La fatwa anti-télécoms des talibans

par Charles Bwele
mardi 26 février 2008

Les talibans menacent de faire sauter les opérateurs télécoms afghans s’ils n’interrompent pas leurs signaux de 17 à 3 heures du matin.

Leur porte-parole Zabiullah Mujahid a été ferme et clair : « si nos exigences ne sont pas respectées dans un délai de trois jours, nous viserons les locaux des compagnies et les tours de relais. » Ce n’est pas la première fois que les talibans s’en prennent - verbalement du moins - aux compagnies de téléphonie mobile, accusant celles-ci d’aider les troupes américaines et alliées à les repérer en temps réel. L’ultimatum qui expirera dans deux jours ferait suite à des pourparlers entre les opérateurs télécoms et Qari Mohammed Youssouf, autre émissaire des talibans.

En Afghanistan, la téléphonie mobile a littéralement explosé depuis la chute des talibans en 2001. Depuis, quatre millions d’abonnés ont été conquis par quatre opérateurs : Afghan Wireless Communication, Roshan, Etisalat et TeliaSonera Areeba.

Pourquoi exiger d’eux une interruption des signaux dans cette tranche horaire nocturne ?

Il suffirait aux talibans d’éteindre leurs mobiles pour éviter d’être tracés par les armées infidèles. Pour les plus paranos, le retrait de la batterie garantit que le portable (trafiqué) ne se rallumera pas automatiquement à leur insu. Il est notoirement connu que les forces policières et militaires triangulent régulièrement les portables de leurs cibles. Néanmoins, dans les zones montagneuses difficilement accessibles où les relais GSM sont rares et les mobiles inopérants, les miliciens utilisent la radio. Des lors, pour intercepter et localiser toutes les communications sans fil, les forces de l’OTAN ont plutôt recours à leurs satellites et plus souvent à leurs drones, aisément déployables, de loin plus efficaces, plus constants (détection multi-fréquences) et plus contrôlables que quatre opérateurs télécoms différents, de surcroît aisément infiltrables et vulnérables.

Dans un pays qui n’a jamais vraiment eu le téléphone a fortiori en zones montagneuses, le mobile est l’unique moyen de communication des populations, des commerçants, du gouvernement et même des talibans. Par ailleurs, de nombreux groupes rebelles, paramilitaires ou terroristes ont fréquemment recours aux réseaux mobiles ad hoc ne nécessitant que très peu voire aucune infrastructure pré-existante.

Les picocells nous permettront sous peu d’utiliser les téléphones mobiles et les PDA en avion. Une base intégrée dans l’appareil crée une bulle de communication à bord - même principe que la cellule GSM - et redirige les appels vers un satellite de télécommunications relié aux réseaux terrestres fixes et mobiles. En effet, en se connectant directement aux réseaux terrestres, le mobile influence les instruments de navigation et fait dévier la trajectoire du jet de cinq degrés en moyenne, d’où leur précédente interdiction. Cependant, l’installation de systèmes transportables picocell exige l’intervention d’un spécialiste ; les talibans en ont peut-être plusieurs sous la main... Sont-ils certifiés ISO 9001 ?

Plus simples et moins onéreux, les femtocells sont censés compenser une faible couverture GSM et peuvent être déployés à partir de n’importe quel téléphone portable ; toutes les communications basculeraient vers un modem haut débit au lieu de transiter par les tours-relais des opérateurs. Pour les TPE et PME rurales d’Europe, ces petits réseaux mobiles sont en quelque sorte une alternative au wifi. Y auraient-ils des modems ADSL cachés dans les caves de Tora Bora ? Espérons que les moudjahidins nous expliqueront leurs configurations dans ce forum...

Dans un cas comme dans d’autres, ces réseaux hertziens n’échapperont guère à un satellite militaire ou à un drone aérien tactique. Probablement que les talibans veulent instiguer une forme de terreur téléphonique qui, en plus d’angoisser la population, nuirait au bon fonctionnement des administrations et priveraient quelques indics anti-talibans de communiquer leurs mouvements nocturnes aux forces alliées et afghanes.

Les moudjahidins souhaiteraient-ils nettoyer le spectre afghan afin d’en être les uniques utilisateurs ? Une véritable jouissance pour les espions du ciel car ils auraient plutôt intérêt à noyer autant que possible leurs coms dans un brouhaha général. Seraient-ils devenus des oiseaux de proie nocturnes signalant de facto qu’ils resteraient statiques en journée  ? Auraient-ils réutilisé les sifflements et les pigeons voyageurs comme moyens de communication en montagne comme le fit la résistance alpine française dans les années 40 ? Sans vin de noix et sans fromage ? Se seraient-ils connectés au site de l’INA, ces petits malins ?

Plutôt étrange cette fatwa anti-GSM des chefs talibans. A moins qu’il ne s’agisse d’une nuisance asymétrique purement psychologique...

Sources  :

  1. BBC  : Taleban issue mobile phone threat

  2. Softpedia  : Taleban Insurgents Threatening to Destroy Mobile Networks

  3. Khaleejtimes  : Taleban warns Afghan mobile operators

  4. 01.Net  : Avec les femtocells, les petits réseaux UMTS privés font leur apparition

  5. Le Lezard  : Cellulaires et autres portables autorisés dans les avions européens



Lire l'article complet, et les commentaires