La croissance infinie, un mythe incompatible avec la réalité de notre monde.

par Eric De Ruest
vendredi 30 mars 2007

Le déclin des ressources naturelles a commencé, s’il faut vraiment le rappeler, au moment ou l’homme a extrait les premiers silex de la terre. Il a depuis pioché sans réserve dans le bien commun pour satisfaire ses appétits toujours grandissants. Soucieux de développement et d’expansion, nos ancêtres ont pallié l’épuisement local des ressources en allant chercher ailleurs de nouvelles richesses pour édifier leurs empires. Certaines civilisations cependant ont connu un destin bien moins glorieux...

Des tribus polynésiennes vivant sur certaines îles (Mangareva, Pitcairn, îles de Pâques) ne purent contenir leur prolifération et disparurent de manière dramatique faute d’espace et de ressources. Ils ne purent envisager de quitter leurs îles en raison de l’épuisement du capital forestier sur celles-ci.

Aujourd’hui, l’économie globalisée, uniquement soucieuse des chiffres du PIB, voit se profiler à l’horizon une crise majeure aux conséquences indéfinissables. Les appétits insatiables du système capitaliste vont se retrouver face à ce que nos ancêtres polynésiens ont connu ; un épuisement des ressources sans possibilité de migrer ailleurs.

La première onde de choc qui fera vaciller l’économie mondiale viendra de l’épuisement des réserves mondiales de pétrole. De nombreux spécialistes de terrain, issus de l’industrie pétrolière, des ingénieurs, géologues, physiciens, économistes, se rassemblent maintenant depuis cinq ans dans les conférences de l’ASPO (association pour l’étude du pic de production de pétrole et du gaz naturel). Leur action consiste à prévenir les gouvernements et les acteurs du marché de l’imminence du choc pétrolier et des conséquences de celui-ci sur la croissance (www.peakoil.net). Même le peu recommandable Dick Cheney déclarait dans son discours au repas d’automne du London Institute of Petroleum en 1999 (alors qu’il était encore PDG d’Halliburton) que « Chaque année il faut trouver et développer des réserves égales à votre production simplement pour rester à flot. ... Pour le monde dans son ensemble, les compagnies pétrolières doivent théoriquement continuer à découvrir et développer suffisamment de pétrole pour compenser nos plus de soixante et onze millions de barils quotidiens de diminution de réserves, mais aussi pour répondre à la demande supplémentaire. D’après certaines estimations nous connaîtrons une augmentation moyenne annuelle de 2% de la demande globale dans les années à venir, parallèlement aux 3% de déclin de la production des réserves existantes, selon des chiffres optimistes. Cela signifie qu’en 2010, il nous faudra quelque chose de l’ordre de cinquante millions de barils supplémentaires par jour. Alors d’où viendra ce pétrole ? .... Si de nombreuses régions du monde offrent des opportunités exceptionnelles dans le domaine du pétrole, le Proche-Orient, avec deux tiers des réserves mondiales de pétrole et des coûts moindres, est l’endroit où à terme se trouve le gros lot, et même si les compagnies sont pressées d’avoir un meilleur accès à la région, les progrès demeurent faibles. [Passages mis en gras par l’auteur] ».

(On comprend mieux dès lors l’empressement des Etats Unis à aller guerroyer en Irak, avec comme justifications risibles des armes de destructions massives fantômes, libérer le peuple irakien du dictateur Saddam Hussein alors que les USA ont mis en place en Afrique et en Amérique du Sud de nombreux régimes tyranniques et que les dictatures pauvres en pétroles ont encore de beaux jours devant elles ou encore la guerre au terrorisme alors que les bases connues du terrorisme islamiste qui auraient (? ??) planifiés les attentats du 11/9 se trouvent en Arabie Saoudite et au Pakistan...)

On peut alors se prendre à rêver que d’autres sources d’énergies viendront pallier le manque provoqué par le pic pétrolier. C’est hélas une vision sans recul, car aujourd’hui, aucune alternative viable n’est envisageable à court terme.

Le pic pétrolier va relancer la vision nucléaire et charbonnière du marché de l’énergie. L’utilisation du nucléaire pour remplacer seulement un quart de l’énergie fournie par le pétrole et le gaz « naturel » nécessite la construction de plusieurs milliers de centrales. (A l’heure actuelle, 440 réacteurs sont en service dans le monde). La construction d’un seul réacteur de type EPR - 3eme génération de réacteur - coûterait à lui seul 3 milliards d’€. Faites donc les comptes en sachant que le PIB mondial est d’environ 40 000 milliards de dollars US en 2005.

C’est en plus, sans compter ni sur les quantités colossales de déchets mortels produites dans ces réacteurs, ni sur l’épuisement des ressources d’Uranium dans le siècle à venir (à utilisation égale... ce qui ne sera pas le cas).

Le retour au charbon constituerait notre plus sur arrêt de mort aux vues des quantités délirantes de toxiques rejetés dans notre atmosphère.

L’épuisement du charbon (à consommation égale à aujourd’hui) est estimé à plus ou moins 2 siècles.

Pour mémoire, nous produisons à l’heure actuelle près de 2 fois plus de gaz à effets de serre (GES) par année que ce que la terre peut assimiler. Ce qui laisse une petite idée du taux de concentration exponentielle des GES dans l’atmosphère dont nous devons nous débarrasser si nous voulons poursuivre l’aventure humaine.

Quant aux énergies renouvelables (ENR), elles ne peuvent pas encore remplacer l’abondance des énergies fossiles qui permirent à l’homme de connaître l’age d’or énergétique. Or le pic pétrolier se pointant à l’horizon, c’est aujourd’hui qu’il faut donc changer radicalement la destinée du monde si nous voulons d’un futur démocratique.

Croire en une croissance égoïste et sans limite revient à ignorer volontairement que les métaux suivront le même schéma de déplétion que les énergies. Alors comment construire les magasins, les véhicules et comment alimenter tout cela en énergie sans pétrole, sans métaux ?

Que les partisans d’une croissance soutenue nous expliquent comment nous ferons dans ces prochains cas de figures ? Qu’ils apportent des solutions aux problèmes engendrés par cette théorie pour pouvoir la défendre plus avant !

Nous savons, et de façon tout à fait vérifiée, que nos pratiques actuelles mettent le monde et la survie de l’humanité (entre autres espèces, dont de très nombreuses disparaissent à un rythme très rapide qui ne cesse de s’accélérer) en danger.

Nous savons que dans le cadre d’une croissance partagée nous, pays riches, devront décroître afin de rejoindre la moyenne équitable de développement que la terre autorise.

Si aujourd’hui les réserves encore disponibles nous laissent la possibilité de choisir la date de cette échéance il serait indispensable aux partisans d’une décroissance librement choisie de convaincre le monde de faire ce choix dès maintenant, car les possibilités de le faire plus tard s’amenuisent de jour en jour...

Par ailleurs nous savons que les 2 milliards les plus aisés ont un niveau de consommation à ce point élevé qu’il est simplement tout à fait impossible d’imaginer un niveau d’équité pour lequel tous les habitants de la planète bénéficieraient d’un niveau de vie équivalent à celui d’un occidental moyen.
L’empreinte écologique moyenne de ce dernier nécessiterait que nous disposions d’au moins 5 à 6 planètes équivalentes à la Terre pour que cela soit possible...

Vu notre voracité énergétique, il est peu probable que ce soit grâce aux énergies fossiles que nous enverrons de nouvelles colonies explorer l’immensité sidérale à la recherche de ces autres planètes nécessaires à notre croissance.

La boucle est bouclée.


Lire l'article complet, et les commentaires