La parapsychologie peut-elle entrer dans le champ scientifique ?

par F C Bachellerie
jeudi 2 février 2006

Si le bilan global de la science en tant que véhicule de la connaissance est plus que positif, le récent bug du Sud-Coréen Hwang Woo Suk - et surtout la mise en cause de l’institution de référence, Science magazine - demandent qu’on se mobilise pour stimuler l’émergence de nouvelles méthodes universelles de recherche de la connaissance.

Roger Bacon, le père de la méthode scientifique, a passé le plus gros de sa vie en prison pour avoir nié à la foi toute valeur de vérité. Il doit se retourner dans sa tombe en lisant les propos officiels du Dr Katerina Kelner - deputy editor à la revue scientifique américaine Science magazine - faisant suite au scandale de la publication par sa revue de deux articles fabriqués par le Sud-Coréen Hwang Woo Suk.

Dans le texte du Dr Kelner, long d’une dizaine de lignes, la scientifique place, en effet, deux fois le mot croyance (belief), deux fois le mot confiance (trust) et on y trouve même le mot foi (faith), employé dans une phrase qui ferait froid dans le dos des amoureux de la raison : "Nous travaillons (...) à démontrer notre invariable foi dans l’intégrité fondamentale de la vaste majorité des scientifiques, ainsi que dans l’exceptionnelle promesse de l’entreprise scientifique." On est loin du doute cartésien fondateur de l’approche expérimentale, et on comprend mieux qu’un tel aveuglement dogmatique puisse inciter certains à tricher !

Il a fallu que l’homme "tue Dieu" pour libérer en lui les facultés créatrices de la Raison. Quelles autres facultés créatrices l’homme libérerait-il en lui, s’il venait un jour à "tuer la science" ? Car si l’on ne peut nier les avancées apportées à l’humanité par la science, il nous faudra dans son procès faire l’honnête inventaire des obstacles qu’elle a mis - au nom du caractère sacré de sa méthode - sur le chemin universel qui mène à la vérité et à la connaissance. J’imagine aisément que si, demain, les méthodes scientifiques devenaient pour nous aussi peu sacrées que le sont aujourd’hui les dogmes religieux (c’est-à-dire à peine plus qu’un folklore sympathique pour initié), alors s’imposeraient à nous de nouveaux domaines de la connaissance tels que, par exemple, ceux présents à l’état embryonnaire dans la parapsychologie.

Depuis les années 1930, des scientifiques sérieux - tels que J.B. Rhine - ont utilisé les méthodes scientifiques les plus fidèles pour étudier des phénomènes inexpliqués tels que les perceptions extra-sensorielles et la psychokinèse. Depuis plus de 70 ans qu’ils sont sur le sujet, ces scientifiques ont publié un nombre impressionnant d’expériences, dans lesquelles la rigueur scientifique n’a pu être mise en défaut. Malgré ces efforts, la parapsychologie n’a toujours pas réussi à s’émanciper de son statut de "pseudo-science". Car si elle a voulu, par souci de vérité, "coller" à la science, elle s’y est retrouvée accolée comme une mouche à un papier tue-mouche ! Paradoxalement, c’est aussi peut-être parce qu’elle a échoué à s’imposer sur certains critères fondamentaux de l’approche scientifique - notamment la reproductibilité des expériences, la théorisation, et l’indépendance de l’expérimentateur - que la parapsychologie peut nous montrer la voie vers un nouveau chemin de la connaissance. Prenons par exemple la non-reproductibilité des phénomènes parapsychologiques. Il est rare, en effet, qu’un sujet soit capable d’avoir 100% de réussite aux tests de perception extra-sensorielle (Rémy Chauvin raconte pourtant l’histoire de cette petite fille qui ,après s’être concentrée, réussit à deviner chacune des 25 cartes cachées du célèbre test de Zener - une performance impossible selon les lois immuables de la probabilité. Elle ne refit jamais cette performance, pas plus que quiconque). Pour autant, un tel obstacle ne freina point, dans le passé, la science lorsque, les incertitudes de l’infiniment petit contredisant les théories de la physique classique, il fut décidé de créer une nouvelle théorie physique : celle des quantas.

Les anomalies de la physique classique ont ainsi ouvert la porte à la compréhension d’un nouveau monde. Se peut-il qu’avec celles révélées par les expériences parapsychologiques, nous soyons au seuil d’un autre monde ? Pour exister, la parapsychologie n’aurait donc pas besoin de tuer la science. Il lui faudrait tout simplement une théorie unificatrice. Parmi les théories proposées pour unifier les observations psy, celle qui me semble la plus poétique précéda le début même de la discipline. Elle fut développé en 1927 par J.W. Dunne, en réponse au phénomène des rêves prémonitoires dans le livre An experiment with time. La théorie de Dunne consiste en ce que le temps - comme l’espace - est multidimensionnel, ce que l’homme, placé dans un continuum temporel unidimensionnel, ne peut percevoir, mais que l’état de sommeil semble ouvrir à la conscience humaine.

Quand on sait que sur la base de cette théorie, le dramaturge J.B. Priestley écrit l’adorable pièce de théâtre I’ve been here before, et que la même théorie inspira à Borges sa vision de l’éternité, on ne peut que regretter que les comités de lecture de la revue Science ne soient pas, de nos jours, inspirés d’une telle imagination.


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