La raison est-elle soluble dans le Web 2.0 ?

par cedricgodart
mardi 26 décembre 2006

L’arrivée d’un « après YouTube », dont la viabilité économique semble m’avoir échappé, me pousse moi aussi à me demander si, en ces temps de bons voeux obligatoires, l’hystérie collective n’a pas rejoint les bouteilles de Cool Water sous le sapin. Démasquer ce « culte du 2.0 » comme on tague des panneaux publicitaires, très vite.

Le très respectable magazine Time a-t-il perdu la tête ? Il place en effet "You" (c’est à dire moi, vous, n’importe qui) au rang de personnalité de l’année. Voilà ce qui restera donc dans la presse de l’année 2006, reléguant au rang de "faits" les banlieues, Ahmadinejad, l’Irak, l’écologie, le Liban, la panique aérienne estivale à Londres, Chicago-Charleroi, le docu-fiction de la RTBF et l’arrivée tardive du SonyEricsson P990i.

You, ne reste donc plus que ce terme, vague, poudre aux yeux, symbolisé par le rachat, pour 1,65 milliard de dollars US, d’une firme nommée YouTube par Google, le chiffre de l’année. You, l’inspiration divine d’une galaxie de start-up prétentieuses, dont l’unique dessein est d’être rachetées par l’un ou l’autre des majors players, un jour prochain, là où la Bourse était le but ultime hier : Scroon dévoile "l’après YouTube", expliquant les bienfaits de la "convergence 2.0".

Pour certains, la diffusion hertzienne est morte : le podcast en a sonné le glas. Sauf qu’à se pencher sur les chiffres - jalousement gardés -, on voit qu’il convient de manier avec prudence ce genre d’affirmation. Tout comme il convient de gratter un peu pour voir ce qui se dissimule vraiment derrière les affirmations selon lesquelles la "3G est un succès" et voici déjà la "HD mobile" (comprenez "HD timbre poste"). Oui, l’horizon affiche clairement l’option "à la demande", mais la multiplication des canaux de diffusion n’est qu’une évolution de l’espèce : cela fait vingt ans que le magnétoscope - et donc la télé à la demande "1.0" - est dans les foyers. Sous nos latitudes, l’utilisateur de médias est encore, et pour longtemps, un assisté : il est peu probable qu’en dehors du cénacle des blogueurs actifs et engagés, les internautes se mettent à composer un Netvibes ou un espace Live.com. Il est certes devenu impossible de dessiner une ligne du temps à plus de trois années dans le secteur, mais il suffit de quitter les grands boulevards pavés de smartphones et de Blackberry pour regarder la planète Terre, qui n’est pas encore tout à fait virtualisée.

Le Web 2.0 représente aujourd’hui une série de tendances observées sur un marché aussi incertain qu’à la fin des années 1990, rien de plus. Combien de "jeunes pousses" sont aujourd’hui rentables ? Ou disposent d’un modèle économique viable ? Du vent, du marketing, un assemblage de technologies qui lui pré-existaient. La révolution, c’est autre chose : il suffit d’ouvrir un dictionnaire pour se rappeler que les termes ont une histoire et une acception plus ou moins claire en langue française.

Quant au terme social, désormais appliqué à tout ce qui relève de la "sphère 2.0", il n’est rien d’autre qu’une illusion  : socialise-t-on vraiment en dehors des heures de travail ou de cours par la simple connexion à son réseau d’amis sur MSN (pardon "Live") Messenger ? Quid du zapping des individus, "viens ici que je te bloque de mon Google Talk" ? Le langage SMS, le journal Métro, les dépêches copiées/collées sur Yahoo ou Skynet Actualités ?

L’Internet ouvre des horizons (Wikipédia, AgoraVox), c’est certain. L’information ne sera jamais plus la même. Les sources n’ont jamais été aussi plurielles. Mais l’hystérie collective est là, nous guette, couverte de vertus "socialisantes", de logos épurés : nombre d’acteurs importants - dont les revenus reposent sur le seul canal publicitaire ! - font aujourd’hui passer l’ego pour une liberté d’expression. Méfions-nous des panneaux publicitaires du culte 2.0. A y regarder de plus près, la couverture du Time Magazine pourrait très bien être celle de "Psychanalyse magazine".


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