L’intelligence artificielle : futur bras droit des médecins ?

par Emilie
jeudi 23 août 2018

L’intelligence artificielle (ou IA) consiste à mettre au point des techniques informatiques capables de reproduire l’intelligence humaine, avec un risque d’erreur minimisé et une rapidité inégalée. Sa progression, ces dernières années, a fait d’elle une figure incontournable du secteur médical, jusqu’à devenir l’assistant, voir le bras droit des médecins. Cette technologie va-t-elle remplacée l’homme ? Jusqu’où vont ses attributions ? Quels sont les risques ?

 

Tour d’horizon de quelques intelligences artificielles utilisées en médecine

Du suivi à la recherche, en passant par le traitement, le diagnostic et la prévention, les IA sont très nombreuses et impossible à énumérer en totalité. En voici toutefois quelques-unes :

 

Les IA : imbattables dans le recueil de données

Ces technologies sont en mesure d’enregistrer et de comparer des milliers de données, ce que le cerveau humain, même entraîné, est incapable de faire. Dans ce cas précis, l’intervention de l’intelligence artificielle est donc une aide précieuse, à l’image de mPower de Sage Bionetworks, aux Etats-Unis, qui oriente la prise en charge pour les malades de Parkinson. Cette application analyse quotidiennement les indicateurs principaux de la maladie de Parkinson, que sont la voix ou la motricité fine des patients. Ces informations sur l’évolution des symptômes fournissent un apport considérable à la compréhension de cette maladie, aidant le médecin à adapter la prise en charge du patient, au plus près de sa problématique. En rentrant d’innombrables données et photos, ces outils donnent la possibilité de faire de nombreuses comparaisons très rapidement. Pour preuve, la filiale de Google spécialisée en IA, a développé un nouvel algorithme, nommé Deepmind, compétent pour créer une représentation en 3D en se basant sur 5 images en 2D. Cette technologie est utilisée dans le but de détecter les maladies de l’œil. Grâce à de nombreux scanners de rétines en 3D, catalogués par des médecins en fonction des symptômes, l’IA est capable de repérer 3 maladies de l’œil : le glaucome, la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), et la rétinopathie diabétique.

 

Des technologies d’aides au diagnostic remarquables

Désormais, des IA sont capables de donner quasiment toutes les informations aux médecins pour faire son diagnostic. Par exemple, Show and Tell, de Google, est un algorithme capable de détecter des mélanomes sur photos. Un an après la première étude parue dans la revue Nature concernant cette intelligence artificielle, une seconde publication révélée dans les Annals of Oncology présente la découverte de cet algorithme conçu pour dépister le cancer de la peau. Cette technologie de vision artificielle est capable de déterminer si des lésions de la peau ou des grains de beauté sont bénins ou suspects. 100 photos ont donc été présentées successivement aux médecins puis à l’intelligence artificielle. En moyenne, les dermatologues ont correctement détecté 87 % des mélanomes qui leur étaient présentés contre 95 % pour la seconde catégorie. En Chine, une intelligence artificielle, nommée BioMind, obtient de meilleurs résultats que le personnel médical dans le diagnostic des tumeurs cérébrales : 66 % de bons diagnostics pour les médecins contre 87 % pour l’algorithme, en seulement 15 mn. Plus rapide et plus sûre, elle est également capable de prévoir l’expansion des hématomes, ou de déceler des maladies neurologiques plus communes comme le gliome ou le méningiome. Cette IA permet de réduire la charge de travail en donnant des résultats préliminaires aux médecins.

 

Du suivi du traitement aux IA tout en un

Les intelligences artificielles simplifiant le diagnostic sont de plus en plus nombreuses. La technologie Implicity est spécialisée dans l’écoute de pacemakers à distance. Dreamup vision détecte la rétinopathie diabétique (lésion de la rétine qui peut causer la cécité chez les diabétiques) tandis que Cardiologs interprète les électrocardiogrammes. La plateforme Aicure, elle, possède deux avantages notables : d’un côté le patient a un suivi de la prise de son traitement selon la posologie, l’heure de prise… De l’autre, le médecin connaît exactement les conditions d’administration du traitement. Un outil de contrôle rassurant et utile qui améliore la prise en charge après avoir quitté l’hôpital. Le projet Watson d’IBM, quant à lui, révolutionne le diagnostic médical en se révélant être un assistant remarquable : de la recherche de diagnostics, à l’évaluation de l’humeur de ses interlocuteurs, en passant par la composition de musique. Ce programme informatique offre de nombreux avantages, en diminuant le nombre d’erreurs et en faisant montre d’une précision accrue. Il analyse toutes les données du patient : symptômes, consultations médicales, antécédents familiaux, résultats d’examens, et les compare à des millions d’images radiologiques. Il propose ensuite des pistes, des probabilités de données, des statistiques, au personnel médical. Ces informations en main, le médecin peut ainsi prendre une décision reposant sur des données concrètes et sûres.

 

Quels sont les risques encourus en introduisant massivement des IA en médecine ?

L’intelligence artificielle peut-elle être responsable d’un mauvais diagnostic ?

Ces nouvelles aides, aussi précieuses sont-elles, risquent de lancer de nouveaux débats éthiques et juridiques, tel que la désignation du responsable en cas de mauvais diagnostic. Il existe, en effet, un vide juridique en matière de droit concernant l’encadrement des IA. Plus ces technologies prendront de l’autonomie, plus il sera difficile de fixer les responsabilités de chacun. Sans compter qu’il est impossible d’analyser le raisonnement de la machine ayant abouti à tel ou tel résultat et que la crainte omniprésente de voir une IA « échapper » à tout contrôle de l’homme, est tout à fait compréhensible. Pour l’heure, le médecin doit garder son libre-arbitre, la machine aide à raisonner de façon objective, mais c’est au médecin de prendre la décision finale. Selon la limite des attributions octroyées aux intelligences artificielles, la responsabilité devrait donc, en toute logique, continuer à incomber au professionnel. Il ne faut pas oublier que le médecin a une vision différente de la machine, il connaît le contexte et comprend le malade, ce qui peut orienter sa décision sur un autre chemin. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle manque de bon sens humain pour s’imposer d’avantage dans les décisions, mais qu’adviendra-t-il dans l’avenir ? L’objectif va être de développer ces technologies, tout en limitant les risques de dérives.

L’IA va-t-elle remplacer le personnel médical ?

L’IA entraîne des craintes légitimes sur la disparition de certains emplois qui pourraient être remplacés, ou sur d’autres susceptibles d’évoluer. En effet, en concurrençant les radiologues dans la lecture des résultats d’examens par exemple, elles pourraient à terme modifier leurs rôles. Pour l’instant, ces technologies suscitent un grand intérêt dans le renfort des équipes, et non dans le remplacement du lien patient-médecin. Au contraire, elles peuvent permettre de dégager du temps pour accompagner le patient, et réduire le stress de passer à côté de quelque chose. Peu à peu, l’intelligence artificielle aidera le médecin à rentrer dans une médecine plus préventive que curative, en mettant en évidence les facteurs à risque des patients, et en anticipant les maladies. Le métier de médecin ne se résume pas à analyser des images, il cherche à connaître les raisons des douleurs, trop complexes pour la machine. Les nouveaux médecins et les autres membres du personnel médical vont certainement voir un changement dans le programme des études afin de s’adapter à l’utilisation de ces nouvelles technologies de plus en plus présentes dans leur quotidien. Loin de les remplacer, c’est un travail d’équipe qui devra être effectué, entre l’homme et la machine, le médecin devra apprendre à se servir de ce nouveau mode d’aide au diagnostic, tout en gardant son libre-arbitre, afin d’aborder au mieux ce virage dans l’exercice de leur métier.

Qu’en est-il du respect des données personnelles ?

L’utilisation des IA soulève des questions éthiques, quant à la collecte et la protection des données personnelles. Des firmes comme Google, Facebook ou Apple ont besoin d’avoir accès aux données personnelles de millions de patients pour développer leurs programmes, dans le domaine de la santé. Quels sont les risques de confier des données de santé à de telles entreprises ? Aujourd’hui, lorsqu’un CH détient les données d’un patient avec son consentement, ces données collectées le sont dans un cadre précis. La législation impose l’obligation de demander à nouveau au patient l’autorisation si le médecin souhaite les exploiter à nouveau, en vue d’un autre projet. Faire sortir les données n’est pas permis par la loi, ou bien seulement après des processus d’anonymisation et d’agrégation de données très lourds, défendus par le CNIL, mais qui font perdre une grande partie de la qualité et de la pertinence des données. Le CNIL est indispensable, car elle défend la vie privée du citoyen, mais cela se fait au détriment de la recherche et de la science. Enfin, le risque de piratage est toujours présent et les données personnelles pourraient être utilisées à mauvais escient.

Jamais fatigués et limitant les risques d’erreur, ces outils font rêver en ouvrant de nouvelles perspectives dans le dépistage précoce, tout en inquiétant de par leur implication au sein de la médecine. À long terme, cette technologie pourrait acquérir une conscience artificielle (sentiments, compréhension de ses propres raisonnements…), cette perspective encore lointaine, soulève des craintes encore plus grandes sur les risques encourus en cas de défaillance du système.

 

Sources : Santé Publique France, le figaro santé, France culture, Ouest-France, ipi-ecoles.com, le parisien, Numerama, Santé magazine, what’s up doc.


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