La grande théorie de l’évolution
par Bernard Dugué
lundi 22 décembre 2014
La théorie de l’évolution a évolué depuis Darwin. Le modèle standard dit synthétique ou alors néo-darwinien (SET) est mis en balance avec d’autres alternatives et notamment le modèle étendu. Mais il n’est pas certain que ce modèle (extended evolutionnary theory, EET) ne soit pas lui-même dépassé. Auquel cas, nous pourrions évoquer un modèle encore plus étendu et riche en notions et explication. Ce modèle je le nomme grande théorie de l’évolution. En français, GTE et en anglais GET. L’évolution est une théorie dont on ne connaît pas le nombre définitif d’étapes, deux, trois ou quatre. Il n’est pas inutile de caractériser ces étapes par les notions importantes qui en constituent les colonnes vertébrales successives. Bien évidemment, ces caractéristiques ne sont pas absolues et peuvent être amendées par chaque chapelle de l’évolutionnisme, voire chaque spécialiste. Je vais prendre un choix arbitraire et me contenter d’exposer les trois premières étapes en traduisant en le complétant un schéma proposé par Massimo Pigliucci et Gerd Müller, in : Evolution - The extended theory, MIT press, 2011.
I. Le modèle originel de Darwin. (1) Héritage. (2) Variations. (3) Sélection naturelle. Les centaines de pages écrites par Darwin gravitent essentiellement autour de ces trois notions avec des descriptions précises et riches issues de ses observations sur lors de ses voyages.
II. Le modèle néo-darwinien ou théorie synthétique de l’évolution. Cette théorie est tout simplement un accomplissement des thèses formulées dans l’origine des espèces de Darwin. Son armature s’est constituée entre 1940 et 1960 mais elle n’a cessé de voir s’ajouter des détails, des descriptions et des constats scientifiques que les techniques récentes ont permis de fournir, notamment dans le domaine moléculaire. Avec des précisions sur les mutations, les gènes, les mécanismes de l’hérédités et tout un ensemble de processus nucléaires capables de modifier le génome. (1) Hérédité des caractères, Mendel. (2) Découverte des gènes et des mécanismes produisant des variations dans le génome. (3) Génétique des populations. Cette spécialité scientifique permet d’établir des corrélations entre les homologies génétiques et les rameaux phylogénétiques et de suivre la distribution des gènes dans les espèces en relation avec une « pression évolutive ». (4) Le hasard qui produit des variations. (5) Les processus de spéciation et les tendances évolutives. Ces cinq notions viennent alors compléter une sixième qui est la sélection naturelle.
III. La théorie étendue de l’évolution. Cette nouvelle conception incorpore plusieurs notions et sous-ensemble théoriques venant compléter le modèle synthétique. La controverse porte du la nouveauté de cette théorie étendue. Ont été ajoutés les éléments suivants. (1) La théorie de l’évo-dévo. (2) Plasticité et accommodation. (3) Construction de niches. (4) Hérédité par mécanismes épigénétiques. (5) Théorie des mèmes, Dawkins. (6) Evolvabilité. (7) Sélection multi-niveaux. (8) Evolution génomique. Cette conception dite étendue de l’évolution est controversée car on ne peut dire si elle est différente de la précédente dans son architectonique. Tout dépend alors comment les notions s’articulent, quels sont leur poids respectif et lesquelles occupent des positions centrales. Comme l’ont ouvertement souligné les promoteurs de cette théorie, l’objectif est de prendre une distance avec le génocentrisme.
L’intention qui anime les promoteurs de la théorie étendue s’inscrit dans une alternative qui a été parfaitement résumée par John Maynard-Smith dans un petit livre traduit aux éditions Cassini. Avec les deux tendances en biologie, l’une mettant au centre les gènes, le génome et le programme génétique robuste et conservé au cours de l’évolution, l’autre jouant plutôt sur des processus globaux, non génétique, physiques et orchestré autour du principe de l’auto-organisation et un peu moins centré sur l’information génétique. D’où pour simplifier, le choix entre le réductionnisme génétique et le holisme multi-interactif. Ou entre un déterminisme algorithmique dû aux gènes avec leurs expressions régulées depuis le noyaux et un globalisme présupposant l’existence de processus organisateurs qui ne sont pas directement contrôlés par les gènes mais émergent sous l’effet des interactions entre molécules exprimées et cellules différenciées.
Il n’est pas certain que l’alternative en évolutionnisme soit strictement « répondante » face à l’alternative en biologie du développement. Chaque domaine a ses concepts et notions spécifiques. Une théorie exacte de l’évolution doit comprendre le vivant autant comme détermination biologique que comme ensemble d’espèces amenées à interagir dans le milieu, à le transformer et à évoluer ou bien s’y adapter.
IV. La grande théorie de l’évolution. Le panorama très sommaire que je viens de tracer permet de situer deux et certainement trois étapes dans la théorie de l’évolution. Mais au stade de mes investigations, je me pose la question sur cette possible quatrième étape, post-darwinienne, dont j’ai dessiné quelques contours dans un essai qui est loin du compte car la grande théorie de l’évolution me semble pour l’instant inaccessible, sorte d’Everest scientifique hors de portée. Je crois que l’essentiel est de savoir maintenant poser les bonnes questions sur l’évolution. Je vais y réfléchir.
J’ai une seule certitude, c’est que le 21ième siècle verra émerger cette grande théorie de l’évolution. Je vais tenter d’y contribuer en contournant les institutions scientifiques qui ne m’apporteront aucune aide je pense. Je n’attends plus aucune aide d’ailleurs, le monde est une jungle et je suivrai mon destin de Job. Si ça vous intéresse, je vous suggérerai ce que je pense être les grandes questions après réflexion.