Archos : le nain français qui défie le géant Apple

par Lionel Kaplan
lundi 15 mai 2006

Peu de temps après avoir présenté l’AV 700 TV, un baladeur de 40Go capable de regarder et d’enregistrer la TNT en toutes circonstances, Archos a - avec succès - lancé une augmentation de capital jeudi 11 mai 2006. Société méconnue du grand public, Archos fut pourtant l’un des précurseurs du marché des baladeurs MP3.

Le chef de produit présente consciencieusement les baladeurs MP3 de sa marque. Deux journalistes sont présents. L’un provient d’un grand périodique informatique, l’autre est plutôt spécialisé dans la photo numérique. L’attaque, cinglante, viendra de ce dernier : « Mais pourquoi n’entend-on jamais parler de vous ? Vos produits sont intéressants pour les photographes, mais ils ne les connaissent pas ».

Nous sommes en septembre 2005, et le déficit de notoriété d’Archos ne concerne pas que l’univers des photographes. Nombreux sont les fans qui déplorent, sur les blogs et les forums, le manque de communication d’Archos. Depuis, la société a diffusé de nombreux efforts : sponsoring de films, opérations de promotion inspirées de celles de l’Apple Store, marketing viral (c’est-à-dire s’appuyant essentiellement sur le bouche à oreille) mais aussi et surtout signature de nombreux partenariats, à l’image de ceux avec Allociné, Canal Satellite ou encore avec l’opérateur satellite américain EchoStar, qui a pris, il y a deux ans, des parts dans le capital de la société française.

Archos revient de loin. En 2004, la société, qui avait lancé, deux ans avant Apple, l’un des tout premiers baladeurs MP3, était au bord de la faillite. Son action était passée sous la barre de l’euro dans le courant de l’été, et ses derniers modèles de baladeurs, les Gmini 120 et Gmini 220 n’avaient pas conquis le public. Il faut dire que le design n’a jamais été le point fort d’Archos, qui doit, en matière de baladeurs MP3, rivaliser avec l’iPod, dont le style est inimitable. Alors, plutôt que de courir après la société de Steve Jobs, comme le font certains autres concurrents, Archos s’est spécialisée dans les baladeurs multimédia. Audio, photo, vidéo : désormais toute votre vie numérique se retrouve dans la poche ! La « Pocket Entertainment Generation » (PEG) est née quelques années auparavant, en 2002, soit un an après l’apparition de l’iPod. Cette année-là, Archos sort le « Jukebox Multimédia », un baladeur au style lourdingue et doté d’un minuscule écran LCD. Hormis les geeks(1) et autres fous de technologies, ce gadget ne va pas fasciner grand monde. Certes, c’est la première fois qu’un objet de cette taille, et de surcroît contenant un disque dur, peut jouer des vidéos, mais la prouesse technologique est masquée par le design « soviétique », la lourdeur et le manque de fiabilité de l’appareil.

C’est d’ailleurs l’un des défis que doit relever Archos à la fin 2004 : reconquérir les geeks et les early-adopters (2), dégoûtés par la fiabilité déplorable de ces baladeurs fabriqués en Chine. L’arrivée du Gmini 400, un baladeur multimédia de la taille de l’iPod, avec un écran LCD de taille décente quoiqu’encore assez petite, et d’un lecteur de cartes mémoire pour pouvoir décharger les photos, va changer la donne. Le petit dernier de la marque, déjà séduisant par ses fonctionnalités, sera aux dires des internautes bien plus fiable que ses prédécesseurs. Confortée par l’arrivée d’EchoStar dans son capital, Archos multiplie les lancements, persuadée d’avoir trouvé le bon filon : AV400, Gmini 500, Gmini 402, AV500... autant de nouveaux baladeurs multimédia dont certains peuvent même enregistrer la télévision. Mieux, l’AV400, qui succède à l’AV300, sera le premier modèle à être programmable, comme un magnétoscope. En outre, il dispose d’une fonctionnalité unique : il peut zapper automatiquement sur la chaîne à enregistrer en commandant le décodeur satellite, câble ou ADSL. Cette caractéristique se retrouvera désormais dans toute la série des AV.

Mais ce que certains analystes craignaient pour Apple risque bien de se produire pour Archos. Entre-temps, des marques comme Nokia, SonyEricsson ou Samsung lancent des mobiles avec lecture audio, photo et vidéo intégrée. Les modèles les plus récents comportent de petits disques durs. La concurrence pourra donc bien provenir de l’univers du GSM, d’autant qu’en France, si l’on en croit le magazine Challenges, SFR aurait déjà conquis 17% du marché de la musique en ligne. Et avec la 3G ou le DVB-H (3), le danger touche aussi le secteur de la vidéo. Demain, il suffira d’avoir une envie de Parrain ou de Friends pour le visualiser sur son téléphone mobile pendant l’attente chez le dentiste. Henri Crohas , PDG d’Archos, est persuadé que demain nous aurons tous deux terminaux dans la poche : le mobile et le baladeur. Il se peut bien que sur ce point sa prophétie ne se réalise pas. La technologie aidant, la fusion mobile/baladeur semble, à terme, inéluctable.

(1) passionnés de technologies (2) acheteurs de la première heure (3) systèmes de transmission d’émissions TV sur les terminaux mobiles


Lire l'article complet, et les commentaires