Inquiétudes, variants et Covid-19 : photographie de l’épidémie à la mi-février

par Bernard Dugué
mercredi 17 février 2021

 0). L’étrange cours de la pandémie de Covid-19 amorcée en janvier 2020 ne cesse de se rendre encore plus étrange. Observez bien les médias et la tonalité des commentaires sanitaires, vous constaterez que des variants ont progressivement envahi l’espace médiatique. Les sachants ne cessent de parler du variant B117 britannique et des deux variants exotiques, venus du Brésil et d’Afrique du Sud. Le coronavirus est plutôt facétieux. Le virus grippal est plus sérieux. Il se répand dans l’hémisphère Sud, les labos l’étudient pour produire les vaccins destinés à protéger les patients lorsque la grippe atteint le Nord une fois l’hiver arrivé. Le coronavirus ne respecte rien. Les variants circulant l’été dans l’hémisphère Sud s’invitent en même temps dans le Nord en pleine saison hivernale.

 

 1) Pandémie incernable. Le suivi des courbes de cas et de décès laisse apparaître des disparités chronologiques et géographiques de grande ampleur. Aucun pays ne suit un schéma générique. Il faut noter que ce n’est pas le virus qui crée la pandémie mais les patients infectés qui fabriquent le virus et le transmettent dans un espace réglé par des distances sociales spécifiques à chaque pays auxquelles s’ajoutent les règles climatiques. Cette remarque explique les disparités, dans la contagion, la propagation et la virulence. L’Inde qui a cessé depuis quelques mois le confinement voit l’épidémie s’éteindre. Dans les pays scandinaves, la seconde vague est sur le déclin. Au RU, aux States, au Brésil, l’épidémie ne faiblit que légèrement et reste à un seuil élevé de décès. En Asie c’est différent. Des pays insulaires comme Taïwan, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, s’en tirent provisoirement. La Chine est sous cloche politique. Les facteurs démographiques et épigénétiques s’invitent également pour perturber les statistiques, sans oublier l’état sanitaire des populations. Du Japon au pays occidentaux riches, l’on passe de 5% de gens en surpoids à 30 ou 40%. La température ambiante et l’humidité semblent influer sur le cours des épidémies. Bref, le Covid échappe à toute tentative de modélisation assortie de projections. En plus, les variants semblent produire des variations dans la cinétique épidémique, du moins à Manaus et en Angleterre.

 

 2) Clades et variants. Si la théorie de l’évolution des espèces est solide sur ses bases conceptuelles, avec le concept générique de clade, la virologie ferait mieux de ne pas trop s’inspirer de l’évolutionnisme. Deux notions sont nécessaires, le gain de fonction et la variation. Le gain de fonction caractérise un changement de dynamisme infectieux pour un virus, modification de tropisme, pour une espèce, un tissu, augmentation de contagiosité. La variation désigne un changement dans la séquence génomique du virus, avec des mutations ponctuelles, des délétions plus ou moins large, des insertions, des recombinaisons. Le virus grippal étant segmenté, des échanges de gènes sont possibles et produisent des réassortiments. C’est ce qui s’est passé lors de l’émergence du H1N1 en 2009.

 Le SARS-CoV-2 n’a fait que varier et parfois, des variations deviennent dominantes. Ou bien la mutation est avantageuse et le virus se répand plus vite, ou bien une mutation prend une avance sur les autres à la faveur d’un foyer qui explose et se répand. La mutation précoce D614G est devenue dominante. Il n’est pas approprié de parler de clade viraux mais plutôt d’embranchements répertoriés sur l’arbre phylogénétique qui maintenant, contient des centaines de branches issues du premier coronavirus enregistré à Wuhan.

 

B.1.1.7, nom de code du variant britannique, dont la formule est :

 

aa:orf1ab:T1001I

aa:orf1ab:A1708D

aa:orf1ab:I2230T

del:11288:9

del:21765:6

del:21991:3

aa:S:N501Y

aa:S:A570D

aa:S:P681H

aa:S:T716I

aa:S:S982A

aa:S:D1118H

aa:Orf8:Q27*

aa:Orf8:R52I

aa:Orf8:Y73C

aa:N:D3L

aa:N:S235F

 

 Ce variant possède 17 altérations le rendant distinct du virus ancestral. S’il est apparemment plus contagieux, les virologues l’expliquent avec la mutation N501Y affectant la spicule, ce qui permettrait au virus de s’attacher plus facilement au récepteur membranaire ACE2. Les variants brésiliens B.1.1.28 et africains B.1.351 ont en plus une mutation E484K située elle aussi sur le domaine de liaison de la spicule, ce qui le rendrait comme son homologue britannique plus affine pour le récepteur. Néanmoins, une énigme s’est dessinée ; la mutation en 484 a été enregistrée d’avril à septembre en Galice, Angleterre, Suède, Californie, sans pour autant se répandre. La diffusion accélérée du variant sud-africain a commencé vers novembre 2020 et décembre pour le variant brésilien, repéré du reste en Argentine et d’autres pays. C’est une même configuration pour la mutation 501, enregistrée à deux reprises en avril, puis à maintes reprises en Australie (B.1.1.136) courant juin, fin août aux Etats-Unis, avec comme notification B1. Les virus séquencés avant l’automne 2020 n’étaient pas les variants enregistrés depuis novembre ; ils n’avaient pas toutes les mutations que l’on observe et qui ne cessent de s’accroître si bien qu’il devient impropre de parler d’un variant anglais mais plutôt d’une multitude de variants générés par l’addition de mutations supplémentaires. Pour info, le variant anglais enregistré comme clade possède une divergence de 24 mutations nucléotidiques (produisant 17 changements d’aa) alors que ses descendants ont maintenant une divergence comprise entre 30 et 40.

 

 3) Les épidémiologistes parlent d’une épidémie dans l’épidémie, voire même d’une seconde épidémie ou d’une nouvelle épidémie comme l’a indiqué Didier Raoult sans vouloir inquiéter. En France, le variant anglais se répand, en Bretagne, en IdF, à Dunkerque, sans que l’on note un emballement des chiffres de contamination, des pourcentages de positivité, des admissions en soins hospitaliers. « L’épidémie recule et les variants se répandent » titrent les médias. Ce calme annonce-t-il la prochaine tempête prévue par l’Inserm ? A moins que le virus ne se calme par on ne sait quelle explication d’ordre physiologique ou saisonnière ou cosmologique ? Les variant créent l’épidémie disent les scientifiques. Et si c’était l’inverse, l’épidémie qui progresse et favorise la diffusion des variants ? Ou même une épidémie déclinante combinée à une diffusion du variant. Le Danemark est le pays qui a enregistré le plus de variant anglais, 1600 en date du 15 février. Pourtant, ce pays de 6M d’habitants détecte moins de 500 contaminations journalières depuis deux semaines, avec un seuil en vue de 300. Et moins de 10 décès par jour depuis une semaine. C’est à ne rien y comprendre.

 

 4) L’Inserm a modélisé l’épidémie en intégrant la diffusion des variants. Un pic estimé au plus haut à 25 000 entrées hebdomadaires a été projeté pour le 22 mars, soit plus du double du chiffre actuel, stabilisé depuis quatre semaines avec un peu plus de 11 000 entrées. Si la proportionnalité est respectée, il devrait y avoir plus de 7000 réanimations. Le pic de la première vague serait alors dépassé. Et le plan blanc vient d’être déclenché, par précaution. En réalité, rien n’est certain, sauf une chose, lorsqu’un résultat est inquiétant, il est largement diffusé dans les médias. L’histoire de cette épidémie montre que les projections ne sont pas fiables et qu’il n’y a pas de lois déterministes permettant de prévoir l’évolution sanitaire.

 

 5) Tout est possible, une augmentation modérée, une stabilisation et même une lente atténuation. Le cours de l’épidémie en Inde et d’autres pays indique une énigmatique atténuation si bien que le scénario optimiste est tout aussi envisageable que les prévisions alarmistes de l’Inserm. Si l’épidémie s’atténue, le décalage clinique imposera une fois de plus des investigations scientifiques sur cette pathologie émergente qui représente un vrai défi pour la science et ses quatre disciplines mobilisée. L’épidémiologie face au cours étrange de la propagation dans les populations et dans le temps. La clinique face aux multiples symptômes et surtout l’émergence du Covid durable, un événement pas si exceptionnel puisqu’il se produit avec d’autres infections mais assez inattendu pour un coronavirus, quoique, les retours sur les cas d’infection au SARS premier aient pu mettre aussi en évidence des pathologies inscrites dans la durée. La piste auto-immune est privilégiée pour le Covid durable en espérant qu’il ne devienne pas chronique. L’immunologie est mobilisée pour comprendre comment l’immunité est défaillante face au SARS-CoV-2 avec les interférences avec les voies de signalisation, MAPK, JAK, etc… et la virologie doit expliquer comment ces virus sont générés et pourquoi ils acquièrent un gain de fonction, avec des mutations parfois avantageuses et des variants dont la diffusion semble liée à un avantage sélectif devenant visible au bout de quelques semaines.

 

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 Annexe. Décompte du variant anglais par pays en date du 16 février 2020

 

 United Kingdom 63088, Denmark 1614, France 847, United States of America 756, Belgium 693, Spain 594, Ireland 507, Italy 495, Switzerland 488, Netherlands 471, Israel 221, Portugal 205, Sweden 148, Turkey 142, Austria 140, Finland 97, Australia 93, Germany 92, Nigeria 75, Slovakia 70, Ghana 62, Singapore 53, Norway 51, Jordan 42, Canada 41, Romania 35, India 34, Luxembourg 32, New Zealand 26, United Arab Emirates 21, Iceland 20, Brazil 19, Czech Republic 17, Sri Lanka 15, South Korea 13, Poland 11, Saint Lucia 9, Thailand 7, Ecuador 6, Mexico 5, Macedonia 5, Hungary 5, Latvia 5, Slovenia 4, Greece 4, Hong Kong 4, Jamaica 4, Barbados 3, Bangladesh 3, Gambia 3, Cayman Islands 2, Malaysia 2, Democratic Republic of the Congo 2, Pakistan 2, Peru 1, Iran 1, Argentina 1, Oman 1, Kuwait 1, Dominican Republic 1, Trinidad and Tobago 1, South Africa 1, Bosnia and Herzegovina 1, Taiwan 1

 

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