Géolocalisation : technologie et mutation des assurances automobiles ?

par François Bras
lundi 24 avril 2006

Plusieurs facteurs économiques, démographiques et écologiques vont modifier le comportement des conducteurs automobiles dans les années à venir. Grâce aux atouts du système européen de positionnement par satellite Galiléo [1] (précision et intégrité du signal [2]) de nombreuses applications grand public et professionnelles vont révolutionner le transport routier.

En attendant de voir émerger en masse des véhicules hybrides (combustion+électrique), rouler en automobile risque de devenir rapidement un luxe pour le particulier. Le prix du pétrole devrait inciter les automobilistes à rouler moins (ou différemment), le pouvoir d’achat ne suivant pas la progression de la hausse du baril. Le très grand nombre de véhicules va conduire à l’apparition dans les grandes villes de péages (c’est déjà le cas à Londres) et à l’utilisation de dispositifs embarqués dits « intelligents » qui faciliteront et sécuriseront le trafic routier et autoroutier. Ces dispositifs dispenseront des informations sur le trafic, adapteront la vitesse des véhicules, et procureront un véritable système anti-collision. Les péages autoroutiers disparaîtront au profit de péages « automatiques ». La fonction de géolocalisation embarquée, grâce à laquelle ces services seront possibles, sera partie intégrante de l’électronique du véhicule.

Dans ce contexte, il paraît inéluctable que l’assurance automobile, qui représente la plus grosse part des frais fixes dans le budget auto annuel, évolue vers une assurance facturée au kilomètre. De la même manière que l’on choisit aujourd’hui un forfait téléphonique fondé sur un volume de temps de communication, ou un forfait Internet basé sur un débit ou des services associés, on pourra choisir son assurance auto fondée sur un volume de distance et des services associés (sécurité vol, assistance, guidage, etc). Une étude (déc. 2005 [3]) réalisée par le Victoria transport policy institute (Canada) basée sur de multiples expériences en Amérique du Nord montre qu’un tel système a des impacts bénéfiques pour les assurés. Il inciterait les usagers à réduire leurs déplacements (-10%) : l’impact serait économique pour l’assuré (baisse des primes d’assurances), humain (baisse des sinistres, bien que le facteur distance ne soit pas le plus important face à des facteurs comme la vitesse et l’alcool), mais aussi écologique (économies d’énergie de -15%, réduction d’émissions de CO2 et diminution des encombrements). Un tel système pourrait également permettre de personnaliser les offres d’assurances. L’offre de Norwich Union, en Angleterre, qui propose une formule adaptée aux jeunes conducteurs avec une incitation à ne pas rouler les soirs à risques, en est un exemple. A condition que les systèmes embarqués soient suffisamment « intelligents » pour garantir la non-utilisation des données de localisation à des fins contraires aux principes de la CNIL (principes de finalité et proportionnalité [4]), la géolocalisation permettra à l’assureur de mieux maîtriser le risque dans son ensemble, en responsabilisant les utilisateurs, tout en privilégiant l’esprit gagnant/gagnant.

La technologie permettra donc à l’utilisateur de mieux maîtriser les coûts liés à son véhicule : les coûts fixes de prime d’assurance devenant ainsi des coûts variables, proportionnels à l’utilisation du véhicule assuré.



[1] Le programme européen GALILEO repose sur une constellation de trente satellites et des stations terrestres qui permettent de fournir des informations concernant leur positionnement à deux mètres près à des usagers dans tous les domaines : le transport (localisation de véhicules, recherche d’itinéraire, contrôle de la vitesse, système de guidage, assistance pour une conduite sécurisée, etc.), les services sociaux (par exemple aide aux handicapés et aux personnes âgées), la justice et les douanes (localisation de suspects, contrôles frontaliers, personnes libérées sur parole), les travaux publics (systèmes d’information géographique), l’agriculture de précision, le sauvetage de personnes en détresse ou les loisirs (orientation en mer et en montagne, etc.).

[2] Contrairement au GPS actuel, GALILEO proposera un signal continu et une précision de positionnement à deux mètres près. Le signal GALILEO pourra également être contractuellement garanti.

[3] http://www.vtpi.org/tdm/tdm79.htm

[4] La mise en œuvre d’un traitement permettant d’enregistrer l’intégralité des déplacements effectués par les assurés ne répond pas à l’exigence de proportionnalité posée par la loi (pas de collecte de données en dehors d’un but défini, conservation des données limitées au traitement et suppression des données). La finalité du dispositif doit être clairement définie : transparence de la collecte et la gestion des données et pas d’utilisation détournée.


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