C’est quoi le problème avec Facebook ?

par Silvio QERROUEC
jeudi 13 mai 2010

La plupart des gens ne voient pas ce qui peut poser problème lorsqu’ils donnent un avis ou une info personnelle sur Internet. Et c’est relativement justifié. A l’échelle de l’individu, hormis quelques dérapages possibles, c’est vrai qu’il n’y a pas grand chose à dire. Globalement ça se passe plutôt bien. On constate par exemple que les attaques contre Facebook tombent souvent à l’eau lorsqu’elles se positionnent sur l’argument "Facebook est dangereux pour vous ou votre vie privée". Tous les jours, c’est l’inverse que les utilisateurs constatent (même si tous les jours c’est l’inverse qu’ils entendent). Pourquoi un tel décalage ?
 
Le problème ne se situe pas au niveau de l’individu, mais au niveau la masse d’individus. C’est la première nouveauté : la masse. Tout le monde sera d’accord pour dire que l’on se contre fiche de savoir qu’un individu aime tel bouquin. Par contre, cela devient intéressant lorsque mille individus aiment ce même bouquin. Une fois que l’on détecte un mouvement de masse, il devient intéressant de savoir qui compose cette masse. On peut donc classer les individus dans des groupes et voir avec quels groupes ils sont plus ou moins proches. On peut voir des mouvements de masse (artistiques, philosophiques, politiques, etc) grossir ou disparaitre. On peut donc observer, mais surtout, on peut essayer d’interférer sur ces mouvements de masses. La science de la communication est pleine d’outils qui ne demandent qu’à être expérimentés (le plus vieux étant la désinformation). En somme, le problème n’est pas l’information elle-même, mais ce que l’on peut en déduire et en faire. La divulgation d’infos personnelles ne serait donc pas problématique pour l’individu, mais pour la masse (composée d’individus). Au final l’individu a un contrôle tout à fait relatif sur les informations personnelles qu’il divulgue. Car il ne peut pas savoir à l’avance l’impact et l’intérêt que peut avoir cette information.
 
A l’échelle de l’individu, les sites comme 123people montrent déjà ce qu’il est possible de trouver sur Internet. Vous tapez le nom d’une personne et le site vous sort toutes les pages web où son nom est mentionné. Les informations sont "récoltées à la volée" sur Internet. C’est d’ailleurs comme ça que le site se décharge de toute responsabilité. Il ne stocke rien. Le même principe existe avec les portraits avec le site Facesearch. Des exemples comme ceux-ci, on en trouve plein.
 
Sur le plan strictement technique, il est possible d’aller plus loin. On peut finement identifier les individus et savoir à quels groupes ou catégories de personnes ils appartiennent. En réalité cela n’est pas vraiment nouveau. Les journaux peuvent également fournir ce genre d’information. Cela nous amène à l’autre nouveauté : le support. Internet permet de faire une cartographie à un instant T de la masse. Il est possible de suivre l’évolution de la masse de manière automatisée et en direct. Les supports traditionnels (journaux, tv, etc.) ne permettent pas ça. Le site archive.org illustre bien la possibilité de stocker le contenu du web. Ce que vous mettez sur Internet pourra y figurer éternellement. Sur le plan individuel, cela pose un autre problème. Ce que vous êtes aujourd’hui ne correspond pas nécessairement à ce qu’Internet a retenu de vous en dernier. Il est parfois difficile de revenir sur un commentaire posté il y a quelques mois ou quelques années. Le plus souvent on oublie simplement qu’on avait écrit sur tel ou tel site, sans parler du fameux mot de passe oublié. 
 
L’idée n’est pas de dire "Attention big brother nous surveille !". Il faut nuancer mais quand même avoir à l’esprit que certains outils sont relativement faciles à mettre en oeuvre. Bien entendu, l’intérêt n’est pas forcément de nuire. On peut y trouver des intérêts commerciaux et industriels mais également politiques et sécuritaires. Le bien fondé de leur utilisation est avant tout une question de point de vue. Et puis encore une fois ce n’est pas vraiment nouveau. Tout le monde connaît le marketing ciblé, les études de marché, les sondages, les pétitions ou les fichiers "d’état" (ex : sécurité sociale). Cela fait des années que les individus savent que leurs données personnelles sont utilisées par des tiers. C’est généralement accepté (certainement parce que c’est réglementé).

Cela nous amène à la dernière nouveauté : le changement d’échelle. La tendance est à l’information disponible au plus grand nombre. Cela est également lié au support. Sur Internet tout le monde (au sens propre) peut être à la fois acteur et spectateur. Autrement dit, ce qui était auparavant à la portée de quelques organisations devient à la portée de n’importe qui.
En somme, pour tout résumer en une phrase, n’importe qui peut faire n’importe quoi (avec facilité en en masse) avec l’information dont il dispose. 

Il est incontestable qu’Internet est une réelle avancée technique qui nous ouvre une immensité de possibilités. 
Avec Internet tout le monde est libre, voire ultra-libre sur certains aspects. 
 
Mais Internet ne doit-il pas avoir d’autres limites ? La réponse appartient à chacun d’entre nous.
 
Note : Je n’ai pas voulu rentrer dans le commentaire de fait divers comme cette dernière bagarre ayant eu lieu à Rochefort (soi-disant) à cause de Facebook. Certains médias en feront certainement leur gros titres. Néanmoins, les faits divers divisent souvent l’opinion et ne favorisent pas l’échange d’idées. Prudence et relisez ce que j’écris sur la masse. ;-)
 
 

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