C’est quoi un OS ? Windows Vista sans virus, et un pan industriel s’effondre
par Jean-Claude Vignoli
mardi 26 décembre 2006
Windows Vista sort prochainement pour les particuliers, il est déjà sorti pour les entreprises. Windows Vista est le software pour lequel le PDG de Microsoft, Steve Ballmer, déclare sans rougir se préparer à dépenser des sommes colossales en publicité. Oui, mais Windows Vista, c’est avant tout le système d’exploitation (OS, pour operating system) qui va équiper tous les prochains ordinateurs achetés dans tous les supermarchés.
Mais c’est quoi, exactement, un système d’exploitation ? Y a-t-il une définition précise ? Ok, c’est Windows, Linux, Mac, mais ça, ce sont les exemples. Mais peut-on le définir autrement que par l’exemple, parce que sinon, ça ne vaut rien.... Windows Vista va sortir pour les particuliers, avec un système de firewall plus élaboré, des protections anti-spyware, etc. Et voilà que les développeurs de logiciels annexes à Windows (McAfee, Kaspersky, mais il y en a beaucoup, c’est toute une niche économique) se plaignent du monopole Microsoft. J’ai d’abord été tenté de crier avec les loups, et d’un seul coup, j’ai réalisé qu’accepter leurs arguments, c’est accepter qu’un OS doive avoir des failles de sécurité, accepter les spywares, ne pas avoir de firewall... ce qui, on peut le noter avec humour, enlèverait à GNU/Linux la qualité d’OS, puisque les différentes distributions embarquent par défaut toutes ces qualités.
Si sur la "vente liée" (on vend l’OS directement avec l’ordinateur, ce qui permet à l’acheteur de ne pas se préoccuper d’installer un OS, mais étouffe toute concurrence), on peut critiquer la position monopolistique de Microsoft, lorsqu’on s’avance sur le terrain des outils informatiques liés au système d’exploitation, il faut avouer que la frontière entre ce qui est OS et ce qui ne l’est pas est ténue. Et pourtant, c’est sur cette frontière qu’il faut se pencher avant tout.
Les différentes distributions de GNU/Linux incluent par défaut des navigateurs Web, des navigateurs PC, des logiciels de comptabilité, de rédaction, des dictionnaires, etc. Et personne ne s’en plaint ; c’est probablement peut-être parce que c’est gratuit, mais c’est aussi peut-être parce que ce sont des outils essentiels, indispensables à toute personne souhaitant exploiter son ordinateur. Un ordinateur sans traitement de texte ? Qui pourrait en vouloir ? Windows Vista, sans MS-Office, semble dès lors un OS incomplet. Et poursuivant toujours cette logique, il est nécessaire d’inclure autant de logiciels que possible, pour se rapprocher au maximum d’une couche logicielle à l’ordinateur qui lui permettrait d’être pleinement utilisé.
Kaspersky et Lavasoft - respectivement antivirus et antispyware - doivent-ils faire partie de ce wagon d’entreprises numériques appelées à disparaître ? Si toute le monde se mettait à Linux, certainement. Mais Vista aurait déjà fait l’objet de certaines attaques virales et autres joyeusetés, il semblerait donc que l’avenir de ce type de service ne soit pas - encore - en péril. Mais s’il l’était, les consommateurs auraient-ils vraiment le droit de se plaindre ? Est-ce le rôle des associations de consommateurs que de militer pour la promotion des trous de sécurité sur les OS ?
Continuons encore un peu : Firefox a-t-il dès lors vraiment une raison d’exister ? Est-ce qu’après tout, la fonction *principale* d’un ordinateur (en sus du traitement de texte) n’est pas de surfer, de nos jours ? Un navigateur Internet devrait par conséquent être implémenté par défaut sur tout système d’exploitation qui se respecte. Peut-on imaginer un ordinateur sans logiciel pour explorer ses disques durs, et gérer ses fichiers ? Évidemment que non. Alors est-ce vraiment plus normal de ne pas avoir par défaut un navigateur Internet ?
Je n’appelle pas de mes voeux la disparition de Firefox, ni d’aucun autre logiciel libre. Depuis que je suis passé moi-même au libre (Ubuntu), j’ai l’occasion de tester des dizaines de logiciels, et de garder celui qui me convient le plus. Lorsqu’un me plaît plus qu’un autre, j’essaie de modestement participer à son développement. L’approche est bien différente de ce qu’elle était quand j’étais sous Windows.
Mais peut-être que faire du libre sur Windows, hormis l’aspect propagandiste de l’affaire (aspect qui m’a tout de même personnellement fait venir sur GNU/Linux) est biaisé dès le départ, et que ces éternelles attaques contre Microsoft sur l’abus de monopole sont déplacées. Quand leur OS est perméable aux malwares, c’est Redmond-la-passoire. Lorsque leur OS se sécurise, c’est Redmond-l’abus-de-monopole. Quoi que fasse Microsoft, les voilà embarqués dans tous les imbroglios du monde. Je n’aime pas les monopoles, mais avant de les critiquer, il faut réfléchir sur ce qu’on critique.
Il va falloir suivre prochainement les développements juridiques du contentieux entre Microsoft et l’Union européenne, mais aussi l’accueil qui sera réservé à Windows Vista. Il semble pour le moment que personne ne parle de sérieusement laisser tomber Windows (hormis quelques particuliers soucieux de leur liberté, et le Parti communiste français), et si celui-ci commence à être sécurisé, et empêche les "petites malhonnêtetés", c’est tant mieux.
Quant à moi, je reste fidèle à mes idéaux libertaires, m’interdisant d’installer un OS qui sait quel programme je lance, si j’ai les droits pour le faire, et fonctionne en mode restreint dans le cas contraire. Parfois, j’ai l’impression que si on proposait à la population de mettre une webcam aux toilettes, en lui faisant miroiter qu’elle peut économiser 3,95 euros par mois, tout le monde m’insulterait en m’expliquant que je suis un intégriste idéaliste. Le capitalisme a ceci d’extraordinaire qu’il se fait accepter précisément là où le communisme faisait peur : c’est tout de même incroyable. Mais je suis tout de même satisfait de voir un système plus fiable progressivement se développer.