe et un nombre de mètres cubes non négligeables fondent aux pôles tous les ans et le processus s’accélère.

La station a été d’abord prémontée à Bruxelles. Elle sera ensuite installée en Antarctique. Bien isolée - 100% à l’énergie renouvelable - à 200 kilomètres des côtes et à 1600 mètres d’altitude dans le blanc à l’infini. Elle trouvera son énergie avec des panneaux solaires thermiques et prouvera par là-même que c’est parfaitement possible. Six éoliennes compléteront l’ensemble avec malheureusement une obligation d’avoir recours à une génératrice de secours alimentée en fuel. Douze personnes seront chargées de l’opération sur place. La climatologie et la glaciologie sont les deux sciences qui verront un intérêt majeur dans la station. L’étude des météorites sera aussi au programme. Les oiseaux qui nidifient sur la calotte glacière ne seront pas oubliés dans l’observation en continu. L’Antarctique est un environnement tout à fait particulier à l’écart de toute présence humaine avec une température permanente inférieure à 0°C. L’Arctique, lui, est un océan en mouvement, donc aux effets différents.

Départ de la première installation le 27 octobre 2007, à partir d’Oslo. Septante jours de voyage assurés par la Fondation polaire internationale pour le transport logistique. Tout devra avoir été prévu. Pas de magasin dans les environs. Jusqu’à Cap Town pour charger d’autres équipements et la nourriture et puis les 200 km restants à 4-5 à l’heure avec tracteurs et immenses traîneaux. La question reste de savoir si le bateau va pouvoir accoster, et où. Fin 2007, en moins de quatre mois, montage de la base. Il n’est pas question de perdre du temps en Antarctique. L’esprit d’aventure subsiste toujours.

De février à juin, 4300 kilomètres de glaces sont au menu d’une autre expédition entre la Sibérie et le Groenland.

Le projet pourrait créer une nouvelle motivation des jeunes aux questions scientifiques, ce qui n’est pas non plus à négliger.

Alain Hubert, cet aventurier moderne, est un témoin privilégié de l’évolution du monde. A l’âge de quinze ans déjà, la montagne le fascinait. Réaliser son rêve et, ainsi, aller voir l’autre côté de la montagne et du miroir ont été ses ambitions par la suite. Rompre son statut de solitaire un peu égoïste a été son premier souci dans la communication avec les sponsors et les partenaires financiers sollicités pour l’épauler. Parcourir des milliers de kilomètres sur la calotte glaciaire, cela ne se fait pas sans biscuits. Etre aventurier, aujourd’hui, cela a une connotation très peu positive, et très peu responsable dans l’esprit de la "famille" en général. Comme beaucoup d’explorateurs qui l’ont précédé au cours des siècles, trouver de nouvelles terres, est devenu utopique. Alors, il faut rêver. Si "terra incognita" fait partie du passé, son "ego" : regarder en soi, reconnaître sa situation d’homme et découvrir les risques d’écorner les belles images de paysages qu’il traverse par l’ignorance de ses contemporains restent un besoin vital pour un homme tel que lui.

Car le temps passe très vite. L’augmentation exponentielle du CO2 dans l’atmosphère ronge nos écosystèmes. Même 2006 aura vu le rétrécissement des glaces de manière évolutive. Réagir et renverser le processus est, paraît-il, encore possible. Sinon, faudra-t-il compter à l’avenir une année sur trois de canicule dans nos contrées tempérées et une sur deux dans peu de temps ?

Nos conditionnements d’air ne font qu’accentuer le problème en recréant du CO2. Les mers qui s’élèvent plus haut forcent les populations des surfaces basses habitables à remonter quand c’est possible sur les hauteurs, ou à partir vers des endroits moins exposés aux dégâts des eaux.

Dans le cadre de l’année polaire 2006-2007, le "Polar Stern", brise-glace allemand de recherches, est aussi en route pour l’Antarctique. De plus de 150 mètres, avec dispositifs antiroulis, nécessaire pour des mers agitées, deux hélicoptères, caméra de fond, ce bateau est le plus équipé en Europe. A son bord, tous le matériel high-tech, 47 scientifiques de haut niveau d’une douzaine de nationalités qui vont tenter d’étudier, pendant deux ans, des espèces sur les fonds marins rendues accessibles par ... la fonte des glaces. L’occasion ferait-elle donc le larron ? Des zones glaciaires, effondrées, découvertes par la fonte, peuvent devenir une source de nourriture à base de plancton pour une communauté d’animaux et par conséquence, pour les populations avoisinantes. Un grand programme international de recensement de la diversité marine est planifié sur une dizaine d’années et a pour nom "Antarctic Marine Life" après la précédente expédition en 1957-1958. La Société Cousteau participe. Seront étudiés, par les Belges, les crustacés antipodes assimilés au puces de mer et les animaux plus petits qu’un millimètre, les Nematodes (groupe de vers). Quand on sait que 5 à 50% des espèces trouvées sont nouvelles, ce n’est pas perdu.

Sommes-nous condamnés à reprendre notre bâton de pélerin et à recommencer le nomadisme de nos ancêtres si on ne prend pas garde et si des expéditions ne nous ramènent pas des confirmations à nos soucis bien lointains d’écologie ?

Ce serait un retour à la pureté en espérant y retrouver un peu de sagesse pour sauver le monde.

Comme Alain Hubert le disait : On n’investit que dans une société que l’on rêve. Le rêve est important, c’est un moteur.

Merci, Hubert, comme je l’avais déjà dit en 2006 : "Faites-nous rêver !" ; où serions-nous sans le rêve ?

L’enfoiré,

Un autre article AgoraVox sur le sujet "2007 : année polaire internationale".

Citations :

Glace : matière à réflexion. Léo Campion
L’avenir est un miroir sans glace. Xavier Forneret
Quand je mange des glaces, cela me fait réfléchir. Louis Auguste Commerson
La vie, c’est comme un cône glacé ; il faut savourer chaque bouchée. Charles Monroe Schultz
Dans une maison où il y a un coeur dur, n’y a-t-il pas toujours un vent glacé ? Oscar Wilde


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