L’Homme, une suite de lettres ?

par bilithys
samedi 27 septembre 2008

Depuis 1953 et la découverte de la structure en triple hélice de l’ADN (acide désoxyribonucléique) par James Watson et Francis Crick, la molécule a pris une place considérable dans la société en général et scientifique en particulier. Place trop importante ?

En 1962, James Watson, Francis Crick et Maurice Wilkins reçoivent le Prix Nobel de médecine et physiologie en récompense de leurs recherches ayant abouti à la découverte de la structure de l’ADN. Dès lors, la biologie moléculaire (branche de la biologie qui travaille sur l’ADN) explose. Les investissements affluent, l’engouement est énorme. Lipides, glucides et protéines (pourtant objets de toutes les attentions jusque là) sont laissés à l’abandon. Et les avancées gigantesques des techniques d’investigations scientifiques permettent une compréhension rapide de nombreux mécanismes liés à l’ADN.

Parallèlement, la société évolue. La science sort des salons de curiosité du XIXème siècle. La libéralisation sociale du XXème siècle permet un accès plus facile aux connaissances. L’interaction entre la communauté scientifique et la société s’intensifie.
Pour qui connaît ne serait-ce que les prémisses de la biologie moléculaire sait que nombre de termes de cette discipline font référence aux livres et à leur impression. Traduction, édition et correction d’épreuves par exemple. Les 4 bases azotées de l’ADN ne sont-elles pas d’ailleurs désignées par 4 lettres (A, T, C et G) ?
Il n’y a qu’un pas à franchir pour que le génome ne devienne le « grand Livre de la Vie ». Mais aussi le Saint Graal. Le code génétique déchiffré ne livrerait-il pas le secret du vivant ?
James Watson a publié en 2003 « ADN le secret de la vie ». Et rarement modéré, a fait séquencé son génome et gravé sur un CD ses millions de paires de bases. CD qu’il présente en disant « c’est moi ». Vision quelque peu réductrice de l’être humain. Et c’est bien là le nœud du problème.

A l’aube du XXIème siècle, quelques évidences s’imposent. D’abord, l’ADN ne fait pas tout. Par exemple, simplement, comment expliquer que le clone d’un chat puisse ne pas avoir le même pelage que l’animal d’origine alors que leurs génomes sont identiques ? Parce que des mécanismes non génétiques et parfois encore obscurs entrent en jeu.
Ensuite, la suite de lettres qui constitue le génome d’un être vivant ne permet en aucun cas de déchiffrer quoi que ce soit. Pas même de localiser ou d’identifier les gènes en la lisant.
Et aux autres molécules du vivant (protéines et glucides en tête) de reprendre du poil de la bête ces dernières années. Sans toutefois vraiment concurrencer le dieu ADN.

Cette vision du tout ADN n’est pas sans risque. La liste des dérives, possibles ou réelles, est trop longue pour la dresser ici. Mais prenons l’exemple des tests génétiques en vente libre qui pullulent aux Etats Unis . L’encadrement de tels tests laisse souvent à désirer. Ainsi, une jeune américaine d’une trentaine d’années a-t-elle fait un test de prédisposition génétique au cancer du sein après que sa mère et sa tante en aient été atteintes. Le test s’est révélé positif. Elle a donc décidé, dans la fleur de l’âge, l’ablation complète de ses seins. Alors que rien ne l’assurait d’une future maladie. Cette histoire met en exergue les revers de la médaille. Comme pour tout test, il doit exister des faux positifs et des faux négatifs. Et l’interprétation de tels tests, souvent basée sur la couleur peut s’avérer difficile. Et nous pouvons aisément imaginer les dégâts provoqués par un accompagnement imparfait, si toutefois il existe. Sans oublier le manque de recul du « patient ». Prédisposition ne signifiant pas diagnostic.
Il ne s’agit pas de diaboliser ici la science, et encore moins la biologie moléculaire. Les découvertes en biologie moléculaire ont permis des avancées considérables dans la compréhension de mécanismes biologiques physiologiques ou pathologiques mais aussi la mise au point de traitements de maladies, qu’elles soient génétiques ou non.
Des exploits ont été réalisés. Et d’autres arriveront encore. Mais à quel prix ?

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