Bientôt une révolution en biologie

par Bernard Dugué
mardi 10 février 2015

Nous vivons une période incertaine, autant dans le domaine social et politique que dans le champ des connaissances. Temps des fractures, des affrontements, des indécisions, des démissions et des révolutions. Peu en sont convaincus mais la physique en crise aboutira vers une révolution dans la manière de voir et concevoir la matière et le cosmos. Cette révolution se propagera dans le domaine de la physique statistique. Avec une conception du temps créateur encore plus audacieuse que celle discutée dans l’un des rares ouvrages importants de la fin 20ème siècle, la fin des certitudes de Prigogine, publié en 1996. La biologie n’échappera pas à cette révolution. Encore faut-il définir ce qu’est une révolution, pourquoi elle advient et en vue de quoi. En vérité, une révolution des connaissances repose sur un état accompli des savoirs et sur un mélange subtil et difficile à analyser de contradictions et d’insatisfactions dans les explications avec un désir de connaître et d’élaborer une nouvelle conception des choses étudiées et observées.

Le cas de la physique est souvent instructif. La situation actuelle reste indécise. Le grand défi étant de concilier gravité et monde quantique. Deux voies ont été suivies par la majorité des cosmologistes. La théorie des cordes et la gravitation à boucle. Aucune n’est en mesure d’aboutir vers une conception complète et satisfaisante. Dans le domaine des boucles, deux des pères fondateurs, Lee Smolin et Carlo Rovelli, s’affrontent en proposant des idées opposées sur le temps. Il n’y a pas de synthèse possible. Cette contradiction conduit à une alternative au sein de laquelle une option va l’emporter, mais pourquoi pas une troisième voie. C’est ce que j’ai suggéré en développant la cosmonadologie quantique. Une révolution se présente alors non pas comme une partie qui l’emporte contre une autre mais une émergence de quelque chose qui n’existait pas auparavant. D’autres contradictions sont en vue en physique, notamment dans le champ de l’algorithmique et de la possibilité de rendre compatible le monde quantique et le monde classique (même sans la gravité). Turing ou computer quantique ? Et l’équation de Schrödinger, computable ou pas ? Méditez, vous qui êtes savants !

Dans le champ de la biologie et l’évolution, on trouve une configuration critique avec une série d’alternatives portant sur la compréhension des systèmes biologiques et sur les explications de l’évolution. La biologie réductionniste est opposée à une biologie holiste faisant intervenir des termes d’échange et d’émergence avec également des lois physiques additionnelles. La théorie de l’évolution laisse insatisfait quelques uns. Face au modèle standard, une théorie de l’évolution étendue est envisagée et discutée lors de controverses dans les revues. Alors que depuis un demi-siècle, ce modèle standard est jugé insatisfaisant par des savants ayant entrepris une démarche critique relevant de la philosophie de la nature tout en cherchant les ressorts de l’évolution. Les options sont nombreuses et diversifiées. Le consensus apparent de la communauté ne doit pas induire en erreur. L’évolution est en crise !

La biologie en crise aboutira certainement à une révolution. Le pivotement des savoirs se fera avec l’appui de la physique nouvelle mais aussi avec les contradictions internes propres à la conception standard du vivant, sans oublier les failles dans l’évolution et les questions de sens lié à l’interprétation du vivant. Ni hasard, ni création mais un long processus joué par des coup de dés de plus en plus éclairés et insérés au sein de systèmes complexe résultant des flèches du temps qui complexifient et de l’épreuve sur le terrain qu’on appelle sélection naturelle. Avez-vous remarqué, j’ai évoqué Les flèches et pas La flèche du temps ?

La question n’est pas de savoir si la révolution aura lieu mais quand elle se produira. Etant entendu qu’une révolution est un phénomène collectif ce qui suppose qu’un nombre suffisant de savants adhèrent aux nouveaux concepts présidant à l’élaboration de cette biologie du 21ème siècle. Deux choses à noter. D’abord la configuration spéciale du champ de recherche en biologie avec des pratiques conçue comme une forme de jeu avec le vivant et les molécules. Ce jeu peut produire indéfiniment des résultats en combinant les objets moléculaires et cellulaires, les équipes, les appareillages, les calculs. Un jeu qui peut se poursuivre sans qu’il soit nécessaire de connaître le fonctionnement « intime » du vivant. Car ce jeu est suffisant pour alimenter les revues spécialisées et les communications dans les congrès. Ensuite une question de bon sens. Que peut apporter une nouvelle compréhension du vivant ? Pour en avoir une idée, il suffit de suivre le cheminement des sciences physiques. La relativité générale d’Einstein repose essentiellement sur une nouvelle manière de concevoir et comprendre l’étendue du cosmos. Grâce à cette vision assortie d’équations, les physiciens ont pu réfléchir aux origines de l’univers. La vision quantique de la matière a permis également des avancées, encore plus considérables. Il faut être privé de raison pour ne pas comprendre qu’une nouvelle conception du vivant peut ouvrir vers des avancées insoupçonnables actuellement dans le cadre des conceptions mécanistes et/ou réductionnistes.

Pour plus d’infos, le lecteur pourra se tourner vers quelques articles publiés sur mon blog ainsi que consulter mon livre publié au Temps présent, le sacre du vivant. Je parle évidemment aux esprits curieux et aventureux. L’essentiel étant d’être en communication avec sa famille de pensée. L’aventure des connaissances va être passionnante. Puissiez-vous partager cet enthousiasme. Et le propager !


Lire l'article complet, et les commentaires