En finir avec le nucléaire avant qu’il n’en finisse avec nous

par olivier cabanel
vendredi 5 décembre 2014

Cette souhaitable transition énergétique, que certains pensent utopique, est pourtant à portée de main, sans attendre si longtemps, et en se passant du pétrole, du charbon, du gaz fossile et du nucléaire.

Il arrive d’entendre ou de lire des citoyens « éclairés » affirmer que la sortie du nucléaire était une utopie, à moins de revenir à la bougie, voire à l’âge des cavernes, et pourtant…

58 réacteurs à fermer maintenant...et pas dans des lustres, c’est tout sauf impossible.

La preuve en chiffres.

Les chiffres fluctuent au cours des ans, mais globalement, la consommation du pays concerne 4 secteurs : l’agriculture (4 MTep), l’industrie (33 MTep), le Transport (50 MTep) et les bâtiments (69 MTep), soit 156 MTep au total annuellement. (MTep=millions tonnes équivalent pétrole)

D’après la DGEMP (direction générale de l’énergie et des matières premières) la production d’énergie primaire d’origine nucléaire annuelle était pour la France en 2007 de 114,6 MTep ce qui signifie qu’un réacteur nucléaire produit chaque année l’équivalent de 2 MTep. lien

Pour être tout à fait exact, il faut préciser qu’une partie de l’énergie produite n’arrive pas chez le consommateur, puisqu’il y a les pertes en ligne provoquées par le transport de l’énergie, dont l’importance varie suivant la distance de l’énergie transportée et que RTE estime à près de 8% en moyenne. lien

Quel est donc le scénario possible tout de suite ?

Il commence par imposer une norme d’isolation plus stricte, avec un coefficient de 0,6  pour les habitations et les entreprises.

La consommation énergétique sur le poste chauffage représente 43 MTep

En réduisant l'énergie consommée de 85% par une meilleure isolation des bâtiments actuels, nous ne consommerions plus que 6,45 MTep annuels, soit une économie de 36,55 MTep, ce qui entrainerait la fermeture de 18 réacteurs nucléaires....

Dans ce scénario les BEPO (bâtiments à énergie positive) ne sont pas pris en compte, et, si ils étaient généralisés feraient fermer un nombre encore plus grand de réacteurs nucléaires. lien

Il reste donc 40 réacteurs à fermer.

La consommation totale d’énergie du patrimoine est estimée à 2,2 milliards d’euros. lien

Les 9 millions de points lumineux du pays correspondent à 47% de la consommation d’électricité, (lien) soit 72 MTep et représentent 0,5 milliards d’euros. lien

L’ADEME a étudié dans le détail les solutions qui permettraient, sans amoindrir la sécurité, d’éclairer sans gaspiller. lien

Une bonne politique d’arrêt de ce gaspillage, passant par l’arrêt du chauffage électrique généralisé, l’arrêt de l’éclairage des immeuble de bureaux toute la nuit, tout comme celui de nombreux commerces, des autoroutes, utilisant des systèmes d’éclairage moins énergivore,  pourrait diminuer cette consommation de moitié, soit 36 MTep, ce qui correspond à la fermeture de 18 réacteurs nucléaires. lien

Il reste donc 22 réacteurs nucléaires à fermer.

Hydroliennes, hydraulique classique, mais aussi microcentrales, marémotrice, respectant l’environnement, ont pour la France un potentiel de 20 MTep soit de quoi arrêter près 10 réacteurs nucléaires supplémentaires.

Il reste donc 22 réacteurs à fermer.

Passons aux réseaux chaleur issus de la géothermie de moyenne profondeur,

Il y a en France suffisamment d'eau chaude de sous sol pour produire l'équivalent de 30 MTep, ce qui correspond à plus de 15 réacteurs nucléaireslien

Il ne reste donc plus que 7 réacteurs à fermer

C’est à dire pas grand chose.

Dans ce projet de transition énergétique l’énergie éolienne n’a pas encore été prise en compte, et comme le potentiel éolien est de 14 MTep...cette énergie propre permettrait de fermer au moins les 7 réacteurs restants. lien

C’est donc la preuve en chiffre qu’il est possible dès aujourd’hui de tourner la page du nucléaire, mais aussi du charbon, du pétrole, du gaz fossile, mais aujourd’hui, le gouvernement, tout comme le précédent, fait hélas du surplace. lien

La réussite de ce plan de transition est d’autant plus possible que n’ont pas encore été utilisé le solaire, thermique ou photovoltaïque, énergie intermittente bien sur, tout comme l'éolien, mais qui seront complémentaires l'un de l'autre.

D’ailleurs chez nos voisins d’outre-Rhin, la production solaire et éolienne correspond à celle de 26 centrales nucléaires. lien

Dans ce projet de transition énergétique, il faudrait donc repenser le chauffage des entreprises et des habitations, qui aujourd’hui est majoritairement le chauffage électrique lequel est une aberration, provoquant un gaspillage énergétique considérable.

En effet, une centrale thermique, qu’elle soit au pétrole, au gaz, au charbon, ou nucléaire, pour produire de l’électricité fait chauffer de l’eau, afin de produire de la vapeur, afin de faire tourner des turbines, qui alimentent des alternateurs, pour produire enfin de l’électricité, laquelle va voyager sur des centaines de kilomètres, avant d’être retransformée en chaleur.

Or toute la chaleur produite au début du cycle est perdue, rejetée dans l’environnement sans être généralement utilisée.

Il est donc plus cohérent, et surtout plus rentable, de récupérer cette chaleur, en produisant et récupérant sur place l’énergie produite chaque fois que possible

C’est le cas pour une centrale à méthane de taille moyenne dont le totem (moteur alimenté au gaz) doit être refroidi comme n’importe quel moteur, et cette eau chaude produite est récupérée pour chauffer les habitations voisines.

D’autres systèmes de chauffage des habitations peuvent être envisagés, comme la géothermie de moyenne profondeur, qui capte l’eau à 60°C des nappes souterraines, très nombreuses dans notre pays, et alimente directement en eau chaude les radiateurs des habitations. lien

le potentiel de cette eau chaude de sous sol représente tout de même 30 MTep, soit l’équivalent de 15 réacteurs nucléaires. lien

Il faut donc privilégier les petites unités de production d’énergie pour une rentabilité maximum.

c’est quelque part en partie la théorie de Jeremy Rifkin, le grand économiste, qui propose de partager l'énergie, de produire et consommer sur place l'énergie produite chaque fois que c'est possible, ce qui représenterait une économie considérable, puisque le 1/3 de l'énergie produite par les centrales nucléaires est perdue à la fabrication, et 8% de celle ci lors du transport, ce qui entraînerait une diminution drastique du nombre de pylônes a très haute tension.

N’est-il pas troublant de constater que quelques prétendus défenseurs de l’environnement se battent contre une éolienne, accusée d’abîmer le paysage, mais qui n'ont jamais bougé le petit doigt lors de la construction des 200 000 pylônes THT que notre pays compte aujourd’hui ?

Et puis il y a la cerise sur le gâteau.

Le poste transport dans notre pays, c'est 50 MTep... or le méthane productible correspond à 54 MTep, (lien) c'est à dire que nous pourrions arrêter toute dépendance avec les pays producteurs, évitant ainsi pas mal de conflits, et améliorant singulièrement notre balance commerciale.

Ce choix énergétique permettrait d’améliorer singulièrement la qualité de l’air des grandes métropoles, qui comme on l’a vu récemment s’est sérieusement dégradé.

Sur un plan social, il faut aussi évoquer le nombre important de création d’emplois que génèrerait le chantier d’isolation des bâtiments, car chez nos voisins germains, 750 000 emplois ont été crées, dont 350 000 indirectement.

Au moment ou le chômage, malgré les « visions » présidentielles continue allègrement de grimper, ça ne devrait pas être une mauvaise nouvelle. lien

Et puis lorsque l’on voit la dégradation de l’entreprise nucléaire qui voit ses actions tomber en chute libre, passant sous le seuil des 10 € (lien) et la filière nucléaire française plonger dans la tourmente (lien) pourquoi ne pas tourner définitivement cette page sans avenir ?

Une chose est certaine, ce n’est pas avec Manuel Valls qu’elle sera tournée, car lors de la conférence environnementale, il a évoqué, malgré Tchernobyl et Fukushima, sa « foi » au nucléaire, qui est d’après lui, un atout (lien) au moment où l’Europe vient de tirer les leçons de Fukushima, envisageant le risque d’un accident nucléaire majeur en Europe, et décidant de mettre en place des mesures opérationnelles importantes. lien

il ne faudra donc pas compter sur lui, et pourtant cette page ne pourra être tournée qu’à la suite d’une décision politique, même si le citoyen lambda à la possibilité de prendre le taureau par les cornes, et de choisir un fournisseur d’énergie qui n’utilise pas le nucléaire.

Ces fournisseurs ne proposent que de l’électricité propre, issue donc uniquement d’énergies alternatives, et non fossiles.

Ils sont actuellement 5 à pouvoir fournir l’énergie dans le pays mais seuls 2 proposent une énergie d’origine non nucléaire : Enercoop et Planète OUI permettant ainsi aux consommateurs de s’éclairer sans avoir fait appel aux énergies fossiles, et surtout sans le nucléaire.

Comme dit mon vieil ami africain : « qui fait l’âne ne doit pas s’étonner si on lui monte dessus »

L’image illustrant l’article vient de « danger-santé.org »

Merci aux internautes de leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

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