Comprendre le pic pétrolier
par Benoît Thévard
samedi 11 septembre 2010
Tous les gisements de ressources fossiles ou minérales, tels que ceux de pétrole, présentent à peu près le même type d’évolution.
Il y a tout d’abord les découvertes de gisements. La courbe suivante montre que nous avons atteint le pic vers 1960 et que depuis, malgré quelques découvertes occasionnelles, leur nombre et leur importance n’ont cessé de diminuer.
Il est évident que nous ne pouvons extraire du sol que le pétrole que nous avons découvert. Il est donc logique que la courbe de production présente globalement le même type de forme.
Après avoir découvert les gisements, vérifié la rentabilité des projets, mis en place les outils d’extraction, la production peut commencer avec quelques années de décalage.
Cette courbe de production simplifiée n’est pas très éloignée de la courbe réelle, hormis la période du choc pétrolier de 1973 qui a vu pour la première fois une diminution du rythme de production.
Il y a donc eu, globalement, une augmentation très importante jusqu’à ce jour.
La zone verte située sous cette courbe représente la quantité totale de pétrole qui a été extraite. Nous avons consommé environ 1200 Md de barils, soit près de la moitié des réserves ultimes.
Il n’est donc pas question de dire que nous n’avons plus de pétrole, puisqu’il en reste la moitié ! Mais la question est de savoir quelle forme aura la courbe à partir d’aujourd’hui.
Si nous considérons la capacité de production actuelle (32 Mdb/an) et les réserves prouvées qu’il reste à extraire (1100 Mdb) alors nous pouvons dire qu’il reste environ 35 ans de consommation au rythme actuel.
C’est ainsi que beaucoup estiment le temps qu’il nous reste avant les problèmes : ratio Réserves/Production !
En représentant ce calcul simpliste sur le graphique, nous voyons alors que nous avons un plateau pendant 35 ans et qu’en 2045, du jour au lendemain … il n’y a plus rien !
Nul besoin de grande expérience et de connaissances techniques approfondies pour comprendre que cette façon de calculer n’est pas correcte. En effet, dans la réalité, les choses ne sont pas si simples.
Même si nous disposons encore de la moitié des réserves, le pétrole qu’il nous reste sera le plus difficile à extraire. Cela va compliquer sérieusement le travail des compagnies pétrolières et le rythme d’extraction ne pourra plus augmenter.
Il y a donc de fortes probabilités pour que la forme de la courbe ressemble plutôt à cela, c’est-à-dire avec une diminution progressive.
La forme exacte est impossible à prédire puisqu’elle dépend de nombreux paramètres. Mais avancer l’argument que nous serons encore tranquilles pendant quarante ans ne semble pas raisonnable.
En effet, la production pourrait passer par une période de stagnation formant une courbe en plateau, ou nous pourrions également, comme en 1973, passer par une grave crise géopolitique ou financière qui viendrait diminuer la demande et ainsi repousser le pic.
Nous avons donc expliqué la forme de la courbe de production :
Elle commence à zéro, passe par un maximum puis redescend vers zéro.
Reste à déterminer quand aura lieu ce maximum, si la diminution sera douce ou brutale, s’il s’agira d’un pic ou d’un plateau.
Le graphique ci-dessous reprend les vingt-deux scénarios de référence actualisés (Agence internationale de l’énergie, OPEC, Total, Exxonmobil, Shell …).
source : http://www.trendlines.ca/
On constate alors la très forte croissance de 1950 à 2010, avec une baisse de production de 8 millions de barils par jour lors du choc pétrolier en 1973.
Les prévisions quant à elles varient énormément, du pire scénario donnant une chute brutale dès 2010, au plus optimiste ne prévoyant pas la moindre baisse de production avant 2100.
Cependant, si on regarde la courbe moyenne de ces vingt deux scénarios, elle passe par un maximum de 93 millions de barils par jour (87 Mbd en 2010) en 2022.
On peut supposer que les compagnies pétrolières sont les mieux à même de juger des réserves disponibles et des capacités de production. Or, leurs courbes sont généralement les plus pessimistes.
Certains scientifiques isolés comme le célèbrissime Claude Allègre refusent encore d’y croire, notamment parce qu’il s’agit d’une théorie qui, comme celle du réchauffement climatique, s’oppose de fait à la croissance perpétuelle de notre économie.
L’ASPO s’est donc empressée de répondre publiquement aux affirmations encore et toujours trop rapides de ce personnage, finalement plus médiatique que scientifique.