Dépasser Heidegger

par Bernard Dugué
mardi 5 septembre 2017

A notre époque de frénésie techniciste, la philosophie pourrait s’avérer salutaire si elle ouvre vers un chemin de pensée au lieu de se complaire dans le genre journalistique pratiqué par les intellectuels et diffusé sur les plateaux médiatiques. Une certaine philosophie s’est achevée dans le courant du 20ème siècle. C’est celle qui fut initiée par Platon puis prolongée par les scrutateurs modernes de la raison et les métaphysiciens de l’idéalisme allemand. Descartes, Spinoza, Kant, puis Schelling, Hegel et le grand coup de balai opéré par Nietzsche. Rien de décisif n’a été accompli excepté l’amorce d’un tournant ontologique initié par le seul penseur majeur du 20ème siècle que fut Heidegger.

La pensée de Heidegger est difficile et s’avère plus opaque que la mécanique quantique ou la relativité générale. L’une des raisons étant que pour comprendre le virage emprunté par Heidegger, il faut connaître l’histoire de la philosophie occidentale de Héraclite à Nietzsche ; alors que la compréhension d’un traité de physique contemporaine ne nécessite que la maîtrise de quelques notions et outils mathématique. Nul besoin d’étudier Ptolémée et Kepler pour comprendre la cosmologie relativiste. Mais l’histoire de la pensée ne suffit pas pour comprendre un Heidegger qui s’exprime en utilisant des néologismes et des mots allemands déviés de leur sens originel ; ce qui ne facilite pas la tâche des traducteurs. En plus, la thématique de l’Etre est en décalage avec les préoccupations philosophiques à la « mode ».

Ces remarques n’occultent pas la problématique fondamentale du dépassement de Heidegger. Pour dépasser cette pensée, il faut la comprendre et mieux encore, la parcourir car la philosophie de l’Etre que nous avons sous les yeux n’est pas une méthode mais un chemin de pensée. Il faut donc cheminer sur ce parcours et entendre les fugues poétiques jouées par Heidegger pour se laisser porter dans l’ouverture de l’Etre et jouer à notre tour quelques fugues. Ce cheminement suppose que l’on puisse accéder à cette éclaircie de la pensée et que l’on sache employer les mots et les notions permettant d’exprimer cette pensée. Autrement dit, non pas chercher à traduire Heidegger mais l’entendre et prêter une oreille au-delà pour transcrire cette musique, cette ouverture de l’Etre avec des notes qui résonnent, qui peuvent être entendues et jouées.

Pour dépasser Heidegger, il faut entendre ce qui a échappé à son entendement et peindre l’ouverture du Dasein avec des notions supplémentaires en essayant d’enrichir la pensée et d’expliciter ce qu’il faut comprendre par Dasein, sorte de kosmos dont l’ouverture nécessite la complicité de l’homme.

Une philosophie de l’Etre et de l’étant est possible. Il faut trouver les résonances, les figures capables de parler, écrire une partition de mots, de chiffres, de notions. Comme l’ont entrevu quelques esprits éclairés, la philosophie de l’information se prête à une nouvelle configuration des questions originelles comme celle de l’Etre, de son sens, de sa vérité, esquissée de manière provisoire par Heidegger. Des notions scientifiques contemporaines seront employées car elles résonnent avec la pensée de l’Etre. Notamment les spéculations issues de la physique quantique. L’Etre se présente sous l’angle de la Relation et de l’Information. Ce qui permet d’espérer des correspondances avec le principe holographique, la gravité quantique, l’intrication.

La confrontation de la science et de la philosophie heideggérienne recèle un basculement des deux côtés. La cosmologie sera retournée et de plus, des vues inédites sur la vie et son évolution sont envisageables. Un autre champ doit être confronté à Heidegger, c’est celui de la théologie. Une explication avec saint Augustin est nécessaire. Elle a déjà eu lieu si l’on considère que les études sur le temps figurant dans les Confessions ont une résonance avec la temporellité analysée en partant du Dasein. Néanmoins, une autre confrontation doit être tentée, avec le traité d’Augustin sur la trinité. Sans oublier que le chemin de Heidegger contient une longue explication implicite avec le christianisme.

(Trois grands penseurs se sont expliqués avec le christianisme. Hegel pour le mettre à jour avec les concepts de la philosophie ; Nietzsche pour s’y opposer et le combattre ; Heidegger pour le contourner en le dissolvant dans le questionnement sur l’Etre. On ne sera pas étonné du retour vers les Grecs, notamment Nietzsche qui s’est tourné vers le tragique et Heidegger vers Parménide, Héraclite et la différence être et étant).

Hegel : Dieu est Idée absolue.

Nietzsche : Dieu est mort, place à la vie et sa transmutation.

Heidegger : Sachons préparer l’ouvert pour accueillir le Dieu à l’extrême.

Heidegger est parti de l’herméneutique et la question du sens, puis de la vérité après le tournant (die Kehre). Le Dasein et l’Etre, transfiguration ou transmutation ? Telle se présente la question du Dasein et le chemin vers la mort ou l’éternité !

Cosmologie du Dasein contre relativité générale d’Einstein ? Une autre question en jeu. Heidegger a peut-être ouvert un chemin vers la gravité quantique.

Je vous ai présenté vaguement mon projet philosophique d’envergure pour ne pas dire stratosphérique. Bienvenue à tous ceux qui souhaitent m’accompagner ou donner un coup de pouce sous diverses formes, édition, transmission, contact, soutien professionnel, institutionnel, médiatique…

En attendant, quelques réflexions sur l’information, le temps et les émergences. Ces considérations sont préparatoires au projet présenté ici.

B Dugué : L’information et la scène du monde, Iste éditions, 2017

https://iste-editions.fr/products/linformation-et-la-scene-du-monde

Traduction anglaise disponible chez Wiley

https://books.google.fr/books?id=wkozDwAAQBAJ&printsec=frontcover&hl=fr

B Dugué : Temps, émergences et communications, Iste éditions, parution prévue fin 2017


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