La physique moderne comprend-elle la Gravité ? Est-ce grave docteur ?

par Bernard Dugué
mardi 18 novembre 2014

I. La compréhension de l’univers fait douter les scientifiques et les philosophes mais pas de la même manière. Les physiciens ne sont pas parfaitement conscients de ce qu’ils cherchent mais ils savent parfaitement ce qu’ils font. Accumuler les observations nouvelles et les confronter aux modèles théoriques ; ou alors essayer de combiner des modèles pour faire des théories synthétiques, composites, voire carrément une théorie du Tout. Les philosophes cherchent à comprendre l’univers et parfois, ils se servent des résultats scientifiques. D’ailleurs, ils ont tout intérêt à s’appuyer sur la science pour ne pas s’égarer dans des fantasmagories cosmiques. Mais bien souvent, les scientifiques et les philosophes ne se comprennent pas bien qu’ils partagent un même idéal. Ils se sont mutuellement des reproches qui sont certaines fois légitimes et qui d’autres fois relèvent d’une mauvaise foi, voire d’une malveillance. S’il n’y avait pas tant de malveillants, le monde irait mieux. Mais bon, je ne vais pas refaire le monde. Au fait, de quoi voulais-je parler ? De la gravitation et de la gravité, ces deux notions identiques dans la limite des justification sémantiques et phénoménologiques.

La gravitation est dite « universelle » quand elle est prise dans l’acception de Newton comme une force attractive produite par deux ou plusieurs corps disposés dans le cosmos. Ce peut être la terre et la lune ou alors une pierre qui, lancée depuis un pont, est « attirée » vers le sol. Dans le premier cas on parle de gravitation et de gravité dans le second. Mais dans les deux cas, c’est une même force qui intervient si l’on adhère à la conception newtonienne. Einstein est allé plus loin. La gravité est aussi ce qui courbe l’espace-temps. La relativité générale est une théorie plus universelle que la gravitation de Newton. Elle est à la fois une dynamique qui décrit la disposition des masses dans l’univers et une géométrodynamique qui décrit l’espace-temps ; avec l’équation R = T et ses tenseurs en 4D.

Au terme de près d’un siècle de recherches, la relativité générale est une théorie solide pour la plupart mais pour quelques autres, elle est perfectible pour ne pas dire faillible. Les contestations proviennent de ceux bords. D’une part les cosmologues et astrophysiciens gênés par des inadéquation entre les observations du ciel et les calculs de la théorie, d’autre part par les théoriciens qui tentent de concilier le monde quantique avec celui de la gravité.

L’inadéquation entre les observations et la théorie aboutit à introduire de la matière noire et de l’énergie sombre. Ces deux entités sont physiquement distinctes, la première étant locale, la seconde globale. On peut accepter cette hypothèse ou alors la refuser. Après tout, si l’observation ne colle pas, c’est peut-être que la théorie n’est pas « la bonne » pour rendre compte du phénomène. Ce n’est pas très satisfaisant de rajouter des entités non visibles pour faire coller des observations à une théorie. Mais si telle est la méthode, alors la relativité ne risque pas d’être ébranlée. Dès qu’un écart se produira entre observation et théorie, un coup de matière ou d’énergie noire et l’affaire sera classée. Du côté des théoriciens, rien de bien neuf depuis le paradoxe de l’information et du trou noir. Quelques-uns pensent devoir sacrifier l’un des deux piliers de la physique contemporaine. La cosmologie semble être mieux placée que la physique quantique pour être « déboulonnée ».


II. Cette présentation faite, je m’en vais simplement vous confier mon opinion sur ces recherches qui ont conduit à mettre en doute la validité de la relativité générale avec à la fin de mon essai l’hypothèse d’un champ de gravité qui n’existe pas en tant que champ physique. Cette conclusion est embarrassante et m’amène à rectifier le tir. Peut-être faut-il revoir la géométrie relativiste qui est trop ambiguë pour certains, avec trop de variables, d’équations et d’inconnues. C’est ce que font les acteurs de la « cosmologie des formes » qui décrit le cosmos relativiste mais reste équivalent à la relativité d’Einstein, sauf dans les développements en cosmologie quantique et en physique du trou noir. Cela étant, mon avis est que pour passer à la compréhension supérieure de l’univers, il faut aller plus loin, en étant guidé par les mathématiques mais surtout en développant un sens physique permettant de repenser ce qui depuis quatre siècle est connu et mesuré comme gravité.

Le sens physique des choses doit au moins s’interroger sur l’influence permettant à un corps céleste de voir sa trajectoire modifiée lorsqu’un astre est dans son environnement. Ce phénomène a permis d’ailleurs à la sonde Rosetta de parvenir à destination en jouant sur l’attraction gravitationnelle pour économiser du carburant. Qu’est-ce qui se passe alors ? Les relativistes diront que la sonde suit les géodésiques de l’espace-temps. Mais je n’adhère pas à cette explication alors il me faut revoir tout ça et examiner ce qu’est la gravité, comment elle fonctionne. Et peut-être que cette Gravité prend un G majuscule si on lui accorde d’autres domaines d’influence, d’autres effets, en la concevant dans sa réalité ontologique. Cette voie de recherche est en décalage avec les conventions mais la science n’a-t-elle point progressé avec des ruptures et des changements de notions scientifiques appliquées à un objet d’étude ?

C’est la Gravité qui intrigue et je « cale » dessus, même si mon imaginaire scientifique se plait à tester des hypothèses plutôt décalées et même suscitant quelques inquiétudes métaphysiques tant le monde réel semble échapper au monde du sens commun. C’était déjà le cas avec la physique quantique que personne (à ma connaissance) ne comprend actuellement. Si l’on tente de combiner le quantique et le cosmique, alors la Gravité pourrait devenir aussi énigmatique que le Quantique. Et même l’univers. Car il se peut bien que la Gravité et l’étendue doivent être conceptualisées différemment et qu’il faille repenser le cosmos dans son intégralité. La théorie d’Einstein est au fond une théorie classique. Il faut envisager un développement post-classique de la cosmologie en introduisant une Gravité sous un angle inédit.

Soulignons à ce stade l’existence de plusieurs pistes, plus ou moins sérieuses, pour dépasser la vision d’Einstein et le modèle standard de la cosmologie. On connaît l’univers plasma de Halfvèn, mais aussi quelques idées intéressantes sur le gravitomagnétisme, le dédoublement de la gravité suggéré par Louis Nielsen (conclusion à laquelle j’arrive également en usant de voies détournées) ou encore les tentatives de contourner la relativité d’Einstein (cosmologie des formes) ou de l’aménager comme le fait Mathieu Beau de l’université de Dublin et bien d’autres pistes…


III. Doutes cosmologiques. La fin de la Modernité est éclairée par des résultats indéniables, des acquis scientifiques et philosophiques mais aussi des doutes, non ceux de Descartes mais ceux de Nietzsche, qui d’ailleurs ne sont plus des doutes mais des soupçons. De Nietzsche aux années 1970, la pensée a été nourrie de multitudes de soupçons. Alors que la science triomphait non sans faire apparaître quelques théories dissidentes pour ne pas dire hérétiques. Il y a trente ou quarante ans, les dissidences étaient assez appréciées par un grand public instruit mais actuellement, j’ai le sentiment que les gens n’aiment plus être bousculés par des incertitudes et des doutes. Ils veulent de l’accessible et du solide, des sensations et de la tranquillité, de la pensée labellisée par les médias et produite par des scientifiques ayant une reconnaissance dans l’institution. Bien évidemment, il en reste quelques-uns curieux et audacieux dans leurs approches de la connaissance. La science contemporaine a élaboré une pensée officielle tout en reléguant les critiques et autres inventeurs alternatifs dans le rang de la dissidence. Cette pensée convient bien à notre époque qui demande de l’efficacité et de la sécurité. Pas vraiment de place pour les aventures spéculatives et les cosmologies alternatives.

Ce contexte ne facilite pas les approches alternatives dans les disciplines scientifiques visant à comprendre la matière, le cosmos, la vie et la conscience. Voilà pourquoi je livre une modeste confession sur les barrières placées entre l’homme et l’univers. Ces barrières sont naturelles et les savants ont pu en franchir quelques unes depuis trois ou quatre millénaires avec une accélération pendant la Modernité scientifique. D’autres barrières, d’essence sociologique, ont été également mise en place. Elles séparent les scientifiques de l’institution et les savants dissidents. Le phénomène est humain, trop humain dirait Nietzsche.

Je vois les dernières portes se dessiner pour accéder vers un nouvel univers de connaissance mais les vents contraires soufflent. Le visage de la Gravité suinte à travers les développements de la cosmonadologie quantique mais je ne parviens pas à supprimer cet énigmatique voile qui me sépare de la vérité cosmologique. Je vais donc employer une stratégie adaptée. Pour la Gravité, je m’en tiendrai aux conclusions finales de mon essai sur la cosmonadologie en précisant que ces conclusions ne sont que provisoires et que la question de la Gravité est déterminante pour la physique du 21ème siècle. Quant aux obstacles institutionnels, la stratégie de contournement est conseillée. Le débat sur l’interprétation de la physique n’a pas lieu d’être uniquement réservé aux scientifiques même s’ils ont la parfaite légitimité et la priorité pour y participer. Encore faudrait-il qu’ils le souhaitent. Je n’ai pas ce sentiment (après quelques contacts) et la meilleure des solutions est de mettre le débat ontologique et philosophique sur la place publique. Au pays de Voltaire, il se trouvera bien quelques esprits éclairés pour les grandes controverses à venir sur la Nature et le Cosmos.


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