Free ou comment « Hadopi m’a sauver le bridage »

par fantasfibre
samedi 9 octobre 2010

Free a décidément l’art de surfer sur les bons plans de communication, il faut au moins leur reconnaître cette qualité, à défaut du reste (je vous renvois à l’un de mes posts précédents concernant les raisons qui ont fait que SFR a doublé Free sur le marché de l’ADSL). Si vous suivez l’actualité de ce passionnant secteur qu’est celui des FAI, vous n’avez pas pu échapper cette semaine à la passe d’armes entre Free et Numericable, deux acteurs qui se sont écharpés au sujet de l’Hadopi.

Bref rappel des fait. L’Hadopi, grand satan des internautes, a commencé à envoyer les mails aux premiers utilisateurs qui sont en infraction. Les opérateurs sont dans une situation complexe face à l’installation de cette autorité, puisqu’ils sont dans l’obligation de relayer les mails de l’Hadopi, ce qui les place en porte-à-faux par rapport à leurs abonnés.

Quelle tactique adopter ? Pour Free, c’est tout vu, la stratégie est de s’opposer (au moins médiatiquement) à l’Hadopi en jouant sur les ambiguïtés d’un texte de loi dont il faut dire qu’il n’est techniquement pas à la hauteur. Les autres opérateurs ont de leur côté suivi un légalisme strict, en relayant les mails de l’Hadopi tout en affichant une gêne, voire une opposition (comme en témoigne la lettre commune des opérateurs au sujet de la facturation de la riposte graduée). Numericable, et Bouygues, ont été les premiers à relayer ces mails. Leur position est plus légaliste (on relaye les mails de l’Hadopi) avec un argument de protection des abonnés qui n’est pas idiot (en gros, si je transmets les mails de l’Hadopi à mes abonnés, je leur permets d’être au courant de ce qui leur arrive, et je peux les aider, à contrario, ne pas les envoyer, c’est leur faire courir le risque d’être pris la main dans le sac à un stade plus élevée de la riposte graduée).

 

Jusqu’à l’épisode de cette semaine, que je tente de résumer. Numericable a envoyé une lettre à l’Hadopi pour dénoncer la stratégie de Free, qui, selon le câblo-opérateur, tente de "tirer un bénéfice concurrentiel" de cette opposition, qualifiée un peu à la hâte (je sens déjà venir la fronde des Freenautes, que je me permets de déminer en leur suggérant d’être franchement moins naïfs face à la bonté supposée de leur opérateur, faut-il rappeler le différend entre Xavier Niel et la communauté du Libre au sujet du firmware de la Freebox ?). Eh oui ! En m’opposant au grand satan des internautes, je deviens tout de suite plus attractif.

Ce procédé me fait, je dois l’avouer, franchement rigoler. Ou comment Free se sert opportunément de l’affaire Numericable/Hadopi pour se poster en "chevalier blanc" des internautes, un terme qui revient régulièrement dans les commentaires. Car jusqu’à cette affaire, c’est plutôt Free que l’on soupçonnait de jouer avec les connexions de ses abonnés. Le Journal du Geek titre ainsi avec humour fin septembre "Il a Free, il a l’Internet bridé ?", reprenant les rumeurs d’un bridage. Les quelques 400 commentaires du billet (excusez du peu !) confirment presque tous la chute du débit de la connexion sur les sites... de P2P, de téléchargement direct (notamment sur MegaUpload) et streaming... des usages précisément ciblés par l’Hadopi.


Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt


Donc, de deux choses l’une :

1. Soit Free, comme tous les opérateurs, se positionne sur l’Hadopi, mais d’une traître manière, en s’opposant à la surface pour gagner des points auprès de sa cible (les technophiles, comme l’illustre la campagne de pub avec Rodolphe, même si Free en expérimente les limites), et en bridant en coulisse l’accès aux sites sensibles, histoire de dégouter ses abonnés de cet usage, et de les orienter vers sa plateforme de catch-up et de Vod légale (et payante, bien sûr).

2. Soit Free, qui fournit une connexion ADSL (ne venez pas m’enquiquiner, et je suis poli, avec la fibre de Free, tout le monde l’attend depuis 2006, encore une fois, enlevez vous le sable des yeux avant d’ouvrir le feu), prend conscience de la limite de cette technologie qui permet à peine (et selon votre distance du NRA) de visualiser des programmes TV HD, et en limite par bridage l’utilisation sur certains sites, mettant à mal le concept de neutralité du net, cher également au coeur des internautes.

Dans les deux cas, je suis étonné que le coup de com de Free semble avoir marché, en tout cas à en lire les réactions des différents articles (à quelques lucides près). Affaire à suivre dans tous les cas, un retournement n’est pas à exclure.

Fantasfibre


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