L’avenir des sciences ésotériques au 21ème siècle

par Bernard Dugué
mercredi 13 mars 2013

Le précédent propos nous a conduit vers deux énoncés. D’abord la présence de deux discours philosophiques et religieux, l’un étant difficile d’accès car possédant un contenu ésotérique. Ensuite, par déplacement de l’épistémologique et du gnoséologique à l’ontologique, la thèse des deux discours suppose un dédoublement ontologique du réel. Il s’agit maintenant d’examiner si dans le domaine des sciences ce schéma peut être transposé. La question est très délicate et le parcours semé d’embûches car s’il est bien un domaine qui se refuse à reconnaître le mystérieux, l’invisible, le subtil voire le divin, c’est la science contemporaine. Pour parler avec une autre tonalité, on dira que la science n’a pas de fondements métaphysiques. Une fameuse formule prononcée par Heidegger laisse entendre que la science aurait perdu ses fondements métaphysiques. Si c’est le cas, cela remonte à loin, quatre ou cinq siècles. La quête de ces fondements relèverait plutôt de l’histoire des sciences alors que la tâche du métaphysicien contemporain se dessine comme assez neuve. Tenter de trouver et formuler des connaissances ésotériques concernant l’univers et la nature avec deux règles fondamentales. Ne pas être en contradiction avec les observations et prendre appui sur les formalismes produits par la science.

Pour être clair dans ma démarche, je précise que par science, je n’entends pas une méthode de connaissance mais je la définis par ce qu’elle étudie. La science est la discipline qui tente de connaître, en usant d’expérimentation, mesures et modèles, l’univers, la matière, la vie, la terre et le cerveau. Quand à la connaissance, je ne suis pas du tout certain qu’elle parviendra à être complète si la science ne repose que sur ce qui est observable. Il y a donc un espace pour élaborer un complément de connaissance permettant de mieux comprendre ce qui nous entoure et même de redonner un sens à la nature. Ou carrément de redonner une essence aux choses naturelles. La science ésotérique tente ainsi de représenter une intériorité dans la nature et de formaliser, avec les limites qu’il faut accepter, les réalités cachées, invisibles mais pourtant capables d’influencer les choses observables. Quelques pistes ont été explorées. Calculateurs quantiques, vie cognitive et calculante, finalisation du vivant… Difficile de tracer pour l’instant une méthode mais disons pour commencer qu’il faut essayer d’imaginer ce qui n’est pas observé voire observable et peut-être même voir ce qui échappe à la vision en contemplant la nature ou alors en méditant sur les données scientifiques dont on cherche quelques cartes supplémentaires capables de compléter le puzzle, voire quelques éléments censés donner une consistance à tous les éléments observés dont les mesures et représentations sont souvent scindées en ayant perdu leurs relations naturelles. J’ai laissé ouvertes les deux options, l’une visant à interpréter les formalismes en cherchant le symbole ésotérique. La physique se prête sans doute à ce jeu, beaucoup moins la biologie. L’autre option étant comme je l’ai suggéré de façonner des cartes supplémentaires.

Les prochains livres sur la science ésotériques ne seront pas d’un accès facile, pas plus que les dialogues de Platon, les ennéades de Plotin ou les écrits métaphysiques de Heidegger. Il faut savoir lire les symboles et surtout comprendre un écrit parsemé de notions scientifiques et parfois métaphysiques. Ils ne seront pas faciles à publier. Car les choses difficiles sont rejetées par les individus de l’âge technologique alors que ces mêmes choses, lorsqu’elles sont un peu comprises, peuvent aussi être bannies par les scientifiques professionnels mais profanes et ne supportant pas les intrusions du métaphysique voire même du divin. Cette remarque en dit long sur notre époque. Les anciennes valeurs ont été inversées au point que pour un scientifique profane, le divin est devenu un élément impur, une saleté ontologique, une saloperie qu’il faut même à la poubelle. Le profane est sacralisé alors que le sacré est profané pour ne pas dire massacré. La communauté scientifique adopte un panel d’attitudes hétéroclites. Humilité face à l’inconnaissance, modestie et ouverture, ou alors arrogance et parfois trop souvent, une sorte de défensive face à un ennemi souvent surestimé et imaginaire. D’ailleurs, à notre époque, l’opinion ne sait plus ce qu’est la science, la confondant souvent avec la technique et les applications pratiques. Lorsque des mouvances contestataires s’attaquent à la science, elles visent les conséquences matérielles des techniques. La seule offensive dans le domaine des connaissances a été portée par les créationnistes américains dont les tentatives n’ont fait que « plomber » le champ de l’évolution en jouant sur la fibre sensible du scientifique moyen qui, n’étant pas très futé mais très spécialisé, s’est mis à traquer le créationnisme dans toute tentative visant à revisiter en profondeur l’évolution. Certains scientifiques lambda ne sont guère plus futés que les chasseurs de sorcières au 16ème siècle. Mais on ne leur jettera pas la pierre et d’ailleurs, le scientifique doit être respecté comme n’importe quel travailleur. Contrairement à l’image idyllique du chercheur aux yeux enluminés face au tube à essai et pénétré d’une éthique humaniste doublée d’une passion de découvreur, la situation du scientifique de laboratoire est plus celle d’un super technicien qui une fois gradé après des heures passées à la paillasse, finit par être submergé d’activités bureaucratiques. Beaucoup de chercheurs sont tristes. Ils s’emmerdent dans leur boulot…

Ces digressions nous amènent à nous soucier du développement des sciences ésotériques qui, comme on s’en doute, nécessite de recréer des territoires. Un peu comme l’Eglise. Les plus doués des théologiens disposent d’une position spéciale et sont exemptés de servir la messe. Il faudrait pour les scientifiques amenés à réfléchir et développer les connaissances ésotériques des lieux tout aussi privilégiés où les chercheurs seraient affranchis des servitudes quotidiennes de la science ordinaire et dispensés de paillasse, de paperasse et de tâches éducatives roboratives. Autrement dit créer des structures sur le modèle du Collège de France mais accueillant des chercheurs d’âge plus modeste pour développer des travaux pas si modestes et surtout décalés des pesanteurs et nécessités collectives, qu’elles soient d’ordre social, politique ou économique.

Finalement, je ne fais que revenir sur un ancien projet de centre d’ontologie proposé il y a plus de dix ans et qui n’a jamais vu le jour et qui d’ailleurs restera dans mes tiroirs. A la fin de l’Empire romain, l’école d’Athènes, la plus prestigieuse de son temps, a été fermée. A la fin de l’Empire européen, l’école d’Aquithènes restera fermée. Ce qui n’empêchera pas les sciences ésotériques de se développer à la faveur de quelques génies écartés du système et peut-être l’appui de quelques mécènes initiés. Nul ne sait ce que les sciences ésotériques peuvent apporter. Une compréhension plus exacte de la nature, c’est certain. Après, qui sait, des avancées thérapeutiques majeures ? Je n’en sais rien, et je n’ai pas l’intention de renoncer ni la volonté d’avancer. Ma contribution aux sciences ésotériques n’a peut-être pas grand intérêt et pourquoi pas s’effacer et laisser ce monde. On lira des écrits de science ésotériques dans la littérature savante, à chacun de savoir interpréter ces textes émanant le plus souvent des physiciens.


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