Chic planètes : la chasse aux fantômes

par Mmarvinbear
lundi 7 juin 2010


 

Deux siècles à peine auront suffi pour révolutionner la vision de l’Humanité sur son Système Solaire. De la découverte fortuite d’Uranus à la révélation de la présence de Pluton, en passant par la démonstration de l’existence de Neptune, ces 200 années auront autant chamboulé l’astronomie que l’acceptation par les esprits de l’héliocentrisme.

Le désir de savoir, de connaître le monde immédiatement extérieur à notre planète a forcé l’Homme à s’équiper du savoir intellectuel, mathématique et théorique exigé pour percer les règles de fonctionnement de la mécanique céleste. Cela est d’autant plus admirable que tout ou presque a été réalisé uniquement à l’aide de cerveaux et de papier.

On ne peut qu’être admiratif de voir que la réflexion, aidée au mieux de bouliers et de crayons, a pu dévoiler tant de règles cachées.

Mais comme pour toute chose, l’esprit humain est loin d’être infaillible. Il aura fallu des décennies d’essais, et presque autant d’erreurs, avant de pouvoir avoir une vision vraiment fidèle des choses.

L’erreur est humaine. C’est d’autant plus vrai que l’esprit peut se laisser entrainer par l’ivresse des découvertes et voir ce qui au final n’existe pas. Il peut aussi inverser cause et conséquence, et il n’est dès lors pas facile de séparer le bon grain de l’ivraie. Il peut au final s’obstiner et, à force, finir par avoir raison, coûte que coûte !

 

 

Vulcain : la forge qui n’existait pas.

Non, il ne sera pas question ici du monde fictif où Monsieur Spock a appris les arcanes de la pensée logique, mais d’une véritable planète dont les astronomes du XIXè siècle ont pendant un long moment cru à son existence.

Longue vie et prospérité...

Tout a commencé avec la définition des lois de Kepler, des lois de Newton et du progrès important réalisé par les lunettes, les télescopes et les horloges.

Avec l’aide de tous ces éléments, il devint facile pour les astronomes de concevoir des tables d’observation prévisionnelles. Ils pouvaient savoir, à tel moment, ou trouver tel ou tel corps du Système Solaire. C’est le décalage des calculs prévisionnels concernant Uranus qui amena les astronomes à postuler l’existence de Neptune. Toutes les autres planètes du Système obéissaient sagement aux lois célestes. Toutes, sauf une. Mercure.

Plus proche planète du Soleil, Mercure est très difficile à observer dans de bonnes conditions. Cela n’a pas découragé les astronomes qui guettaient ses rares transits au travers du disque solaire. Pour cela, ils durent calculer les moments et les trajectoires de son passage. Mais l’expérience montra avec désagréments que Mercure n’obéissait pas aux lois du Système solaire : la planète possédait toujours un décalage avec sa position calculée. Cette précession de son périhélie n’était pas extraordinaire en soi, car ce mouvement, né de l’interaction avec les forces de gravité du Soleil, affecte toutes les planètes avec une force variable. Le différentiel n’était pas énorme ( 43 milliseconde d’arc par siècle), mais cela ne collait pas avec les calculs. L’expérience des astronomes avec Uranus poussa ces derniers à postuler de l’existence d’un corps inconnu, relativement massif, situé plus proche du Soleil que ne l’était Mercure, et qui aurait ainsi perturbé sa trajectoire. Urbain Le Verrier s’intéressa à la question, avant de la mettre sous le boisseau, histoire de consacrer son temps au calcul de la position prévisionnelle de la huitième planète. Sa découverte de Neptune renforça sa position et sa croyance en l’existence d’une planète intra-mercurienne, ce d’autant plus qu’un jeune astronome amateur lui signala le passage d’un corps étrange sur le disque solaire.

 

La précession orbitale du périhélie est le décalage du point le plus proche de l’orbite qu’un corps effectue autour d’un autre.

Pour Le Verrier, la cause était entendue. Il commença à calculer les caractéristiques orbitales de la nouvelle planète qu’il baptisa Vulcain.

A partir des observation recueillies, il arriva à l’existence mathématique d’un corps assez petit, de 2000 kilomètres à peu près, tournant en 19 jours autour du Soleil.

Cette taille était incompatible cependant avec un corps suffisamment massif. Le Verrier ne se démonta pas et il postula l’existence d’une ceinture d’astéroïdes dont Vulcain en serait le fragment le plus massif.

Il restait le plus dur à faire : observer la planète de visu pour en prouver l’existence. Le Verrier et d’autres astronomes profitèrent des éclipses solaires pour tenter de repérer un corps qui ne serait pas une étoile. Mais au fil des années et des éclipses, personne n’aperçut la planète tant attendue. Des astronomes signalèrent des points suspects mais les vérifications prouvèrent qu’ils n’avaient observé que des comètes non répertoriées, ou de simples taches solaires. La chasse intensive se poursuivit longtemps avant que les astronomes ne finissent pas accepter l’idée qu’il n’y avait rien entre le Soleil et Mercure.

Le mystère des 43 millisecondes d’arc d’avance restait entier. Il le demeura jusqu’en 1916, quand Einstein résolut le problème de façon fortuite en sortant sa grande théorie de la Relativité Générale.

La présence d’un corps massif dans l’espace courbe ce dernier sous l’effet de sa masse. Cette courbure affecte l’orbite de tout corps qui tourne autour de l’étoile centrale si la planète est suffisamment proche pour que l’effet en soit mesurable, ce qui est le cas de Mercure. L’application des formules mathématiques de la Relativité Générale explique et démontre le caractère particulier de l’orbite de Mercure.

Vue d’artiste d’un lever de Soleil vu depuis Mercure. Notez la taille du disque solaire et ne venez plus jamais vous plaindre de la canicule en été sur Terre.

L’orbite de Mercure était donc normale, c’était juste que les Hommes n’avaient pas la bonne méthode pour la déterminer avec exactitude.

Phaeton : la planète qui n’a jamais existé.

En 1768, un astronome cherchait depuis des années à savoir s’ il existait une raison mathématique ou géométrique à la répartition des orbites des planètes du Système Solaire. Se rapportant aux orbites observées et élaborant une table, il découvrit cette année là un lien entre tous ces corps : toutes les orbites semblent obéir en effet à une suite géométrico-arithmétique de raison 2.

En clair, en utilisant la formule r = 0,4 + (0,3 * 2 exp n-1) où r est le rayon exprimé en Unité Astronomique et n le rang de la planète, on pouvait déterminer par un calcul simple là ou devaient se trouver toutes les orbites des planètes du Système solaire. C’est la loi de Titius-Bode.

Regardant les résultats, les astronomes réalisèrent que cette loi indiquait une orbite stable pour une planète, entre Mars et Jupiter. Pourtant, aucun autre corps ne semblait y exister. La chasse fut dès lors ouverte pour trouver le corps manquant, ce d’autant plus que la découverte d’Uranus validait cette loi. En février 1801, l’italien Piazzi observa, en cherchant une étoile cataloguée à une mauvaise position, un corps qu’il prit de prime abord pour une comète. Il garda un oeil sur le corps et en Septembre, il en fit l’annonce officielle. A cause de l’opposition du corps avec le Soleil, il fallut attendre trois mois encore avant que les astronomes européens ne valident la découverte de Cérès.

Sa petite taille ( 1000 km environ ) n’empêcha pas son enregistrement au rang de planète.

Un comparatif des tailles de la Terre, de la Lune, et de Cérès. Si après ça il y en a encore qui prétendent que Pluton n’est pas digne d’être une planète...

Ce statut fut cependant rapidement remis en cause par la découverte, l’année suivant, de Pallas. Autre corps orbitant auprès de Cérès, Pallas fut découverte par une équipe qui cherchait en fait à réobserver la nouvelle planète. Les années qui suivirent démontrèrent aux astronomes que loin de porter une planète unique, l’orbite 5 était constellée de minuscules corps célestes. Vesta, puis Junon,

puis encore Astrée, finirent par faire dire aux astronomes que cela commençait à bien faire, qu’ils n’allaient plus savoir quoi inventer comme symboles pour illustrer chaque corps, et que au fond, chaque caillou tournant autour du Soleil ne pouvait pas forcément recevoir le nom de planète, parce que cela commençait à les embêter de devoir refaire les cartes pour y indiquer le moindre gravillon, zut à la fin.

La solution vint de l’observation de ces corps. Il fut rapidement démontré qu’à l’exception de Cérès et de Vesta, tous ces morceaux avaient des formes irrégulières, leur taille n’étant pas suffisante pour que la gravité leur donne une forme sphérique. Il fut dès lors décidé que tous ces corps, y compris Cérès, le plus gros d’entre eux et parfaitement rond, seraient des astéroïdes.

Cérès reprit du grade en 2006 lors de la définition précise du terme « planète », avec la création de la catégorie des « planètes naines » dont Vesta, sphérique pourtant, resta exclue.

Il restait toutefois une question à résoudre. Pourquoi, sur cette foutue 5è orbite, on avait droit à un véritable nuage de morceaux de roche ( le 10 000è fut identifié en 1989, il y en a actuellement un peu plus de 20 000 répertoriés ), alors que partout ailleurs on avait des grosses boules bien faites ?

Certains astronomes imaginèrent tout simplement que l’ on avait sous les yeux les restes d’une vraie grosse 5è planète, qui avait, dans un passé lointain, été pulvérisée par un impact titanesque. La théorie catastrophique séduisit et le corps primordial de la 5è orbite reçut le nom de Phaeton.

Mais au fil du temps, en examinant mieux la ceinture d’astéroïdes, et surtout en apprenant à en estimer la masse totale, les astronomes se rendirent compte de la relative faiblesse du total : même en additionnant le moindre caillou, on n’arrivait au mieux qu’à un corps du quart de la taille et de la masse de la Lune. Une misère, comparée même à Mars. De plus, la relative régularité de la dispersion des fragments n’était guère compatible avec la thèse de l’impact destructeur de planète.

Les astronomes, de plus en plus, penchèrent pour une thèse moins glamour hollywoodiennement parlant. Phaeton n’était pas une planète morte. C’était une planète avortée. Pour une raison floue, les fragments de ce secteur du disque proto-planétaire n’avaient pas pu s’assembler en planète comme partout ailleurs. Etudiant la ceinture plus attentivement, les astronomes remarquèrent l’existence de véritables vides à l’intérieur : les lacunes de Kirkwood, découvertes en 1866.

Ces orbites avaient toutes un point commun : elles étaient en résonance parfaite avec Jupiter.

Titius-Bode. Non seulement depuis on a démontré qu’il avait pompé sa théorie sur d’autres théoriciens plus anciens sans en faire mention, mais en plus on sait qu’elle n’est plus valable après Uranus, et elle n’est plus considérée comme étant une loi fondamentale en astrophysique. C’est bien fait pour lui, tiens !

Le phénomène de résonance ( un corps est en résonance orbitale quand il accomplit une orbite qui est une fraction entière du temps de révolution d’une autre planète. Par exemple, Neptune et Pluton sont en résonance parfaite de type 2/3 : Pluton fait 2 fois le tour du soleil quand Neptune en fait 3 ) fut étudié plus en avant et il fut démontré que Jupiter perturbait fortement la ceinture : la planète, par effet gravitationnel, éjectait hors de leur orbite les corps qui se trouvaient sur certaines orbites, et en confinait d’autres sur des orbites obéissant à des lois géométriques différentes. Il devenait dès lors impossible pour l’ensemble de ces débris de former avec le temps un corps unique.

Perséphone : l’ultime secret des confins ?

Pour des raisons évidentes, les régions les plus lointaines du Système Solaire furent les moins accessibles avant que la technologie ne permette la fabrication de télescopes assez puissants pour pallier à la distance.

Le renfort des sondes planétaires fut apprécié des chercheurs, qui purent remettre en selle la chasse à un corps qui leur échappe encore à ce jour.

Neptune, pour les astronomes du début du XXè siècle, ne se déplaçait pas correctement sur son orbite. La présence d’une planète géante perturbant son orbite fut théorisée et la traque aboutit à la découverte de Pluton, qui était cependant beaucoup trop petit pour jouer le rôle de perturbateur. La sonde Voyager II permit de résoudre l’énigme en démontrant qu’une erreur d’estimation de la masse de Neptune était la cause de la dérive orbitale apparente. Pendant 40 ans, la recherche fut quasiment abandonnée, jusqu’à ce que Sedna soit découverte.

Sedna est un petit planétoïde qui orbite bien au-delà de Pluton, entre 76 et 935 UA ( Pluton est distante de 29 à 49 UA du Soleil, et nous à 1 UA). Comme on le voit, son orbite est très elliptique et ressemble plus à celle d’une comète qu’à celle d’une planète ou d’un astéroïde. Les télescopes ont permis de voir que Sedna fait entre 1200 et 1600 km de diamètre, ce qui la range dans la catégorie des planètes naines.

Il est ici midi sur Sedna. Le point le plus brillant est le Soleil. La température extérieure est de - 270° et le climat devrait rester inchangé pendant les 5 prochains milliards d’années.

C’est cette orbite étrange, couplée avec les premières analyses de composition de sa surface, qui ont permis de montrer que Sedna n’avait rien à faire là : le planétoïde est trop gros pour s’être formé sur place et sa composition démontre qu’il s’agit d’un objet issu de la ceinture de Kuipert ( bornée entre 35 et 55 UA ). Son orbite, de plus, est démontrée comme n’étant pas compatible avec le très long terme : depuis le temps de sa formation, l’orbite de Sedna aurait dû être plus circulaire qu’elle ne l’est actuellement. Pour les astronomes, il y a donc autre chose qui « tire » sur son orbite et la maintient ainsi. D’autant plus que d’autres cailloux de la région possèdent aussi des orbites similaires. Neptune est trop lointaine pour avoir de l’influence. La position de Sedna fut interprétée comme étant la preuve qu’il y avait autre chose dans les parages.

C’est ainsi que le fantôme de Perséphone refit surface.

Cette thèse de la planète hypothétique a d’autant plus de corps que les astronomes ont remarqué que certaines comètes voyaient leur trajectoires déviées lors de leur passage à leur aphélie.

Troisième point en faveur de l’existence de Perséphone : la falaise de Kuipert. A 50 UA du soleil, le nombre d’objets en orbite chute brutalement, à l’image de ce qui se passe dans les lacunes de Kirkwood entre Mars et Jupiter. Cette « falaise » se situe à une orbite en résonance avec une position potentielle de Perséphone, ce qui, si on réalise une analogie avec Kirkwood, causée par Jupiter, est un argument de poids en faveur de l’existence d’un tel corps.

La grande inconnue règne cependant au sujet de cette planète. On ne sait déjà pas avec certitude si elle existe. Si c’est bien le cas, l’analyse des orbites de Sedna et des corps similaires a permis de définir une fourchette de tailles et d’éloignement pour l’objet : cela va entre 1 000 et 8 000 UA d’éloignement, pour une taille oscillante entre celle de la Terre (si elle est située à 1 000 UA du Soleil ) et 5 fois la taille de Jupiter ( pour un éloignement de 8 000 UA ).

Une seule chose est certaine : si ce corps existe bien, il changera sûrement de nom de baptême car il existe déjà un astéroïde du nom de Perséphone. Et on sait combien les astronomes n’aiment pas les risques de confusion... Il se murmure dans ce cas que « Aernus » tient la corde.

Visiblement, l’ UIA n’a rien appris des déboires d’ Uranus...

Certains astronomes vont même plus loin. Pour eux, Perséphone n’est qu’une planète Noire parmi d’autre. Entre la ceinture de Kuipert et le nuage de Oort, il est possible que de tels corps puissent orbiter en nombre sans pouvoir être détectés, faute de moyens suffisants.

Ces planètes Noires seraient soit des planétoïdes, formés aux premiers temps de l’existence du Système Solaire et éjectés par fronde gravitationnelle lors de la grande partie de Billard Cosmique qui a eu lieu lors de l’ Hadéen, soit des astres errant dans l’univers capturés quand la trajectoire stellaire les place à portée. Il n’est pas inconcevable non plus de penser que des planètes Noires soient issues d’autres systèmes stellaires, « échangées » lors de passages d’étoiles à proximité l’une de l’autre.

Pour les astronomes, si de telles planètes étaient effectivement découvertes, cela serait comme la découverte du Graal, et ils feraient à coup sûr des pieds et des mains pour y programmer l’envoi d’une sonde. L’arrivée sur place en 2015 de la sonde New Horizons, partie explorer Pluton, permettra peut-être d’en savoir plus à ce sujet.

New Horizons arrivera aux alentours de Pluton dans 5 ans maintenant. La sonde poursuivra ensuite son voyage dans la ceinture de Kuipert.

Anti-Terre : le mythe au logis.

De tous les corps hypothétiques, l’ Anti-Terre est le plus ancien qui ait été conjecturé. Dès l’ Antiquité, les penseurs grec ont émis la thèse de l’existence d’un monde situé de l’autre coté du Soleil. Il n’y avait aucune raison pratique de penser cela. Cependant, les lois de l’harmonie faisaient penser à ces derniers que pour une question de symétrie et d’équilibre, un tel monde se devait sans doute d’exister. Mais sa position théorique en faisait un objet à jamais inaccessible au regard de l’Homme. Seuls des romanciers et des poètes pouvaient s’y rendre ou y placer leurs intrigues. Les exemples les plus parlant étant la série BD « Les cités obscures » ou bien encore le film « Danger, planète inconnue ».

Le mythe de cette contrée mystérieuse prit du plomb dans l’aile au XVIIè siècle quand Kepler énonça les trois lois qui définissent les orbites des planètes qui tournent autour du Soleil.

Kepler et les autres grands astronomes de cette époque ont en effet prouvé que les planètes ne parcouraient pas des cercles autour du soleil, mais des ellipses. Il s’ensuivait que leur vitesse orbitale variait selon que la planète était proche ou éloignée du Soleil. Deux corps circulant sur une même orbite n’iraient donc pas à la même vitesse, et donc ne seraient pas perpétuellement masquées l’un à l’autre par le Soleil. C’en était fait de l’ Anti-Terre, qui n’avait jamais été aperçue (et pour cause...) à ses alentours. Le point final fut marqué par la sonde Ulysse qui, projetée en orbite polaire autour du soleil, permit entre autre de voir que de l’autre coté, il n’y avait rien.

La lumière du Soleil se reflète et est réfléchie sur les poussières cosmiques qui orbitent en grande majorité dans le plan de l’écliptique. On appelle cela la lumière zodiacale. Ce phénomène est très difficile à voir en ces temps de pollution lumineuse.

Il existe cependant encore quelques croyants qui s’accrochent coûte que coûte à cette théorie, arguant que la lumière zodiacale est en fait due aux nombreux volcans qui parsèment l’ Anti-Terre, certains allant jusqu’à nier le caractère elliptique des orbites planétaires pour garder de quoi argumenter sur leurs rêves insensés.

Némésis : la fatale attraction.

Pour conclure, nous allons quitter le domaine solide des planètes pour celui gazeux et brulant des étoiles. D’une étoile en particulier, qui, selon un théorie émise en 1984, serait en orbite autour du Soleil.

Ayant constaté une certaine régularité dans le rythme avec lequel la Terre était frappée de périodes d’extinctions massives, le professeur Richard Muller émit la thèse de l’existence d’une étoile orbitant autour du Soleil et pénétrant, à peu près tous les 26 millions d’années, dans le nuage de Oort. Les blocs gelés seraient précipités en nombre vers le soleil sous formes de comètes et certaines heurteraient la Terre, causant de grands cataclysmes dont les dinosaures auraient été victimes.

Quoi de plus délicieusement angoissant pour le grand public que de penser qu’un danger lointain pourrait rôder relativement près de chez nous ? L’ Homme aime à se faire peur parfois. Ça le fait se sentir vivant, et ça fournit de bons scénarios à Hollywood...

Normal, dès lors, que de donner à cette étoile hypothétique le nom de la déesse grecque de la vengeance.

Les lois de Kepler permettent de donner une définition assez précise de l’orbite suivie par l’étoile : un demi grand-axe de 90 000 UA, soit un peu plus d’une année-lumière. C’est bien là le problème qui se pose pour Némésis : les abords immédiats du Soleil sont bien connus question étoiles (difficile de les manquer...), et la grosse boule de gaz incandescente la plus proche connue est en fait un système multiple, Alpha Centauri, un trio d’étoiles situées à un peu plus de 4 AL.

Afin d’expliquer l’apparente invisibilité, il fut postulé que l’étoile en question était une naine rouge. Un type de corps assez difficile à détecter. Mais sa grande proximité l’aurait fait se faire remarquer rien que par sa luminosité, y compris dans l’infrarouge. La thèse s’adapta donc aux difficultés et Némésis fut postulée comme étant une naine brune, un corps qui n’a pas réussit à déclencher la fusion thermonucléaire en son sein pour devenir une véritable étoile. Semblable à une planète comme Jupiter (quoique plus grosse), elle n’émet presque pas de lumière par elle-même, ce qui la rend quasiment invisible aux moyens optiques. Les premières naines brunes n’ont été observées qu’en 1990, et uniquement dans l’infrarouge.

Une vue d’artiste d’une naine brune. Un tel corps fait entre 13 fois la taille de Jupiter et 0,07 Soleil, seuil au delà duquel les réactions de fusion nucléaire s’enclenchent et s’entretiennent, donnant à l’objet le statut d’étoile.

Dès lors, une telle thèse pourrait tenir, mais il existe un autre obstacle de taille : son orbite.

Avec une naine brune ou une très petite naine rouge, les liens gravitationnels ne peuvent être que faibles et facilement perturbés. Les plus grand théoriciens se sont penchés sur la question et leur résultat est implacable : une orbite telle que conjecturée de 26 millions d’années n’est absolument pas viable à l’horizon du milliard d’années. Si le Soleil a un jour possédé un tel compagnon, ce qui est possible, vu que plus de la moitié des étoiles de notre Galaxie forment des systèmes doubles ou multiples, il l’a perdu sans doute peu de temps après sa formation, il y a plus de 4 milliards d’années.

La thèse Némésis perd d’autant plus que force qu’à bien y regarder, les périodes entre deux extinctions massives ne forment pas forcément un cycle de 26 millions d’années. Même en tenant compte de l’imprécision des datations, inévitables, il s’écoule parfois plus de 60 millions d’années entre deux catastrophes biologiques. De plus, toutes ne sont pas forcément d’origine célestes. Si les crises du Crétacé, qui a poussé les dinosaures dans la tombe, et du Dévonien peuvent être fortement imputées à des météores, celles du Cambrien, de l’Ordovicien et du Permien sont elles causées par la dérive des continents et une modification radicale des conditions de vie.

Comme on le voit, il reste suffisamment de place dans les cieux pour qu’on puisse y projeter pas mal de nos désirs. S’il est fortement possible que plus de 9 planètes tournent autour du Soleil, il reste encore du chemin à faire avant de pouvoir dresser une carte complète et définitive de notre Système.

Ce d’autant plus que ces foutus cailloux ont eu des comportements assez étranges, et que cela pourrait recommencer comme on le verra la prochaine fois...


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