La fracture numérique des plus de soixante-dix ans
par Jean Claude BENARD
vendredi 1er décembre 2006
Depuis ce matin, nos parlementaires réfléchissent à la fracture numérique (chère à notre bon président) qui exclut les plus de soixnte-dix ans, nous apprend le journal Le Parisien.
Si un certain nombre d’arguments penchent en faveur de l’appropriation de ce nouveau moyen de communication, baisse du prix des ordinateurs, généralisation de l’ADSL, seuls 6% des plus de soixante-dix ans disposent des outils de connexion à l’Internet.
Quel principal reproche les plus de soixante-dix ans font-ils à l’Internet ?
"L’ordinateur et sa technologie font peur, et je ne saurais pas m’en servir."
Si cette réponse peut en faire sourire certains, il ne faudrait pas oublier que surfer sur l’Internet demande tout d’abord de savoir mettre en route un ordinateur destiné avant tout à être un outil de bureautique (traitement de texte, tableur).
Les plus malins d’entre nous ont oublié que la notion de « plug & play » ("branchez et ça marche" : expression pour indiquer que l’installation et l’utilisation d’un matériel sont à la portée de tous), chère aux industriels de la micro informatique, est surtout un concept fumeux.
De l’impulsion sur le bouton « start » en passant par le ou par les mots de passe, pour arriver sur le « bureau », reconnaître la bonne icone, puis lancer une connexion
(qui peut être aléatoire), en passant par les mystères du système d’exploitation qui peut décider de vous envoyer un message, ou tout simplement planter la machine...
Soyons honnêtes, et reconnaissons qu’il y a beaucoup de moins de soixante-dix ans qui ont frisé la dépression.
Comment pourrait se définir l’ordinateur idéal pour surfer sur l’Internet ?
- Une machine peu encombrante équipée d’un clavier-écran intégré
- Une connexion automatique vers un ou plusieurs bouquets de services
- Des touches de raccourcis dont certaines verraient leur fonction inscrite dessus
- Des touches flèches permettant de se déplacer facilement sur l’écran
- Des menu textes permettant de choisir la fonction souhaitée
- Un ou des opérateurs surveillés ou contrôlés par les pouvoirs publics, ce qui limiterait les risques d’abus sur les personnes.
Séduisant, non ?
Eh bien, cette définition est née en 1983 et a donné... le minitel
"Présenté au grand public comme annuaire électronique, destiné à remplacer la version papier des annuaires téléphoniques. Il a été distribué gratuitement dans les postes."
A cette époque-là, le Minitel n’était pas toujours bien accueilli par les gens
: son aspect technique rebutait ou déconcertait parfois les consommateurs.
Il fallait en effet un léger apprentissage avant de découvrir sa simplicité d’utilisation.
Il s’agissait bien sûr d’un phénomène sociologique normal : un temps d’accoutumance a été indispensable à l’utilisation du téléphone, il y a un siècle, car il était accusé de briser l’intimité du foyer.
Ainsi, ce furent d’abord les jeunes, plus familiarisés avec les technologies nouvelles et les claviers, qui constituèrent la clientèle d’avant-garde de ce mode de communication révolutionnaire.
En effet, nous étions aussi à la grande époque de l’informatique familiale, et acquérir un Minitel, c’était faire venir gratuitement un ordinateur chez soi.
Amusant, non ?
Le débat n’est pourtant plus aujourd’hui à la nostalgie, on ne se demande plus : « Et si les Américains avaient adopté le Minitel... » Il est souhaitable par contre de se demander si un ordinateur n’est pas surdimensionné par rapport à la fonction de recherche d’informations ou à l’envoi de courriers électroniques !
On me répondra : « Et le téléchargement de musique, vidéos et autres films ? » Je répondrai que rien n’empêche de mettre au point des terminaux spécialisés pour l’Internet ne disposant pas de fonctions évoluées, mais répondant à des aspirations plus classiques.
On pourrait très bien concevoir que les internautes qui souhaitent utiliser des fonctions évoluées se tournent (ce qui est le cas aujourd’hui) vers l’achat d’un ordinateur.
On ne réduira pas la fracture numérique en étant persuadé qu’il suffit de mettre au point un programme « Internet accompagné » ou au travers de services à domicile (chèque emploi services) dont personne ne vérifiera le niveau pédagogique.
Alors, Mesdames et Messieurs les parlementaires, pourquoi ne pas réfléchir au lancement de projets conciliant nouvelles technologies et simplicité extrême ? Je ne suis pas le seul à être persuadé que le nombre de demandeurs serait bien supérieur à la population de plus de soixante-dix ans !